Il est temps de connaître la méthode Yayi pour mieux le combattre. Yayi est le type psychologique qui vit de la tension. Celle-ci passe souvent par des actes de provocation, d'entêtement, le mépris de ses interlocuteurs, la focalisation sur ses propres désirs, l'imposition de sa volonté, de façon aussi aveugle qu'autoritaire. Cette obstination autoritaire a toujours été mise en jeu par lui et a jusqu'ici marché ; ce qui l’a conforté dans l'idée de son efficacité. Elle a été éprouvée à maintes reprises. Quelques exemples notables. Les députés de la précédente législature en 2006 avaient décidé de proroger de deux ans leur mandat. Yayi Boni refuse sans négocier et se fait donner raison par la Cour constitutionnelle. Dans ce cas, on peut penser qu'il a résisté pour la bonne cause, face a des députés qui se livraient à un combat d'arrière-garde. Mais lors des élections municipales de 2008 des membres et militants de sa mouvance bloquent en toute illégalité l'installation des conseillers élus. L'opposition crie à l'illégalité mais rien n'y fait. Le silence complice de Yayi Boni prouve bien que sa rigidité et son obstination autoritaire n'ont pas lieu seulement pour des causes louables. Lors de l'élection du bureau de l'Assemblée, après les législatives, Yayi Boni fait main basse sur tout le bureau. L'opposition hurle à l'hégémonie, Yayi Boni reste droit dans ses bottes. Il reste d'autant plus ferme qu'il sait que le bureau lui permettra de faire le plein des choix des membres de la Cour constitutionnelle qui lui servira dans sa bataille politique. C’est dire que cette rigidité n’est pas seulement idiote mais est souvent utilisée à des fins préméditées.
Chaque fois qu'il pose un acte illégal ou autoritaire, l'opposition pousse des cris d'orfraie, puis après se calme. Et Yayi Boni qui n'aime rien tant que la tension savoure secrètement sa victoire. Le fait d'imposer sa volonté aux autres est pour lui source d'hubris, de jouissance. Yayi Boni à fonctionné sur ce mode dans maintes affaires ou situations de la vie sociopolitique qu'il serait fastidieux de citer ici ; c'est cela qui a conduit entre autres choses à l'effritement progressif et inexorable de ses soutiens de première heure et à une farouche fronde d'une partie de ses anciens amis.
Mais Yayi Boni n'en démord pas. Pour lui la politique n'est que jeu, théâtre, manipulation, et imposition de rapports de force. Yayi Boni ne recule jamais. De 2008 à 2011, la tension a été forte autour de la question de la démission de M.Nago. Mais Yayi Boni n'en veut rien entendre. Qu'est-ce que ça lui coûtait de sacrifier Nago pour avoir la paix politique? Rien ! Sauf que Yayi est le maître à bord. N’allez surtout pas croire qu’il a maintenu Nago pour des raisons de loyauté politique ou amicale, car Yayi Boni est loin d’être un parangon de vertu ou d’éthique. Non la raison est aussi idiote que simple : c'est lui Yayi qui dicte sa loi et ne se laisse pas dicter sa volonté. Un état d'esprit d'une rigidité puérile mais qui jusqu'ici, compte tenu de la lâcheté ou de la compromission souvent tarifée de ses interlocuteurs, lui réussit bien.
Arrive la LEPI, une liste dont il tombe sous le sens, dans une vie politique marquée par le respect de l'autre, qu’elle doit être consensuelle. Yayi Boni dit non ! Et la confection de cette liste se fait à sa guise. À ce moment-là, l'opposition – surtout qu'elle avait pour une fois la chance d'être unie – aurait dû marquer un coup d'arrêt à l'odyssée autocratique de Yayi Boni. Elle aurait dû dire : « ou bien la liste est consensuelle où elle ne sera pas ! » Au lieu de quoi elle s'est contentée de quelques aboiements et de deux ou trois glapissements sans conviction ; mais cela n'a pas empêché la caravane aveugle de Yayi Boni de passer. L'opposition excellait dans le respect de la constitution alors que Yayi Boni excellait dans l'art de l'instrumentaliser ou de la violer. Chacun à son poste. La conséquence d’une LEPI solitaire a été l'exclusion de 1 300 000 électeurs potentiels du processus du vote. Là aussi, l'opposition a mollement protesté pour obtenir cinq jours là où 50 n'auraient même pas suffi ! Au lieu de marquer définitivement sa fermeté à l’entrée du tunnel électoral, elle s’est laissée pousser dedans. Et ce faisant, elle a implicitement joué le jeu de l'odyssée de la volonté de puissance de Yayi Boni. Car tant que Yayi Boni n'a pas d'obstacle en béton devant lui il passe. Et le passage en force, source de tension est pour lui du pain béni. Enfin, arrive l'affaire du K.-O. consécutif aux élections de 13 mars 2011. Une chose inouïe ! Depuis qu'on vote au Bénin c'est la première fois qu'un président en exercice à un score supérieur à 50 % au premier tour ! Alors qu'il est au plus bas dans les sondages et qu'en face de lui ses adversaires ont fait l'unité contre lui, et que même dans le nord qu'il dit être son fief un autre candidat de taille s'est présenté, Yayi Boni fait bruiter par sa presse stipendiée avec une audace pour le moins extravagante, l'éventualité d'un passage au 1er tour ; ce faisant il teste la réaction de l'opposition, s'assure de sa mollesse habituelle puis, le moment venu, il annonce par la voix du président de la CENA aux ordres qu'il a gagné les élections à 53 % et des poussières ! Et il attend que la Cour Constitutionnelle confirme le forfait ! Ce qui ne tardera pas à se faire, puisque cette Cour aux ordres ne lui a jamais rien refusé jusque-là !
Telle est la méthode de Yayi Boni. L'homme a fini par se persuader qu'en face de lui il n'y a aucune capacité de résistance réelle ou de réaction digne de ce nom. Et comme il est banquier, ayant amassé des milliards dans les caisses de l'État ou à travers des scandales financiers, il sait aussi qu'il fera taire un certain nombre de gens à coups de milliards. Il sait que le nombre de ceux qui prétendent s'opposer à lui crient surtout pour se faire remarquer. Il sait qu’il achèterait leur silence complice – comme il l'a déjà fait à plus d'une personnalité ou milieux sociopolitiques – ou leur complicité active. Bientôt, il parlera de gouvernement d'unité nationale ou de large ouverture ; de poste de premier ministre, de ministre d'État réservé à tous ceux qui voudront jouer le jeu. Des sympathisants à sa cause, déguisés en apôtre de la paix, sous la houlette subtile d’un minable soi-disant professeur, iront entonner, s'ils ne l'ont déjà commencé, les refrains soporifiques sur la fraternité de tous les Béninois, la paix, les horreurs de la guerre, les bienfaits de la cohésion nationale, sans jamais daigner nous dire pourquoi toutes ces belles vertus ne pouvaient se réaliser sans que Yayi Boni viole la constitution ou quitte le pouvoir sachant que le pouvoir l’a quitté !
En conséquence de toute cette lumière sur le fonctionnement de Yayi Boni, la seule solution est que le peuple se soulève. Car seul le peuple ne peut être acheté. Yayi Boni n'a pas assez de milliards pour acheter les 9 millions de Béninois. Il n'a pas assez de postes de premier ministre ou de ministre d'État pour tous les Béninois. Seul un soulèvement général radical et déterminé, un refus de se laisser voler son vote, de laisser mourir sa démocratie, de honnir le Bénin à la face du monde, peut faire partir Yayi Boni. Car sans cela Monsieur Yayi continuera son odyssée de provocation et de violation de la constitution sans trouver obstacle devant lui. Et, comme le loup qui vole l'agneau, n'aura cure des cris du berger encore moins des moutons…
Binason Avèkes
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