Tu me dis à brûle pourpoint que «Sanogo et sa bande de copains nostalgiques d'une époque passée et dépassée, par leur coup d'état sans queue ni tête, suivi aussitôt de leur effacement devant les pressions internationales, se sont humiliés, ont humilié le Mali et l'Afrique tout entière.» L'humiliation, dis-tu, aurait été moindre si on avait eu affaire à des gens déterminés, qui savaient ce qu'ils faisaient, et avaient préparé à l'avance leur action. Au lieu de quoi, par leur « effacement queue entre les jambes » devant le charivari international et les rodomontades de ceux-là mêmes qui n'avaient pourtant pas de leçons à leur donner, ils montrent le caractère dérisoire de leurs motivations ; ils laissent penser à une bande d’aventuriers qui voulaient tenter eux aussi leur chance, goûter aux délices du pouvoir perçu comme source d'enrichissement facile comme c'est le cas des Gnassingbé, Kérékou, Obasanjo, et autres Compaoré pour ne citer que ce quarteron de militaires coupistes qui firent fortune dans et par la politique. Mon cher ami, je te reconnais là dans ton intransigeance stimulante qui a l’avantage de provoquer un débat fécond. Mais je crains qu’en l’occurrence ton jugement sur le capitaine Sanogo et ses hommes soit un peu sévère et ne passe à côté de l'objectif.
En fait, mon opinion est que, de par leur action et la manière dont elle se termina, tout porte à croire que ces putschistes n'avaient jamais visé s'éterniser au pouvoir. Leur action a été d'abord une réaction à une situation dramatique : la guerre dans le Nord qui occasionnait des sacrifices parmi les troupes combattantes, sacrifices auxquels toute la classe politique établie paraissait indifférente, et se préparait, comme si de rien n'était, à parader pour son festival de corruption, d'hypocrisie et de fraude dénommé élection. Ce cynisme était d'autant plus insupportable aux yeux des jeunes cadres et soldats de rang qu'ils étaient au premier rang des sacrifiés.
Par ailleurs, leur geste visait à mettre un coup d'arrêt aux acteurs de la démocratie théâtrale qui, moyennant une comédie de surface par laquelle était donnés urbi et orbi des gages apparents d’un fonctionnement constitutionnel, se livraient en réalité à un horrible carnaval de corruption et de pillage des ressources du pays. Contrairement à l'idée qu'on aurait eu affaire au Mali à une bande de plaisantins et de rêveurs, je vois plutôt en eux une seconde génération de faiseurs de coup d'état, héroïques justiciers dont le souci est de restaurer les conditions d'une conférence nationale sur les vraies questions nationales, sociales, éthiques, économiques, politique du pays, une véritable démocratie débarrassée de la culture de tromperie et de corruption qui la mine.
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En Afrique, le signal qu'a produit l'action du capitaine Sanogo et de ses hommes est à mon avis salutaire. Cette action a consisté à mettre en garde tous les opportunistes, les profiteurs, les ennemis du peuple, cette venimeuse engeance de flibustiers sans âme ni éthique prêts à piller l'Afrique de conserve avec leurs maîtres occidentaux au détriment du peuple enfermé dans la camisole de force d'une soi-disant démocratie mais en réalité une démocratie sans peuple. Maintenant tous ces Tartuffes savent que leur jeu cynique pourrait à tout moment prendre fin par un coup d'état. Telle est la dialectique d'une démocratie véritable au service du peuple, au service d'une Afrique libre et consciente d'elle-même, au service de la justice et de la promotion d'une éthique qui fasse honneur à la dignité de l'homme africain. Voilà, mon cher ami pourquoi je pense que tu es un peu sévère dans ton jugement sur la signification à donner à ce qui s'est passé au Mali ces dernières semaines, à travers le coup d'état du capitaine Sanogo et de ses hommes. Je pense qu'en sous-estimant la portée et la signification de l'action de ces soldats putschistes du Mali, tu ne perçoives la bouffée d'air pure et le rayon de lumière qu'elles apportent dans l’atmosphère délétère, nauséeuse et ténébreuse imposée subtilement par la démocratie théâtrale qui sévit actuellement en Afrique avec la bénédiction de ses exploiteurs historiques. Binason Avèkes |
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