D'abord une réflexion liminaire à propos du mot racisme. Quand on parle de racisme, quand on dit qu'un acte est motivé par le racisme ou qu’un individu est raciste, interviennent toujours deux figures, deux éléments ethniques perçus comme opposés, l'un étant positif, l'autre négatif ; l'un étant bon, l'autre mauvais ; l'un étant supérieur, l'autre inférieure ; l’un étant civilisé et l'autre sauvage ; l'un étant colonisateur, organisé, l'autre étant voué à la colonisation, taillable et corvéable, brute et inorganisé, etc. ; l'un étant blanc et l'autre non blanc. En général et sans qu'il y ait besoin de précision, quand on parle de racisme, on comprend qu'il s'agit d'un acte ou d'une attitude ou l'agent est blanc et le patient ou la victime est non blanc. Dans la catégorie de non-blanc, l’acception la plus usuelle est celle de Noir ou d’Arabo-musulman. Donc les deux victimes pragmatiques de ce qu'on appelle communément racisme sont les Noirs et les Arabo-musulmans, surtout lorsque l'on considère les sociétés occidentales modernes. Bien sûr, il y a d'autres acceptions moins communes ; par exemple en tant que blancs, les Arabes ne sont pas en reste dans leurs rapports vis-à-vis des Noirs qui ont toujours été historiquement marqués par le racisme, l’exploitation sexuelle et l’esclavage ; mais cette violence est souvent ignorée dans la mesure ou la dénonciation de racisme en tant que phénomène sociologique a pour origine les sociétés occidentales, où le pouvoir n'appartient pas aux Arabo-musulmans. Ce qui donne force et crédit au racisme, c'est qu'il est perçu comme étant enraciné dans l'attitude historique d'un groupe humain envers un autre. Si bien que derrière la considération de l'acte prétendument raciste d'un Blanc à l'égard d’un Noir ou d’un Arabe, c'est l'histoire de la violence ethnique des sociétés blanches -que ce soit à travers l'esclavage ou le colonialisme- vis-à-vis des sociétés non-européennes et notamment afro-arabes qui est implicitement visée. Pour ce qui est du racisme mettant en jeu entre elles deux ethnies ou groupes humains tous plus ou moins sémitiques ou caucasiens, d'autres mots spécifiques sont employés. Ainsi la violence nazie est du nationalisme. La violence raciste des Blancs qu'ils soient Allemands, nazis, ou autres à l'égard des Juifs a, depuis plusieurs siècles, été mise sous l'appellation d'antisémitisme, etc. Cette explication étant faite venons-en au sujet, à savoir l’ambigüité méthodique du racisme de M. Sarkozy. La chose était apparue avant sa présidence de 2007 à 2012 ; elle s'est confirmée et renforcée de façon navrante avec son exercice de la présidence de la République. Le racisme auquel nous faisons référence en ce qui concerne Sarkozy est le racisme anti-noir, le racisme antimusulman ou anti-arabe qui peut aussi, compte tenu du caractère de l'immigration en France, être synonyme de racisme anti-immigrés. Il y a parmi les Blancs, surtout lorsqu'ils sont des hommes publics agissant dans l'espace public, une certaine hypocrisie à révéler le fond de leur pensée quant à leur sentiment à l'égard des Noirs ou des Arabes. Et, en dépit des beaux discours universalistes qu'on débite mécaniquement sur les valeurs prétendument humanistes de la France, le seul fait que la France ait été tour à tour un pionnier de l'esclavage un grand colonisateur en Afrique prouve qu’elle n’est pas remplie uniquement que de généreux humanistes. Beaucoup de gens en France, en dehors même de l'influence de la perception socio-économique de l'immigration qui fait rage actuellement, beaucoup de gens sont racistes. Il en a toujours été ainsi depuis des siècles. Il y a aussi des âmes humaines, généreuses mais elles ont souvent été mises en minorité. À partir de ce constat, la question est celle de la loi d'une part et de la bienséance d'autre part. La loi dit qu'en France tous les hommes sont égaux et que le racisme est un délit voire un crime. Les hommes politiques passent leur temps à dire que la France est un pays des droits de l'homme en oubliant que si c'était vrai elle n'aurait pas été un pays d'esclavage à moins que l'esclavage ne soit un bienfait humanitaire. Ce qui n'est du reste pas loin du mode d'emploi historique de l'esclavage que l’idéologie dénégatrice des faits historiques peu glorieux a fait subrepticement passer dans l'esprit des descendants d'esclaves. Car souvent, comme l'a montré Frantz Fanon, on a laissé comprendre aux Antillais qu'ils ont une nature supérieure aux Noirs d'Afrique sauvages, comme si l'esclavage les avait sublimés, en les sauvant de la sauvagerie dans laquelle continue de végéter l'Afrique. Ce procédé de manipulation mentale permet de redonner fierté et sens aux descendants d'esclaves qui préfèrent arborer le masque blanc de la dénégation plutôt que de porter fièrement leur identité noire et africaine. Et de même, si la France était un pays des droits de l'homme, on ne comprend pas pourquoi elle s'est fourvoyée des décennies durant dans l'entreprise du colonialisme avec tout son lot de violences, d'exploitation et de domination, à moins que ce fléau soit un bienfait de l'humanité, ou que comme le pensent certains, une civilisation. Donc il est difficile au regard de la loi, des valeurs officielles françaises ou de la bienséance de se dire ouvertement raciste. Mais les propos ou les actes parlent là où les mots restent muets ou mesurés. Parmi les hommes politiques français Jean-Marie Le Pen en faisant fond sur les immigrés, ici synonyme d'Arabo-musulmans et de Noirs, en préconisant l'apartheid à leur égard, l'interdiction de leur entrée sur le territoire français pour s'y installer, en préconisant leur renvoi, en qualifiant l'immigration de colonisation à rebours, Jean-Marie Le Pen a montré ouvertement qu'il était raciste car, l'amour qu'il prétend avoir pour sa nation lui intime cette voie de l'exclusion des autres qui dans son esprit sont les Noirs, les Arabes, les musulmans et à titre polémique les Juifs qu'il associe à ce qu'il appelle couramment « l'Établissement ». Donc le fait qu’on ait tour à tour taxé Jean-Marie Le Pen de raciste, d'antimusulman, d'anti-arabe ou d'antisémite n'a rien d'étonnant puisque les propos, l'idéologie professée ainsi que ses actes trahissent bien cette inclination. Mais parmi les français dont à des degrés divers 70 % peuvent être considérés comme racistes, il y a bien d'hommes politiques qui n'osent dire tout haut ce que Jean-Marie Le Pen dit publiquement bien qu'il n’en pensent pas moins. Lorsqu'il s’est agi d'attirer à soi l'électorat du Front National, M. Sarkozy n'a pas hésité à faire des signes dans ce sens. Comme d'ailleurs toute la droite française empêtrée dans une hypocrisie rance, la stratégie du clin d'œil aux électeurs du Front National a toujours été bien rodée. Bien avant Sarkozy, il y a eu Pasqua, Chirac, etc. Et, selon les époques, une formule ou une autre employée au détriment des étrangers, des immigrés visaient à plaire aux électeurs du Front National. Mais jusque-là, on agissait en douceur sinon en douce. L'hypocrisie était de rigueur. On affirmait d'un côté les valeurs lénifiantes de la France mais de l'autre on caressait dans le sens du poil les électeurs du Front National que l'on mettait un soin à distinguer de leurs leaders. M. Sarkozy a rompu l'équilibre de cette ligne hypocrite. Il l’a fait en tant que chef de parti, en tant que ministre de la France et pire encore en tant que président de la république, ce qui est d'une gravité éthique et politique sans précédent. D'entrée de jeu, en dehors de la posture et des gesticulations de grand méchant loup qu'il prenait en tant que ministre de l'intérieur dans le gouvernement de Villepin, tout le monde a en mémoire, à l'approche de sa candidature en 2007, la fameuse phrase sur le Karcher qu'il prononça à la Courneuve et dont la tonalité ordurière qu'il allait systématiser plus tard était appuyée par des mots comme « racaille » qui dans la bouche d'un ministre de la république à l'endroit de populations stigmatisées, n'était rien moins que scandaleux. Les mots de « Karcher » et de « racaille » employés de façon polémique qui visaient à exciter l'électorat lepéniste, comme le faisait jadis avant lui MM. Chirac ou Pasqua, étaient indéniablement racistes et prenaient à partie sans masque les Noirs et les Arabes. Dans le même gouvernement de Villepin où le futur candidat UMP à l'élection présidentielle de 2007 a été ministre de l'intérieur, la rumeur mais aussi les nouvelles se sont fait l'écho des rapports exécrables que Sarkozy entretenait avec le seul ministre d'origine maghrébine ou immigrée du gouvernement, à savoir M. AZZOUZ BEGAG. Rapports marqués par un fameux échange téléphonique pour le moins violent dans lequel Sarkozy menaçait sans détours M. Begag en le traitant de tous les noms. Ces attaques du ministre de l'intérieur suintait de racisme car leurs victimes étaient stigmatisées et le propos souvent intentionnel. Mais une fois devenu président, le sentiment profond que Sarkozy éprouvait vis-à-vis des Noirs et des Arabo-musulmans, au-delà de la problématique de l'immigration, la tactique qui a consisté à se faire le fils naturel ou l'héritier de Le Pen et à siphonner son électorat allait se manifester dans une mise en jeu dont l'ambiguïté a été savamment étudiée. Il s'agissait d'une méthode de l'entre-deux consistant en des propos mais surtout en des actes dont la signification ou la motivation était ambiguë au sens propre du terme ; c'est-à-dire qu'ils pouvaient donner lieu à une interprétation positive comme à une interprétation négative. L'une pouvant être vue comme bienveillante, l'autre comme viscéralement haineuse, raciste et malveillante. Durant tout son quinquennat, Sarkozy a agi suivant cette méthode ambiguë et d'autant plus malicieuse que l'ambiguïté dont elle était chargée servait de masque à la haine viscérale du Noir et de l'Arabe qui apparaît dans le fond de sa personnalité. Plus d'un acte ou d'une décision en témoigne. Premier acte traduisant la méthodique ambigüité du racisme de Sarkozy.
La nomination des ministres censés « représenter » ou refléter la diversité ethnique. Eh bien Sarkozy a eu, pour satisfaire cette mission hautement délicate, à nommer trois femmes d'origine africaine : deux d’origine maghrébine et une d'origine sénégalaise. Aucun des ministres d'origine immigrée dans le gouvernement de M. Sarkozy n'était donc de sexe masculin, aucun homme d'origine immigrée n’était nommé par M. Sarkozy. Cette préférence sexuelle est le signe de racisme évident en même temps qu’elle est le masque ambigu de celui-ci. En effet dans l'imaginaire collectif l'incarnation de ce qui est repoussant chez l'autre est d'essence virile. Ce qui est le plus inacceptable chez l’Africain, ce n'est pas la terre africaine gorgée de ressource symbolisée par la femme africaine mais l'homme africain, qui en est « le propriétaire » ;
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de même que l’homme arabe qui incarne la figure du rejet de l'Arabe. La femme est plus tolérable car elle ne fait pas peur, la politique de la haine est d'abord virile tandis que la femme que l'on peut séduire contribue au contraire à apaiser, à flatter la virilité de l'homme blanc, la caresser dans le sens du poil… Afficher en tant que représentants des Arabes ou des Maghrébins en France une femme comme Rachida Dati passe mieux auprès des Français en général et même auprès des électeurs de M. Le Pen plutôt qu’un AZOUZ BEGAG qui, aussi intelligent soit-il, n'avait rien de bandant. Et qu'en aurait-il été si on devait envisager le choix d'un Arabe pur jus, plus proche de la moyenne de ceux qui vivent en France ? Quelle horreur !
Cette féminisation rassurante de l’autre, qui est semblable à son euphémisation, rime en même temps avec sa réduction et son rejet véritable. C’est le même phénomène qui conduit comme aux Etats-Unis à préférer comme représentant des Noirs le métis à un Noir pur jus ; car le métis, ce Noir blanc, fait moins peur qu’un Noir noir C'est ainsi qu'avec trois ministres femmes d'origine immigrée nommées dans son gouvernement, au moment même où Sarkozy trahissait sa haine viscérale de l'homme arabe ou de l'homme noir avec lequel il ne pouvait concevoir de s'asseoir autour de la même table du conseil des ministres, dans le même mouvement, il se donne à voir comme quelqu'un qui a introduit des ministres d'origine immigrée dans son gouvernement ; quelqu'un qui a nommé des femmes avec tout le discours de parité sexuelle qui va avec ce genre de considérations. Et cette ambiguïté savamment calculée et assumée, savamment étudiée sert de marque à son racisme anti-noir et anti-arabe viscéral. Avec son statut de président de la république, les excès verbaux de la période préélectorale et électorale à l'endroit des populations immigrées se cachent maintenant derrière le masque de l'ambiguïté méthodique qui fait qu'une même nomination de ministres d'origine immigrée montre à la fois une fausse bonne volonté d'intégration-raciale et sexuelle-en même temps qu'elle cache la haine et le rejet viscéral que Sarkozy éprouve pour le Noir et l'Arabe. Deuxième exemple de cette ambiguïté méthodique Le discours de Dakar. Le fameux discours de Dakar prononcé quelques semaines après son accession au pouvoir est un exemple de cette ambiguïté méthodique du racisme de Sarkozy. Dans ce discours écrit par Henri Guaino, entre autres gracieusetés prononcées sur les Africains, Sarkozy proclame que « l'Afrique n'est pas suffisamment entrée dans l'histoire ». Dans un sens, on pourrait penser que cette critique est sincère et véridique qu’elle vise à aiguillonner les Africains, leur dire la vérité sur leur retard actuel afin qu'ils s'en inspirent pour réagir. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il a choisi le Sénégal pour le délivrer, un pays historique de béni-oui-oui aux thèses les plus ethnocentristes du colonialisme et du néocolonialisme où a été établie l’habitude de l’hébétude qui consiste aux élites noires à se croire les plus intelligentes au moment même où ils trahissent la débilité la plus confondante. Un discours qui avait prétendument l'intention d'ouvrir un débat pour éclairer les Africains, mais à la vérité un discours qui trahit ce qu'il y a de plus primaires dans certaines interprétations de l'hégélianisme sur les différences entre les hommes et dont Sarkozy se fait le porte-voix apparemment naïf. Et derrière cette apparence de volonté de soulever une question qui pourrait mériter débat se cache à la fois la justification du colonialisme, du néocolonialisme ainsi que ses avatars que sont la Françafrique et les réseaux mafieux qui sévissent en Afrique. En clair, l'homme qui voulait apparaître comme celui qui avait le courage de dire aux Africains ce que tout le monde en Occident pense tout bas sans oser le dire, était en réalité celui qui adhérait aux thèses d’un évolutionnisme primaire, chargé de dédouaner les responsabilités de l'Occident dans l’arriération et l’appauvrissement de l'Afrique travestis en retard et en pauvreté. Troisième exemple de cette ambiguïté méthodique du racisme de Sarkozy. L’humiliation de Gbagbo
Sous prétexte d'aller apporter la démocratie en Côte d'Ivoire, Sarkozy aura été aussi le président français qui, de De Gaulle à Chirac en passant par Mitterrand ce sera le plus immiscé ouvertement dans la ville politique d'une nation africaine officiellement indépendante. Au nom de la France, il a activement exercé une contrainte sur la vie politique de ce pays, procédé à une intervention musclée et évincé le président constitutionnellement élu pour le remplacer par son rival qu'il considère comme légitime parce qu’ayant la caution de l'ONU. Là où, sur l'épineux dossier de la Côte d'Ivoire, Chirac a été très prudent en se contentant d'une force d'interposition, Sarkozy n'a pas hésité dans un premier temps à menacer ouvertement M. Laurent Gbagbo lui intimant un ultimatum comme s'il s'adressait à un vulgaire sous-préfet ; puis à le renverser et à le faire juger par le tribunal pénal international, aggravant de ce fait la division du pays. Tout cela pourquoi ? Parce que M. Gbagbo et un homme noir qui a osé tenir tête à un grand pays de blancs. Cette audace de Gbagbo était insoutenable, et n'importe quelle raciste blanc devrait y répondre exactement comme l'a fait M. Sarkozy. Avec ici en prime une double ambiguïté. D'abord parce qu'il agit soi-disant dans l'intérêt de la démocratie--comme si la Côte d'Ivoire était la seule urgence démocratique du continent africain mais aussi parce qu’après tout M. Sarkozy a agi en faveur d’un autre Africain, et celui qui agit en faveur d’un Africain ne peut véritablement pas être accusé de racisme, C.Q.F.D.
Le fait que Sarkozy soit l’incarnation d’une sensibilité raciste -- au sens où nous avons défini ici le racisme -- est un sujet d’étonnement et même de contradiction lorsqu’on songe à la fois à son âge, sa génération et à son ambition de modernité. Son tempérament énergique, qui est l’une de ses qualités indéniables, son volontarisme réaliste ainsi que son approche concrète des questions sociales et politiques ne peuvent justifier son obsession et son parti-pris anti-immigré, c’est-à-dire in fine, anti-Noir et anti-arabe. Le fait que Sarkozy ne soit pas un humaniste épris de tolérance a été démontré lors de l’élection présidentielle de 2012, qui allait sanctionner son éviction du pouvoir. Au-delà de sa vulgarité qui faisait honte aux Français, mais à laquelle en 2007 ils avaient prêté un sens qui s’est révélé dénué de transcendance, sa capacité à se laisser dériver sur l’océan houleux de la haine, de l’intolérance, à prendre le contre-pied les valeurs de la République dont en tant que président il était censé être le garant ne s’expliquent pas seulement par le désarroi et l’angoisse de perdre les élections. La capacité à se saisir sans complexe du discours de Monsieur Le Pen et à le faire sien n’est pas seulement de la démagogie sans lendemain mais bien la traduction d’une sensibilité qui ne trompe pas. Chez Sarkozy, l’ambigüité méthodique et passablement malicieuse du racisme a constitué le masque de cette sensibilité
Binason Avèkes
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