La France --du moins sommes-nous censés le supposer--est un pays démocratique ; caractérisé comme tel par la diversité politique, le droit de manifester, la diversité des opinions et la liberté d'expression. Les divers partis politiques y ont le droit et l'aptitude d'exprimer leur opinion, de manifester pour défendre leur point de vue politique, idéologique, social, etc. L'échiquier politique est de ce fait composé d'une noria de partis et de groupes politiques autonomes, très actifs. De l'extrême droite à l'extrême gauche, en passant par les partis de gouvernement représentés au parlement comme l'UMP, le PS, les partis du centre, les Verts et le PC. Le Front National, sans être représenté à l'Assemblée, héritier de la notoriété de son leadeur charismatique, et jouissant de la manipulation de ses thèmes par les partis de gouvernement -droite et gauche confondues - le FN bénéficie d'une audience assez nourrie dans les médias. Tout cela fait de la France une démocratie réelle, caractérisée par une indéniable diversité et liberté politiques. Ce qui suppose, conformément à la vivacité du caractère français porté au pinaillage et à la contestation, au souci de se distinguer, le goût de la dispute civilisée, de la participation effective au débat politique, ce qui suppose, disons-nous, une culture du débat et de la contestation ; une pratique de la contestation en tout point contraire au syndrome totalitaire du monolithisme soviétique ou du conformisme formalisé et autoritaire des régimes monopartites asiatiques. Or que constate-t-on de l'attitude de cette société politique française apparemment diversifiée vis-à-vis de la politique africaine de la France : du génocide du Rwanda à l'ingérence autoritaire et sans état d’âme dans la vie politique de la Côte d'Ivoire, en passant par le détrônement passionnément revendiqué du colonel Kadhafi puis son assassinat crapuleux ? Un silence de nécropole, un curieux mutisme pour le moins atterrant, une subtile inertie abracadabrante. Soudain, la diversité, la culture du débat et de la contestation dont la société politique de France pouvait se targuer et se targuait s'évanouit : place à l'unanimisme, au silence sournois, à l’inertie, à la passivité, à la cécité géopolitique, à la rationalité de la division du travail de domination de l'Afrique : au gouvernement et Sarkozy l’agité du bocal national d'agir en Afrique comme bon leur semble ; au peuple français, à sa société politique et au pays tout entier de faire silence et bloc de se voiler la face, de faire comme si de rien n'était, comme si c'était normal d'intervenir en Afrique, de tuer l'un ou l'autre de ses présidents, de faire emprisonner un autre, de faire la pluie et le beau temps dans ces nations pourtant indépendantes ou dites indépendantes d'Afrique. Quand le chasseur va à la chasse, ses enfants ne discutent pas du droit des animaux : ils se taisent et attendent le retour du butin. Telle est l'intelligence des intérêts d'une nation et d'une race. Telle est la raison du curieux silence de la société politique française, du FN au PC. Les crimes, les injustices, les monstruosités, les actes autoritaires que commet à tours de bras la Françafrique, cette République des Valets et des Mallettes sont accueillis par le mutisme complice de toute la société politique française qui, comme par miracle, perd son latin et sa culture de contestation ; se transforme en une société techniquement sans débat, sans contestation et sans états d'âme sur la politique africaine, les crimes et les barbaries permanents que le gouvernement français commet en son nom en Afrique. L'Europe et l'Occident menacés de décadence, il est nécessaire de faire bloc, de faire le mort ou de se voiler la face, alors au diable les jérémiades humanistes : l'intelligence est dans l'union sacrée, le bémol à la diversité contestataire, au fonctionnement mécanique et abstrait de la culture démocratique, on devient totalitaire par nécessité ou techniquement.
On ne peut en vouloir au peuple français d'avoir l'intelligence de ses intérêts, et d'adopter l'attitude idoine ou le comportement moral le mieux à même de les protéger ou de les optimiser. Le caractère ou l'éthique d'une société politique ne peut être une fin en soi. Si sur certains points comme le pillage de l'Afrique et la violence à faire aux Nègres pour atteindre cet objectif visant à sauver l'Europe et l'Occident menacés de décadence, il est nécessaire de faire bloc, de faire le mort ou de se voiler la face, alors au diable les jérémiades humanistes : l'intelligence est dans l'union sacrée, le bémol à la diversité contestataire, au fonctionnement mécanique et abstrait de la culture démocratique, on devient totalitaire par nécessité ou techniquement.
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Que la démocratie ou l'humanité ne soit pas une fin en soi est illustré par la mise entre parenthèses opportuniste de la culture de contestation en France sur les questions de l'intervention française en Afrique, politique pour laquelle, du FN au PC, tout le monde parle de la même voix : la voix subtile du silence complice.
Pendant ce temps, les Africains, souffrant d'un déficit chronique d'intelligence et de perspicacité, font à la place des Européens et notamment des Français ce qu'ils ont sciemment décidé de ne pas faire. Nous débattons sur le génocide rwandais à longueur de temps ; sur le bien-fondé de la substitution d'un Ouattara à un Gbagbo en Côte d'Ivoire ; sur le renversement puis l’assassinat crapuleux du colonel Kadhafi. Il y a les pour et il y a les contre. Toute la tragédie de l'Afrique vient d'ailleurs de la difficulté sinon de l'impossibilité de faire bloc sur l’essentiel et de taire nos divisions ; de la difficulté de percevoir l’essentiel, de toucher du doigt la limite au-delà de laquelle toute division devient suicidaire. Là où, et les sujets sur lesquels nous prétendons nous fonder sur les valeurs de la démocratie et de la contestation permanente au détriment de notre liberté, les Européens et en l'occurrence les Français n'ont aucun état d'âme pour choisir, mettre en veilleuse leur culture de contestation pourtant bien connue au profit de ce qu'ils perçoivent comme leurs intérêts vitaux. Nous pouvons toujours nous immoler à nos disputes plus ou moins tribales, à nos luttes fratricides, à nos guerres sanglantes, nos génocides, à nos petites disputes pseudo-intellectuelles de singes savants, à nos massacres, à nos truquages électoraux. Mais entre deux prises bestiales de cette lutte imbécile, régressive et stupide que ne prenons-nous le temps de regarder ceux qui nous incitent, nous arment et nous animent : ils ne font pas ce qu'ils nous disent de faire ; ils ne font pas aveuglément ce qu’ils nous encouragent à faire et au nom de quoi nous nous étripons. Ils sont plus lucides que nous, infiniment plus subtils. Et, pendant qu'ils nous font danser comme des ours, eux savent à chaque fois et sur chaque sujet danser au rythme de la seule musique de leurs intérêts. Pauvre Afrique ! Imbécile !
Bola ABIMBOLA
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