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Mon cher Pancrace, devrais-je être à ce point hanté par la problématique de l’aliénation pour y consacrer tout entier un rêve ? Il faut croire… Ce rêve se déroulait dans un train expérimental qui reliait je crois Tchaourou à Niamey via Parakou. Dans le train se trouvaient assis Bolloré et ses conseillers. A un moment donné le train passant par Tourou, il y avait Monsieur Dossou Aworet et quelques hommes d’affaires chinois debout au bord de la voie ferrée, sans doute espérant y entrer à l’arrêt. Mais le train ne s’arrêta pas, et quelques instants après qu’il eut laissé en rade l’homme d’affaire béninois, les blancs qui étaient à bord se mirent à jaser à ses dépens. Ils se moquaient de M Dossou-Aworêt. et l’un d’eux dit : « Ils n'ont ni langue ni religion ni objets d'usage actuels faits par eux-mêmes. Tout ou presque leur est apporté de l'extérieur. Moyennant, hier le commerce des hommes —leurs propres fils et filles vendus comme des bestiaux —et aujourd'hui que l'esclavage brut est terminé, les ressources de leur sous-sol : minerais, pétrole, métaux précieux ou rares etc. Et dire que le représentant de cette sous-humanité rêve de rivaliser avec nous ? »
Bien entendu, ces propos qui suintaient d’un ethnocentrisme suranné étaient choquants. Mais à y voir de près, ils étaient moins une insulte qu’une description sans concession de notre condition. Un destin d'esclaves qui, après son actuelle phase simiesque, se révélera dans sa forme d’airain quand se lèvera le rideau sur le théâtre de notre existence de facilité sans lendemain ni défiance envers l'espiègle hostilité du monde.
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