Mon Cher Pancrace,
Merci pour ta belle carte postale de Tallahassee, en Floride où tu te trouves en ce moment dans le cadre d’une visite de travail. Je te remercie pour ce clin d’œil du pays d’Obama. Cela me va droit au cœur. Depuis l’élection de celui que les uns et les autres appellent le Président Noir des Etats-Unis, je rêve moi aussi de fouler le sol de la Nouvelle Amérique, pour voir en quoi l’ambiance est en train de changer. Pour sentir en quoi le changement y est plus qu’au Bénin, un « Changement en lequel on peut croire. » Mais malgré et peut-être en raison de cette présence sur place, tu sembles à la fois enthousiaste et prudent, réaliste et sceptique. Et tu me dis ton souci pour la réussite de Barack Obama dans la mission que lui a confiée le peuple américain. Et plus que cette réussite, vif est ton souhait que les choses se passent au mieux et sans violence fatale. « Tout ce que j'espère, dis-tu, c'est que B.O ne devienne pas une victime sacrificielle, qu'il aille au bout de son (ses) mandats vivant et prenne un jour une retraite comme Bush ou Clinton. Pour ceux qui ont construit tout ceci, un éventuel assassinat ne changerait rien de toute façon. Ils pourront toujours dire, vous voyez l'Amérique a envoyé des Noirs à la maison blanche, ce n'est pas notre faute s'il est tombé sous l'arme d'un déséquilibré ou d'une mafia que sais-je ? »
A un certain niveau on a dû s'organiser pour faire en sorte que les Américains, tous autant qu’ils sont, élisent l'homme qui a été choisi par le club des décideurs. En fait Barack Obama doit beaucoup à Ben Laden. La réponse primitive et biaisée de G. Bush n’a fait que ternir l'image des Etats-Unis alors qu'avec le 11 septembre 2001 ils partaient avec un capital de sympathie énorme. Or la survie des États-Unis dépend de cette image qui allait se dégradant, déjà écornée au Moyen-Orient par leur position immuable et partiale dans la crise sempiternelle qui oppose Palestiniens et Israéliens. Donc la Mission première de Barack Obama, un homme idéalement choisi, est de laver le visage de l'Amérique, enrayer la baisse de son image, et redonner aux Etats-Unis un nouveau visage où la plupart des nations peuvent à nouveau se mirer. La nécessité absolue de cette action étant ressentie au plus haut niveau, comment la faire passer au niveau du peuple américain électeur dans un contexte de division de classe et de race qui a toujours caractérisé la vie politique des Etats-Unis ? Pour que les Américains, du moins leur écrasante majorité adhère au projet, il faut un coup de fouet, une sorte de terreur sociale intérieure ; c'est la crise. La crise achève de modeler la fonction d'homme providentiel d’Obama, et lui confère l’argument de crédibilité électorale, étant donné que la seule dimension diplomatique, aussi vitale soit-elle, ne suffit pas à drainer la grande majorité des électeurs vers lui. Désormais la mission salvatrice d’Obama est double ; une mission intérieure et sociale, et une mission extérieure et diplomatique.
Si bien qu'on peut se demander à juste titre si cette crise vendue au monde clé en main, n'est pas d'abord une crise américaine, et un élément décisif de cette construction dont tu parles.
De toutes les manières la vie politique a toujours comporté une dimension de construction. Sous ce rapport, la différence entre les régimes réside dans le degré d’association des citoyens à la construction. Lorsque ce degré est nul, les choses ont le mérite d’être claires : il va de soi que nous avons affaire au totalitarisme. Mais lorsque ce degré n’est pas nul, l’appréciation est sujette à caution. Car même dans les cas que l’on qualifie classiquement de démocratie, la construction va de pair avec la manipulation ; or la subtilité et le caractère systématique de celle-ci peuvent conduire à une déconstruction de la démocratie qui n’est alors qu’une forme déguisée d’oligarchie .
Dans le cas de l’Amérique, en dépit de la domination des think tank éclairés et autres lobbies de l’ombre, il est clair que l’élection de Barack Obama reste tributaire d’un vent de changement populaire. Espérons qu’en timonier averti, Barack Obama saura dompter la force de ce vent vers le cap de bonne espérance. Et que nos craintes pour sa vie ou la réussite saine et sauve de sa mission, à l’instar de nos doutes avant son élection, seront balayées par le réalisme éclairé d’une Amérique qui n’a pas fini d’étonner le Monde.
En te souhaitant bon séjour, au plaisir d’avoir de tes échos du pays d’Obama.
Amicalement,
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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