Ce qu’il se passe au Bénin
Il n'y a pas de crise au Bénin. Les gens peuvent faire tout ce qu'ils veulent, mais c'est se moquer doublement des Béninois que de créer la confusion autour de ce qu'il se passe. Ce qu’il se passe au Bénin est suffisamment grave pour qu'on y ajoute un second scénario celui de la confusion lexicale qui fait le lit de la confusion mentale.
Le problème c'est qu'on a fait des élections au Bénin. Et le chef de l'État s’est proclamé vainqueur au premier tour de façon autoritaire et frauduleuse. Ça ce n'est pas une crise, mais un vol et un viol !
Beaucoup de signes montraient chez M. Yayi une sensibilité maladive aux élections. Son incapacité idiote de concevoir de les perdre. Les élections municipales l'ont prouvé par toutes les fixations et les réactions illégales du camp du pouvoir. Et c'est tout naturellement que cette sensibilité maladive de M. Yayi aux élections s'est encore manifestée lors des élections présidentielles de 2011. Les élections n'étaient pas faites pour être perdues par le pouvoir. Car il ne conçoit pas de perdre une élection. Pour lui une élection est faite pour être gagnée ; elle n'est qu'une formalité pour donner une apparence légale à sa volonté de puissance. Ce n'étaient pas des élections démocratiques mais un tour d'illusionnisme autoritaire. Il s'agissait de trouver un cheminement théâtral et en trompe l’œil et quel qu’en soit le prix, pour dire que Yayi Boni a gagné. Ce qui a été fait, depuis le refus de faire une LEPI consensuelle jusqu'à l'annonce rocambolesque des résultats au corps défendant de la majorité de la CENA par son seul président, et ce en violation des règles de procédure de cette institution ; en passant par l'exclusion de centaines de milliers de citoyens de la liste, l'indignité servile et perfide de la Cour Constitutionnelle, et surtout les divers scénarios de fraude organisée par le pouvoir et dont les preuves sont aussi irréfutables qu’accablantes.
C'est cela qu’il s'est passé au Bénin.
L'élection du 13 mars a été biaisée et criblée de dysfonctionnements délibérés, de violations flagrantes de la loi, grevées de fraudes massives et d’interventions anarchiques de la part du pouvoir. Les institutions chargées de les organiser ou de les certifier ont été confondues avec leurs présidents et ceux-ci à leur tour étaient tenus en laisse tarifée par le chef de l'État lui-même.
Yayi Boni n'a jamais voulu jouer franc jeu. C'est un assassin amoral et inculte, sourd aux sirènes de l'Esprit et de l'Ethique. Il n'est pas démocrate pour un sou ; car il n'entend pas quitter le pouvoir même si le peuple qu’il a profondément déçu l’a désavoué. Et, il a organisé un beau simulacre d'élection. Et le manège n'ayant pas tourné à la perfection, il lui a donné un coup de pouce et a mis une ardeur et une violence symbolique inouïes pour prendre tout le peuple de vitesse. En 50 ans de vie politique, et pour la première fois dans notre histoire électorale, il nous annonce pince-sans-rire le miracle d'une élection au premier tour !
C'est ce qu'il se passe au Bénin ; c'est cela qu'il s'est passé au Bénin !
Un homme au pouvoir qui vole les élections en dépit du bon sens, en dépit de sa minorité flagrante, en dépit de son impopularité, en dépit de la déception qu’il a infligée au peuple, en dépit se ses nombreux crimes et scandales, en dépit de son incompétence notoire, en dépit de sa médiocrité avérée ; un pouvoir démuni de la moindre boussole éthique, et qui se moque de ses adversaires et du peuple. Un pouvoir qui distribue les scores comme on distribue les cadeaux au carnaval.
Et maintenant, on entend parler de crise au Bénin. Il n'y a pas de crise au Bénin ! La situation est assez simple claire pour qu'on ne l'assimile pas à une crise. La crise est quelque chose de complexe. La crise n'a de sens que dans une identité légale, normative et éthique. Quand deux démocrates sont en conflit, avec chacun des arguments, ses intérêts et ses points de vue, on peut parler de crise mais lorsqu’un démocrate est confronté à la violence immorale d’un dictateur ce n'est pas une crise. Quand un voleur vole un mouton est-ce qu'on parle de crise ? Ici il y a un voleur et un volé. En dépit de ce que peut dire le pouvoir. De quelque manière qu'on écoute les uns et les autres, la situation est claire : il y a une victime et il y a un usurpateur, une tourbe infecte de fraudeurs, un dictateur, un amoral ; et il y a le peuple dont il s'est moqué comme d'une guigne.
Dans ce cas, il n'y a pas de crise. Et même lorsqu'il y aura bientôt une révolution ou une guerre pour le bouter dehors, il n'y aura pas de crise. Car ce mot est une façon de créer la confusion pour égaliser les deux parties, alors qu’elles ne sont en rien égales au regard de ce qu'il s'est passé au Bénin. Ceux qui parlent de crise sont des coquins et des cousins germains de ces apôtres douteux de la paix qui, bien avant tout le monde, jouaient déjà les prophètes du malheur. Et lorsque le malheur dont ils avaient eu la prescience est arrivé , ils ont continué leurs beaux refrains soporifiques de la paix pour endormir leurs victimes., les désarmer, les chloroformer. Le vocabulaire insidieux de la crise ne fait que prendre le relais de ce consensus frauduleux pour parfaire la dénégation d'un crime politique et éthique aux contours pourtant très clairs.
Binason Avèkes
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