Par Olympe BHÊLY-QUENUM.
Qu’ils soient de droite ou de gauche, j’ose espérer que les Africains de nationalité française n’oublient pas qu’ils sont avant tout Africains, soit par filiation patrilinéaire ou matrilinéaire; ouvertement comme l’a fait François Hollande dans son interview à Afrik.com: « Le regard français sur l’Afrique doit changer», ou en filigrane comme d’autres candidats, l’Afrique est inévitablement présente dans l’élection présidentielle de l’Hexagone ; aussi serait-il gravement préjudiciable de sous-estimer les faits de constat que le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été caractérisé par des insultes et des humiliations infligées à l’Afrique francophone.
Venu en France sous la III ème République( Vincent Auriol, président de la République) je n’avais jamais vu un sous- préfet se comporter avec les étudiants de la France d’Outre-Mer, comme Monsieur Sarkozy à l’égard de cette Afrique là constituée d’Etats indépendants en 1960 ; à coup sûr, la faute en incombe aux chefs d’Etat africains qui ont peur de leurs peuples et ne tiennent guère à une rupture radicale avec le système de l’ex-Mère Patrie restructuré par le système FrançAfrique.
Des constats ? Double langage et la supercherie s’exfiltrent du discours de mai 2006,.à Cotonou :
1° au Bénin, ministre de l’Intérieur de la République française et candidat UMP à l’élection présidentielle, Sarkozy avait affirmé que la France devait « construire une relation nouvelle » avec l’Afrique, « débarrassée des scories du passé », sans « réseaux d’un autre temps » ni « émissaires officieux ».
2°On pouvait lire dans Lettre du continent (LC n°210). : « […] le candidat de l’UMP cloisonne ses relations avec les dirigeants africains à travers une myriade d’émissaires. C’est ainsi avec son seul directeur de campagne, Claude Guéant, qu’il voit les émirs du golfe de Guinée comme le doyen Omar Bongo ou le président Denis Sassou Nguesso. C’est l’ancien ministre Olivier Stirn qui le représentait, le 3 avril à Dakar à l’investiture du président Abdoulaye Wade. Officiellement les dossiers sont gérés par le conseiller diplomatique David Martinon avec Pierre Régent et un jeune diplomate “africain” Bon Bouton.
« Parmi les secrétaires nationaux de l’UMP, les ex-ministres Jacques Godfrain et Hervé de Charrette, ne sont pas avares de notes, de même que Michel Barnier. A la SEM Coopération 92, Sarkozy a par ailleurs recruté François Jay, un ancien de Bolloré» , et d’autre part : « Bunkérisés dans l’Hexagone […] les candidats à la présidence de la République française n’ont pas vraiment eu l’occasion (ou cherché) à définir ce que seront leurs rapports avec l’Afrique…L’équation Afrique/immigration a totalement pollué toute perspective de nouvelles relations avec un continent dont les extraordinaires potentialités sont aussi fortes que sa capacité de nuisance. »
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Pour avoir fait campagne pour Ségolène Royal dont nombre des déclarations sont encore en ligne sur mon site www.obhelyquenum.com, je précise que sans ruse, ni double langage, Ségolène, tel François Hollande en 2012 ( cf. L’interview à Afrik.com « Le regard français sur l’Afrique doit changer » ), soulignait comment devait être la Coopération avec l’Afrique et ce que devait être la « politique de la France en Afrique » ( cf. Lettre à Bernard Pinaud Président du CRID 19/01/07).
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À partir de 2006, l’insolence et l’arrogance de Sarkozy se sont singularisées en Afrique quand il déclarait à Bamako : « La France, économiquement, n’a pas besoin de l’Afrique. Les flux entre la France et l’Afrique représentent 2% de notre économie. »
En martelant ce que représente « Les flux entre la France et l’Afrique », son inculture ne lui a pas permis d’apprendre ce que je savais depuis 1952 (cf. Morceaux choisis d’ Histoire de l'Europe ), c’est-à-dire: « Après les accords de Munich, la France affaiblie n’aurait jamais pu se maintenir parmi les grandes puissances sans ses colonies en tant qu’alliées. »
Qu’à cela ne tienne ! Mais qu’un Français droit du sol, de père hongrois, de mère d’ascendance grecque (Salonique) ait pu ainsi pérorer face aux Africains sur leur terre natale incitait autant à l’indignation qu’à la révolte parce qu’il les pourchassait jusqu’à chez eux, les contestait dans leur identité en les réinstallant dans leur pauvreté. C’était inouï et inadmissible.
3°Une autre déclaration de Sarkozy augurait de la déliquescence des relations avec l’Afrique : j’ai lu dans Le Monde (13/01/07) : « A l’occasion de la prochaine discussion du projet de loi sur le droit au logement opposable, Nicolas Sarkozy a estimé que s’ « il va de soi que les sans-papiers ne doivent pas y avoir accès », il a ajouté : « Je ne souhaite pas non plus que tous les étrangers en situation régulière y aient droit. »
Xénophobie, exclusion, rejet de l’autre, voire racisme ? À chacun de juger.
4°À Dakar, à l’ université Cheikh Anta Diop, le nouveau président de la République française prononça sa logorrhée innommable, prose barrésienne émaillée de poncifs hégéliens ; relu en le passant au peigne fin, le texte s’est avéré le parangon du racisme caractérisé. C’est inadmissible.
À moins qu’il ne soit dénaturé, quel Africain digne du continent noir accorderait son suffrage à un tel homme au 2ème tour de l’élection présidentielle 2012 ? Monsieur Sarkozy n’avait pas fait mystère de sa politique de la France en Afrique et l’Afrique tout entière l’a assez vu.
Il faut changer ; non pas à l’instar du Bénin : lourde honte et « régression préjudiciable », mais comme au Sénégal, fierté de la Négritude.
LE CHANGEMENT C’EST MAINTENANT. Esquissée dans son programme, la fermeté de cette décision brièvement élargie dans son ouvrage Changer le destin, est développée dans l’interview « Le regard français sur l’Afrique doit changer » déjà mentionnée, est la preuve de la singularité du programme du candidat socialiste dans cette campagne présidentielle en France : aucun autre, autant que lui, ne
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s’intéresse à l’Afrique ; pas même Nicolas Sarkozy dont, en 2007, des clips de TV Gabon avaient diffusé la visite au regretté président Omar Bongo dans un grand hôtel de Paris. C’est bien ainsi.
L’Afrique francophone n’acceptera plus aucun diktat ; CCF et Instituts de France où rampent les compradors sans envergure ni impact dans leur pays n’entraveront plus les projets culturels des Africains, sous prétexte que leurs initiatives nuiront au programme de la France pour l’Afrique.
C’est un constat que l’Organisation internationale de la Francophonie n’ignore pas : mieux que les CCF et les Instituts, écrivains et artistes francophones travaillent à l’ancrage ainsi qu’à l’expansion de la langue française en Afrique ; c’est, hélas ! au détriment de nos langues africaines sans lecteurs.
Je dis donc : si voter pour François Hollande, c’est voter pour le changement en France, c’est aussi voter pour l’amélioration des relations humaines, culturelles, et sociales entre l’Afrique et la France.
Il faut le dire aussi : si l’Afrique a été si brutalisée et si mal traitée pendant le quinquennat de Sarkozy, la faute en incombe largement aux chefs d’Etat africains, qui, ayant peur de leurs peuples, soucieux de s’éterniser au pouvoir, violent les Constitutions, pratiquent le déni de démocratie, étouffent la justice et la presse, génèrent la corruption, convaincus que, fort d’un article des fameux « Accords de coopération entre la France et les États africains et malgache d’expression française » le chef d’Etat de l’ex-Mère Patrie d’Afrique volera à leur secours en toute légalité ; d’où les courbettes, les compromissions favorables à l’ancrage de FrançAfrique en Afrique francophone et les missions de porteurs de valise pour le financement de campagnes électorales en France; Africains, des juristes, avocats et intellectuels en quête de décorations et de sinécure collaborent en entretenant le cancer qui tue le peuple.
Dans « Lettre à un ami africain » adressée à Alioune Diop[1], Emmanuel Mounier[2] stigmatisait les Africains « ennemis de leur propre passé...ces renégats qui n'arriveront qu’à produire, dans l’écume de quelques grandes villes, de faux Européens, des Européens en contre-plaqué.»
Ces propos de plus d’un demi-siècle sont d’actualité et se posent dès lors les questions que voici :
1° les Africains résidents en France, qu’ils aient ou n’aient pas la nationalité française, devraient-ils se comporter comme des renégats?
2° on a fait résonner les cymbales du «devoir de réserve» quand une métisse franco-africaine, écrivain de grand talent, lauréat du prix Goncourt, a eu fait entendre bien fort son opinion ; les Africains auraient-ils pour devoir de se taire quand un homme politique ou le Français lambda véhicule des lots de mensonges au sujet des réalités du terrain objectif de leur pays natal?
3° de nationalité française ou non, leur devoir serait-il de s’estimer tellement bien en France qu’ils ne devraient pas broncher, si leur pays natal est insulté, humilié, traîné dans la boue?
4° en l’occurrence, les Africains de nationalité française ou tolérés sur le sol français pouvaient-ils réagir sans être traités d’anti-France ?
J’invite ces Africains et Africaines de nationalité française qui veulent en finir avec le sarkozysme et son emprise sur les chefs d’État africains à voter massivement pour François Hollande au deuxième tour de cette élection présidentielle.
Je demande qu’après son élection et la mise en place de son gouvernement, François Hollande organise un colloque ou un symposium d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels africains au fait des problèmes culturels et sociopolitiques africains. Nous en avons assez des ingérences des « grands Blancs »- comme Senghor lui-même les appelait : sempiternels amis d’Afrique, des Africains aussi qu’ils bernent et trahissent chaque fois que l’occasion s’en présente.
Olympe BHÊLY-QUENUM.
Garrigues-Sainte-Eulalie, 29 avril 2012
[1] Fondateur des éditions Présence Africaine.
[2] Philosophe personnaliste, fondateur de la ,revue Esprit
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