Et pourtant, cette logique qui domine les pensées et les actions sociopolitiques depuis l'indépendance et qui est exaspérée sous Yayi, n'a rien de réel, toutes construites qu'elle est sur un mythe : le mythe de l'existence et de l'opposition de deux régions distinctes dites « Nord » et « Sud ». Sans préjuger des limites exactes de ces zones sur lesquelles les tenants de la vigilance nordiste ont beau jeu d'entretenir un flou vicieux, la représentation et le traitement dualiste qui structurent leur prise en compte en tant qu'entités nationales paritaires ne résistent ni à l'analyse sociologique ni au regard historique. Ainsi, plus de 60 % des Béninois sont originaires du sud, en ce qu’ils sont proto-adja ou proto yoruba. Et pourtant ce mythe de l’égalité démographique a la vie dure qui informe le moindre des actes de la vie sociopolitique nationale. Ainsi si vous considérez le recrutement des gens d’armes — une des nombreuses voies par lesquelles les Nordiques assouvissent leur soif de l'État — l'égalité numérique régionaliste des recrues est considérée comme un dogme. Et si vous arrivez par exemple à un carrefour quelconque de nos villes ou à tout autre endroit où le trop-plein de ces hommes en uniforme —embauchés souvent par népotisme —saisit le moindre prétexte pour se justifier, vous verrez que même dans le détail, le mythe de la parité régionaliste Nord/Sud vous sera servi en autant de Salifou que de Dossou, autant d’agents du Sud que du Nord ! Dans la même veine, si un contingent de soldats béninois doit être envoyé au Mali dans le cadre de la CEDEAO ou même de l'ONU pour y assurer la paix aux côtés d'autres contingents africains, le même mythe veillera à ce qu'il y ait autant de soldats originaires du Sud que du Nord !
Pourquoi cette opposition Nord/Sud est-elle si dogmatique, et pourquoi a-t-elle tendance à exclure tout autre opposition par exemple l'opposition Est/Ouest ? Mystère ! Ce qui est notable, c'est que cette opposition va de pair avec la bonne volonté politique des nordiques, — désormais agrégés par la bonne volonté régionaliste de Yayi dans l’espace désormais mythique des Collines Orientées Nord —le fait que la politique est considérée et utilisée par eux comme un moyen de combler un déséquilibre sociologique et administratif structurel hérité de l'histoire. L'essentiel de ce qui constitue le Bénin aussi bien sur le plan administratif, politique économique, les grandes villes du pays —Cotonou, Porto-Novo, Abomey, Ouidah, etc. —sont au sud. Les infrastructures de taille comme le Port et l'Aéroport qui sont les poumons économiques du pays sont situées au sud. L'océan qui donne un accès extérieur sur le vaste monde est au sud. Cette concentration d'infrastructures et de sites naturels hérités de l'histoire et de la géographie, de même qu'un autre facteur d'importance hérité de l'histoire, la supériorité scolaire et sociologique du sud sont autant de raisons de frustration pour les Nordiques. Aussi n'ont-ils de cesse de vouloir compenser en jetant leur dévolu sur l'État, en l’investissant de mille manières, en voulant prendre par l'État et par la politique ce que la géographie et l'histoire ne leur ont pas donné. D'un certain point de vue, cette réaction aussi pathétique soit-elle n’est pas moins légitime. À ceci près que son exacerbation comme c'est le cas depuis des décennies —il n'y a qu'à voir comment les CON ne dédaignent pas avoir à perpétuité un des leurs à la présidence —est incompatible avec les exigences de l'éthique démocratique fondée sur l'égalité et la proportionnalité. S'il y a 100 Béninois dans le pays et si plus de 50 d’entre eux ne sont pas CON, il n'est pas normal que nous passions notre temps à être présidés par un CON pas plus qu'il n’est normal en toute chose de voir représenter autant de Béninois du Nord que du Sud, au nom de la parité Nord/Sud qui en l'occurrence n'est qu'un consensus frauduleux, une subornation éthique et politique.
A suivre…
Part 1
Binason Avèkes
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