Ma Chère Rozanne,
Est-ce bien raisonnable, t’exclames-tu à propos de la supposée prise de position de Yayi Boni en faveur de Laurent Gbagbo dans la crise électorale de Côte d’Ivoire. Ce disant, tu en restes perplexe. Eh oui, tu as raison. Mais de quoi s’agit-il ? A priori, nous avons affaire avec ce qu’on appelle en anglais un “reported speech”, des propos rapportés, en l’occurrence par la presse. On fait tenir à Yayi Boni un point de vue partisan sur la situation en Côte d’Ivoire, et ce dans une déclaration qu’il aurait faite à Luanda, en Angola. Mais là où je partage ta perplexité, c’est que, malgré la gravité de ces propos ni le président ni ses nombreux porte-parole n’ont cru devoir démentir l’information. Cela est d’autant plus grave que Yayi Boni est censé être des émissaires de la CDEAO dans ce brûlant dossier ; et que, le cas échéant, un tel commentaire serait sans doute l’un des plus catégoriques dans son genre prononcé dans cette affaire par un Chef d’Etat africain.
Alors, tu veux mon avis ? Eh bien, il est vraisemblable que Yayi Boni n’a rien dit de tel, et peut en donner la preuve ; mais il est sans doute vraisemblable aussi qu’il n’en pense pas moins dans la mesure où le cas de figure ivoirien est un modèle anticipé de ce qu’il prépare au Bénin pour février 2011 ; et sauf cas de force majeure, la même absurdité juridico-politique, la même logique de guerre risquent de s’installer chez nous dans quelques semaines..
Dans ces conditions, le silence qui plane sur l’exactitude d’un commentaire aussi diplomatiquement bizarre sinon déplacé, qui ne reflète du reste pas la position de la majorité des Béninois que le Président est censé représenter, ce silence est peut-être délibéré. Fidèle à sa manie propagandiste, à son faible pour la manipulation de l’opinion et de ses interlocuteurs politiques, en droite ligne de sa sensibilité exacerbée au regard médiatique, il n’est pas exclu que Yayi Boni et les siens aient fabriqué cette fausse info, véritable intox et appât médiatique à usage de l’opposition. Véritable ballon d’essai, l’intox aurait alors une double fonction : d’une part, elle sert à susciter les réactions de l’opposition et de ses ténors, censés ne plus attendre leur reste pour se mettre à condamner avec excès Yayi Boni sur la foi d’un commentaire qu’il n’a peut-être pas tenu ; et d’autre part, dès lors que son innocence sera après coup établie et prouvée, Yayi Boni pourra jouer les victimes de l’acharnement injuste d’une opposition discréditée, prompte à raconter n’importe quoi sur son compte. Du coup les esprits seraient préparés, jusques et y compris à l’international, à la posture qui sera la sienne dans les prochains jours lorsque, inexorablement, les mêmes causes produiront les mêmes effets
Ma Chère Rozanne, cette information est assez bizarre pour laisser songeur, et je crois qu’il y a anguille sous roche. Je partage ta perplexité à 100%. À mon avis, ça sent le piège ; et comme le piège est toujours à l’image de celui qui le tend, il est fort probable que ce soit l’œuvre maligne d’un homme qui agit dans la précipitation et qui attend de ses victimes éventuelles qu’elles agissent pareillement. Or, – et c’est là ma réponse à la seconde partie de ta question – la précipitation ou l’improvisation, c’est pas le genre de la maison UN et, à plus forte raison, d’un homme comme Adrien Houngbédji…
Donc cool, ma poule… et à bientôt !
Ahokponou Basile
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