Cette question est pertinente parce que historiquement et actuellement vérifiée ; à l’exception notable du Ghana, que l’influence profonde et le spectre vertueux de Kwame Nkrumah ainsi que l’énergique intégrité de Jerry Rawlings ont contribué à préserver de ce fléau. La guerre civile du Nigéria en revanche en est une triste illustration ; de même que la guerre civile de la Côte d'Ivoire marquée par l'épopée de conquête politique de M. Ouattara sous l'égide de la France. Dans la même veine se situent aussi les coups d'état, les dictatures militaires ou les holdups électoraux comme ceux du Bénin ou du Togo, caractérisés par la conservation du pouvoir par un seul homme, une seule région, une seule ethnie. Le golfe du Bénin, et plus exactement la partie est du golfe de Guinée, est structuré par un système d'oppositions Sud/Nord dans son aspect régional, Chrétien/musulman dans son aspect religieux, riche/pauvre en infrastructures économiques, et enfin taux de scolarisation élevé/ou faible sur le plan sociologique. En raison de l’opposition structurée qui défavorise le Nord, les gens de cette région se sentent étrangers, complexés et frustrés de ne pas être originaires de ce qu'ils considèrent comme le pays essentiel. L'une des réactions officielles pour apaiser cette frustration a consisté dans la mesure du possible à déplacer la capitale de sa situation côtière historique vers le nord : tel est le cas du Nigéria et de la Côte d'Ivoire avec la création de nouvelles capitales comme Abuja et Yamoussoukro. Mais ces gestes officiels n'ont qu'une portée limitée dans l'imaginaire national des gens du Nord ; leur portée est plus symbolique que réelle. Et le régionalisme dominant dans nos mœurs politiques et sociales, dans notre représentation de la nation, dans notre citoyenneté empirique ne fait qu'exacerber ce sentiment d'aliénation et de frustration de la moitié Nord des pays du golfe du Bénin. Dans ces conditions, le recours à la politique qui est déjà en Afrique l'une des rares entreprises lucratives, ce recours est perçu comme le seul moyen de compenser le manque identitaire, économique sociologique et infrastructurel qui pèse sur l'imaginaire national des gens du Nord. Soit la politique réussit et on a l'accaparement conditionné du pouvoir avec la bénédiction du colonisateur qui s’identifie au parti des "aliénés" ; ou bien la politique échoue et c'est la guerre ou la violence aveugle portées vers le sud--le Biafra dans le cas du Nigéria et l'épopée de Ouattara dans le cas de la Côte d'Ivoire en sont de tristes exemples. Dans tous les cas, ne se sentant pas symboliquement et réellement liés par le sang, l'histoire et la géographie, au pays essentiel, les gens du Nord n’ont aucun état d'âme à y verser le sang de leurs concitoyens du sud, à y semer le désordre et l'anomie. Aucun état d'âme à paralyser une nation dont la partie essentielle est ressentie comme étrangère. Aucune hésitation à détruire pour s’accaparer de cet essentiel qui leur manque
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Les gens du Nord se placent alors dans une logique de conquête, comme s'ils voulussent se réapproprier par cette violence un pays qui jusque-là et sans cette guerre de conquête n'était ni vécu ni ressenti comme le leur. Et, aidés par le colonisateur tapi dans l'ombre, un colonisateur requinqué, obstiné quant à sa volonté de dominer ses anciennes colonies, de continuer à les exploiter, usant sans retenue de la politique de diviser pour régner ; aidés par ce maître d'hier qui devient un allié objectif, les gens du Nord parviennent à installer un climat de désordre et d'anomie propice à la culture d'accaparement qu'ils ont en partage avec le blanc. L'idée est qu'ils n'ont rien à perdre dans cette logique de guerre et de paralysie de toute une nation, logique dans laquelle ils se placent volontiers : s'ils gagnent c'est tant mieux ; s'ils perdent ce n’est pas leur « pays réel » qui sera détruit ou meurtri. Prof. Bernardin Adissoda |
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