Les Blancs prennent plaisir à faire notre ethnologie, une « science » dont se sont servis le colonialisme et le néocolonialisme dans leurs entreprises racistes. Mais les Blancs n'ont pas le monopole de ce genre de curiosité. Il est temps que nous fassions aussi à notre tour leur ethnologie, ce que Claude Lévi-Strauss appelait dans «Le Regard éloigné », « l'ethnologie inversée ». Mais, de mon point de vue, cette ethnologie n'a rien d'inversé : c'est la même ethnologie qui prend une communauté humaine, ses œuvres et ses mœurs comme sujet. Les hommes étant égaux, comment accepter cette notion d'inversion sans faire dans le même temps le jeu raciste de la démarche occidentale ? Le sujet dont il est question ici, l'inceste, tout en étant un thème ethnologique, relève plus précisément de l'éthologie. Le thème de l'inceste a été abondamment étudié par les anthropologues, notamment Claude Lévi-Strauss dont il est au cœur du système du structuralisme, mais aussi par Freud qui en a dégagé le fameux concept de l'évitement. Mais ici l’inceste dont il s’agit se manifeste à l'intérieur d'un groupe social à vocation publique. Il concerne les relations entre le monde politique et le monde journalistique en France. Les hommes politiques de haut niveau, ce n'est plus un secret pour personne, prennent de plus en plus des compagnes journalistes. Le phénomène n'est pas nouveau. Peut-être n'est-ce qu'un iceberg dont la partie émergée est représentée par son niveau sociologique supérieur : les ministres, voire le président de la république lui-même. Peut-être que des maires, des députés ou autres élus plus anonymes font partie de ce monde des épouseurs du genre médiatique. Mais, dans son éminence sociologique, le phénomène est très marqué dans la jet-set parisienne, et au sein de ceux qui détiennent le pouvoir d'État au plus haut niveau.
Parmi ces cinq exemples qui ne sont que la crème sociologique d'un phénomène d'autant plus discret, on l'imagine, qu'il touche à ce tabou médiatique concerté qu'on appelle « vie privée », quelques constats s'imposent. D'abord, quatre cas sur cinq concernent la presse audiovisuelle, la télévision plus précisément. Et les journalistes en question présentaient des journaux ou animaient des émissions politiques avant leur affichage publique comme compagne d'homme politique. Deuxième constat et qui est d'ordre plus général, la liaison ou le compagnonnage érotique entre hommes politiques et journalistes est sexuellement ordonnée : les politiques sont de sexe masculin et les journalistes des femmes. En tout cas, tel est le constat que l'on peut faire à partir des cas publiquement connus. Mais, compte tenu du fait que ces cas connus ne sont que le petit bout d'un iceberg moral plus discret, il est fort probable que les ministres femmes couchent, flirtent ou aient des amants ou des aventures avec des journalistes hommes ou femmes d'ailleurs… Troisième constat. La plupart des hommes politiques entrant dans ce jeu de compagnonnage érotique sont de gauche, et plus précisément du parti socialiste. Le fait qu'ils soient de gauche réfère probablement une certaine culture morale propre à cette sensibilité politique, portée, on le sait, à la thématique de la liberté et de la mobilité sociale et sexuelle, par opposition à la droite plus conservatrice. Le fait qu'ils soient socialistes, est la traduction du fait que les socialistes sont le seul parti de gauche à pouvoir ou avoir eu accès au pouvoir d'État. Et, comme les femmes préfèrent et ne préfèrent souvent que les vainqueurs ou les vainqueurs potentiels, on comprend tout naturellement que les socialistes soient, à gauche, les heureux élus de ce phénomène. Chez ces socialistes, on a constaté que la tendance à se laisser happer par les vicissitudes matrimoniales allait de pair avec leur fortune politique personnelle. Combien de ministres ou de premiers ministres de gauche n'ont du reste pas changé d'épouse, ou divorcé dans l’embrasement du pouvoir, la perspective de gouverner ou suite à l'exercice de la fonction de ministre ou de premier ministre ? En Occident et plus particulièrement en France pays censé être à la fois le berceau et la capitale du mythe de l'amour, on a beau dire, on ne vit pas d'amour et d'eau fraîche ; et, comme partout ailleurs au monde, les femmes ont plutôt tendance à aimer les hommes puissants et riches, là où les hommes ont tendance à aimer les femmes que tout le monde trouve belles, en l’occurrence celles qui, pour ces raisons, font la tête d'affiche des journaux ou magazines télé. Même le seul d'entre les hommes politiques de cet ensemble d’épouseurs du genre médiatique qui ne soit pas socialiste, Borloo, est un radical, à sensibilité sociale affichée ; ce qui le rapproche plus des socialistes que de la droite où il s'est retranché pour des raisons stratégiques. En politique, c’est connu, on a parfois intérêt à jouer la caution de gauche de la droite que d'être la cinquième roue du carrosse de la gauche et inversement. Ainsi, Borloo est pour la gauche ce qu'un Manuel Valls par exemple est pour la droite.
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Parmi les cinq hommes épouseurs du genre médiatique étudié ici, un seul fait exception à la règle d'or de la femme visible, dont la « beauté » est publiquement miroitée par le média où elle officie. Car cet élément spéculaire fait partie intégrante de la fantasmatique du phénomène. Non seulement ma femme est belle, mais sa beauté est publiquement car médiatiquement agréée. Un seul homme, disons-nous, fait exception à cette règle, un seul couple plus précisément, il s'agit du couple François Hollande et Valérie Trierweiler. Celle-ci était, jusqu'à l'élection de son compagnon comme Président de la République, journaliste à Paris-Match. Entre elle et le groupe des journalistes de télévision il y a à la fois une nette différence mais aussi une certaine similitude. La différence est d'ordre technique et fantasmatique. En effet, l'image d'un journaliste de la presse écrite n'apparaît pas ostensiblement ou n'est pas visible dans le journal ou le magazine où elle officie. D'un point de vue esthétique et visuel, il y a là un principe de discrétion et de non-exposition fondamental. Du coup, le rapport avec la dimension fantasmatique, cette espèce de voyeurisme spéculaire qui fait le piment des relations des couples de la première catégorie s'estompe. Binason Avèkes |
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