Interview sans réponse du groupe Teriba
Lors de leur dernier passage à Paris, nous avons eu l’occasion de proposer une interview au groupe Teriba, par l’intermédiaire de leur manager. Mais depuis lors, silence radio. Traduction de la prépondérance de la culture orale dans la mentalité africaine ? Refus de se mettre à table ? Difficulté de répondre à certaines questions épineuses ? Ou bien simple manifestation de la “Pensée sauvage” ? Allez savoir ! En tout cas, voici les questions, au nombre de 11 + un dernier qui est un clin d’œil navré à ce silence Tériba pas sympa...
1. Doit-on dire « Trio Teriba « ou « les Soeurs Teriba » , et dans ce cas, quel sens donnez-vous au mot soeur : biologique, éthique ou symbolique ?
2. Comment vous situez-vous : comme un groupe Béninois, Ouest-Africain, Africain, Francophone... ?.
3. Votre nom Teriba vient d’un mot yoruba qui veut dire humilité. Exploitez-vous toutes les potentialités politiques de cette culture, qui compte pas moins de 30 millions de représentants dans le monde ? Ou bien vous enfermez-vous humblement dans l’univers francophone ?
4. Parlez-nous de l’importance de la voix, du chant et sans doute de la parole dans votre musique. Est-ce une mission poétique affirmée ?
5. Quelle valeur a pour vous l’idée du groupe (trio) contrairement aux vedettes solo que nous connaissons déjà. Plus précisément est-ce une façon de défense et d’illustration de valeurs qui apparaissent dans les thèmes de vos chansons comme : la fraternité, l’unité, l’harmonie ?
6. Quel sens donnez-vous au concept d’humilité ?
7. Est-ce que vous êtes immunisées contre le paradoxe qui guette les groupes d’inspiration folklorique à vocation universaliste : à savoir le risque de dilution. Autrement dit, comment parvenez-vous à vous arrimer à vous-mêmes de sorte que ce soit vous qui offrez ce que vous êtes au monde et non pas le monde extérieur qui vous dicte ses désirs et vous conforme à ses attentes ?
8. Votre formation en tant que groupe musical, mais aussi de danseuses et chanteuses, peut être vue dans un sens culturel total de groupe à inspiration folklorique. Travaillez-vous avec les groupes théâtraux nationaux ? Et dans quelle mesure cette part fondatrice de votre identité inspire-t-elle vos représentations, mises en scène, chorégraphies et vêtements, etc...
9. Que diriez-vous à ceux qui pourraient être tentés de penser que le folklore, comme chez certains groupes africains, n’est qu’un créneau vendeur, notamment en Occident friand d’exotisme ?
10. En tant que chanteuses, vous connaissez nombre de chansons traditionnelles et modernes ; du moins les plus connues. Vous n’êtes donc pas sans savoir que beaucoup de nos chanteurs se donnent la mission, qu’ils croient valorisante, de vulgariser des messages, des leçons de morale ou même de sens de la vie. Cela est devenu un genre, et une espèce de passage obligé auquel sacrifient nombre de nos chanteurs. L’un des poncifs de ce genre est la chanson qui met en garde l’auditeur, lui inculque la méfiance de son prochain, fait apparaître celui-ci comme méchant et animé de mauvaises intentions. Cette démarche et ces thèmes encensent ce que les sociologues appellent la haine de soi. Et ces chansons qui partent d’un bon sentiment -- mettre en garde les gens -- finalement naturalisent de bonne foi l’idée de la méchanceté de l’être, l’éthique du « Gbêto dà » (l’homme est méchant) à laquelle sacrifient rituellement nos chanteurs traditionnels et popularisée par le groupe Poly-Rythmo de Cotonou. Participant de ce fait à la méchanceté, en répandant la méfiance dans les esprits.
Dans votre morceau « Nonvi Tcho whidé » (Mon Frère, Méfie-toi) vous sacrifiez bellement à ce genre, avec votre talent et cette magie de la transmission dont vous avez le secret et qui emporte la conviction. Ne pensez-vous pas que la meilleure façon d’éduquer contre le mal c’est plutôt de donner des leçons de bien, de prêcher le bien comme l’a fait un chanteur comme Ezin Gagnon avec la chanson Gabriel Kpatchanou ? De parler des trains qui viennent à l’heure plutôt que de ceux qui viennent en retard ?
11. Quels sont vos projets dans les mois et les années à venir ? A quand le prochain spectacle au Stade de France ? À quand la consécration dans une grande salle comme « le Zénith » à Paris, rêve de vos milliers de fans à travers le monde ?
12. Quand daignerez-vous répondre à ces questions ?
Binason Avèkes pour Babilown
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