Si je ne dois conserver que trois images souvenir de mon récent séjour accidentel en République des CON, ce seront ces trois images banales : un petit garçon de 6 ans, une boutique de meunier, et cet étang de pisciculture du Centre Songhaï à Porto-Novo. |
Ce garçon de 6 ans, à l’air timide et perdu, travaille déjà malgré son petit âge. Il est vendeur de kleenex dans une station service sauvage de Porto-Novo, sise non loin de la gare routière, ou pour donner un repère plus ressenti, à quelques jets de pierre du chantier fantôme du présumé bâtiment de l’Assemblée Nationale laissé honteusement en rade par les effets conjugués de l’incurie, de la corruption et de l’irresponsabilité du régime de la République des CON. Quand je dis vendeur de Kleenex, ce n’était pas vraiment de la vente en gros, car dans sa petite boite en plastique transparente, il n’avait que trois paquets de kleenex, juste ce que ses frêles bras pouvaient transporter. Et il allait de-ci de-là, hantant les clients, proposant sa marchandise au tout venant, à ces grands hommes et femmes riches dont les voitures s’aventuraient dans l’enceinte terreuse de la station pour s’approvisionner en essence frelatée, que vendaient des femmes ou des hommes, peut-être ses tantes, cousins et cousines. Soit dit en passant, les clients les plus fervents de cette station service sauvage étaient les agents des forces de l’ordre, ceux-là mêmes qui, quelques mois plus tôt avait mené une lutte meurtrière contre les revendeurs de payo, et qui de guerre lasse ont viré leur cuti de la façon la plus absurde et la plus lamentable qu’on puisse imaginer en appliquant la sagesse anglaise : beat them or join them ! Ce garçon de 6 ans dont je ne connais pas le nom, mais que j’ai vu trois ou quatre fois dans cette station, avec le même regard étonné de vous voir à chaque fois, n’était pas encore né lorsqu’une clique d’aventuriers médiocres et régionalistes dirigée par Yayi Boni a accédé à la tête du pays en y promettant le changement. C’est peut-être ce fameux slogan à trois temps : « ça doit changer, ça peut changer, ça va changer» ! appuyé par l’image cabalistique du cauris qui a dû charmer ses parents et les pousser d’espoir à jeter ce garçon au monde. Mais aujourd’hui pour tout changement, six ans après sa naissance le petit garçon n’a que trois kleenex légers à offrir au monde. Trois kleenex légers et rien d’autre ! On peut se consoler de remarquer qu’il porte un habit décent, et est même chaussé de sandalettes de fortune. C’est déjà ça. La changement est passé par-là. Sans doute si, comme le réclame à corps et à cri la tourbe cynique des partisans régionalistes de sa République des CON, Yayi Boni accédait à leur appel au 3ème mandat et y réussissait – noter que depuis 2006, rien ne lui résiste et tout lui réussit – sans doute alors disons-nous, le petit garçon profitant de l’oeuvre «inégalée de Yayi depuis les indépendances » s’offrirait un chapeau et des lunettes solaires pour se protéger… Deuxième image mémorable ; photo de l’étang de pisciculture nouvellement aménagé au Centre Songhaï de Porto-Novo. Chaque fois que je me retrouve dans ma ville natale, même accidentellement comme là, je ne manque de faire une visite au centre Songhaï et le cas échéant au Père Godfrey Nzamujo. Car Songhaï est la preuve vivante de ce qui nous manque, de ce que nous devons faire : travailler, produire par nous et pour nous. Et chaque fois que je me retrouve dans cet univers de rêve, je me dis : qu’attendons-nous ? Pourquoi le mimétisme légendaire du Béninois ne s’empare pas de cette expérience et la démultiplie dans tous les coins et terroirs de notre pays ? Ce moulin a céréale a été ma bête noire durant deux jours et deux nuits. Ayant quitté la tranquillité de mon refuge hôtelier de l’Hôtel Baobab sis à Sème dans un cadre balnéaire de rêve, je me suis retrouvé, deux jours durant dans la vraie vie de la ville de Cotonou. Et là, mal m’en a pris avec le régime de vacarme concerté qui accompagnait la vie quotidienne. La maison où je suis resté était attenante à une église évangéliste, et à un jet de pierre de là se trouvait une mosquée. Alors, entre les sermons débités à toute heure de la journée par des voix de stentor, la musique religieuse rythmée, et l’appel du muezzin, il y en avait pour tous les goûts, et à toutes les heures. Mais la nuisance sonore la plus insupportable venait d’en face ; elle était générée par ce moulin à céréales, qui dès 6 heures du matin commençait à hurler comme une légion de porcs que l’on égorgerait sans cesse d’un coup de couteau. La chose m’a tellement marqué que, avant de rejoindre le calme de l’hôtel Baobab d’où je n’aurais pas dû m’extraire, j’ai voulu fixer la source de mes affres pour la maudire à convenance. Je voyais en elle l’exemple même de l’anarchie de la vie sociale où chacun fait ce qu’il veut ou peut sans se préoccuper de l’impact sur la nature ou de la gêne occasionnée, et ce dans le silence rance des pouvoirs publics. Binason Avèkes |
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