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27 janvier 2008

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Arul Bhasharan

Vers quatre heures du soir, quand le soleil torride commence à tomber, ils arrivent discrètement, les musiciens, par petits groupes dans des charrettes à zébus. (C'est le Maharajah qui m'envoie pour quelques heures l'orchestre de son palais.)
Silhouettes fines et délicates, visages d'artistes, ils entrent sans bruit, pieds nus ; ils entrent d'un pas velouté comme celui des chats, s’inclinent pour de cérémonieuses révérences et s'asseyent sur le tapis par terre. Pour coiffure, des petits turbans dorés, et, aux oreilles, des diamants ; une pièce de soie, discrètement lamée d'or, les drape à l’antique, jetée sur une épaule et laissant libre un côté de poitrine, un bras orné de cercles en métal. De leurs étoffes légères s'échappent des odeurs d'aromates et d'eau de rose.
Ils apportent de grands instruments à cordes de cuivre : sortes de mandolines ou de guitares géantes dont le manche recourbé finit par une tête de monstre. Elles diffèrent beaucoup les unes des autres, leurs guitares, destinées à rendre des sons très divers ; mais toutes ont une caisse d'harmonie énorme, et ça et là, le long du manche, pour augmenter encore les effets, des ballons creux qui ressemblent à de gros fruits sur une tige ; peintes, dorées, incrustées d'ivoire, elles sont très anciennes, très desséchées et sonores, très précieux rien que par leurs aspects, par l'étrangeté de leurs formes, évoquent pour moi le sentiment d'un mystère — le mystère de l'Inde. Ils me les montrent en souriant ; les unes sont pour être caressées des doigts, d'autres, pour être frôlées par un archet, d'autre encore pour être frappées avec une badine de nacre ; il en est enfin dont on joue en faisant rouler sur les cordes une petite chose en ébène qui a l'air d'un œuf noir. Quels raffinements inconnus à nos musiques occidentales ! Il y a aussi des tam-tams accordés en différents tons, et il y a des enfants chanteurs, dont les robes sont particulièrement luxueuses. Et on me remet un programme improvisé pour moi, où les noms bizarrement mélodieux des exécutants ont tous une douzaine de syllabes
Cinq heures. Ils sont au complet, vingt-cinq environ, assis sur le tapis, dans la salle déjà en pénombre de soir, où le panka agite l’air d’un mouvement berceur et alangui. Ils vont préluder car toutes les figures des bêtes, aux manches des guitares, se sont dressées. Quels sons terribles vont sans doute produire des instruments de cette taille et quel tapage, ces tam-tams ! J'attends, et me prépare à beaucoup de bruit. Derrière eux une porte cintrée reste ouverte sur un vestibule blanc, où pénètre, tout en or, un rayon de soleil au déclin, sur un groupe de soldats du Maharajah, figurants, comparses, en turban rouges dans la lumière rouge, tandis qu'eux, les musiciens, demeurent plongés dans l'imprécision de l'ombre.
Est-ce commencé, leur concert ? Vraiment il semblerait que oui, à les voir si graves, si attentifs et s'observant les uns les autres. Mais on n'entend presque rien... Ah ! si !... Une petite note haute, à peine perceptible à l'oreille, longuement prolongée comme au début de l'ouverture de Lohengrin, et puis qui se dédouble, se complique, se transforme en un murmure rythmé, sans faire plus de bruit pour cela. Mais quelle surprise extrême, cette musique presque silencieuse, qui s'échappe de cordes si puissantes !... Des bourdonnements de mouches emprisonnées dans la main, dirait-on, des frôlements d'ailes de phalènes contre une vitre, ou des agonies de libellules... L'un d'eux tient dans la bouche une toute petite chose d'acier et se frotte la joue par-dessus pour en tirer comme un susurrement de fontaine, Une des plus monstrueuses guitares et des plus compliquées, que l'on caresse de la main avec l'air d'en avoir peur, dit tout le temps, sur les presque mêmes notes : houhou ! houhou ! comme le cri voilé d'une chouette, tandis qu'une autre, en sourdine, fait comme si la mer déferlait au loin sur une plage. Il y a des tambourinements à peine saisissables, du bout des doigts sur le rebord des tam-tams. Et puis soudain, des saccades imprévues, des furies qui durent deux secondes, et les cordes alors vibrent de toute leur force, tandis que ces mêmes tam-tams, frappés autrement, font entendre des coups profonds et sourds, comme une progression lourde d'éléphants sur un sol creux, ou bien imitent des grondements d'eau souterraine, de torrent qui bouillonnerait dans un abîme... Mais, très vite tout s’apaise, et le quasi-silence retombe.
Assis à terre, les jambes croisées, un jeune brahme, aux admirables yeux, lient sur ses genoux un objet dont la rudesse sauvage contraste avec le raffinement extrême des autres : une poterie commune, avec cailloux dedans, une sorte de jarre dont l'orifice large emboîte sa poitrine nue et bombée. Le son qu'il en tire change suivant qu'il laisse sa jarre ouverte ou qu'il en bouche l'ouverture avec sa propre chair. Il en joue avec une rapidité de doigté prodigieuse ; le bruit est très léger, tantôt profond, tantôt sec et dur comme un crépitement de grêle, lorsque s'entendent les cailloux qui s'agitent au fond.
Quand le chant d'une des guitares s'élève de ce silence bruissant, c’est toujours un chant qui gémit en portant le son d'une note à l’autre, un chant passionné qui monte à pleine voix et s'exaspère dans la douleur; les tam-tams alors, sans couvrir cette plainte vibrante, font un tumulte mystérieux, et tout cela exprime l'exaltation M la souffrance humaine d'une façon plus intense encore que nos suprêmes musiques d'Occident...
« Les éléphants sont arrivés ! » Quelqu'un me jette cette phrase qui vient rompre l'enchantement d'écouter... Quels éléphants ?... Ah ! oui, je n'y pensais plus... J'avais formulé ce matin le désir d'en voir de caparaçonnés à l'indienne, avec palanquin sur le dos et l'ordre avait été gracieusement donné d'en équiper pour moi dans les écuries du palais.
L'orchestre s'arrête, car je dois sortir pour les regarder. Et dès le seuil de la maison, subitement je me trouve en présence et aux pieds de trois énormes bêtes, qui m'attendaient là tout près de la porte, éclairées en plein par le soleil couchant. De face, comme elles se présentent, on ne distingue d'abord, sous leur costume, que l'ivoire menaçant des défenses, les trompes monstrueuses, d'un rosé tigré de noir, et les oreilles tigrées de même, qui vont et viennent en continuel mouvement d'éventail. Longues robes vertes et rouges, palanquins à colonnes, colliers de sonnettes et têtières brodées d'or qui retombent sur les larges fronts. Trois bêtes superbes, de soixante-dix ans, dans toute la force de l'âge, et si dociles, si douces ; leur petit œil intelligent fixé sur moi, elles s'agenouillent avec lenteur, pour me permettre de monter si bon me semble.
Quand je retourne à la musique des bruissements de mouches et des tambourinements d'ailes, le crépuscule propice est entré dans lu salle.
Chacune des guitares à son tour, après des intervalles d'harmonies aphones, chante son solo désespéré, celle que l'on tourmente de l'archet ou de la main, celle que l'on frappe d'une badine la plus étrange de toutes, celle que l'on fait pleurer en promenant sur ses cordes une petite chose d'ébène en forme d'œuf. Ces chants toutefois n'ont pas des tristesses si lointaines, ni pour nous si déroutantes, que ceux de la Mongolie ou de la Chine ; nous pouvons presque jusqu'au fond les comprendre ; ils traduisent l’extrême nervosité douloureuse d'une humanité qui s'est beaucoup écartée de la nôtre au cours des siècles, mais qui n'en est pas radicalement différente ; et les Tziganes — avec un art bien plus brut vrai — ont apporté chez nous un peu des mêmes phrases de fièvre
Les voix humaines m'étaient réservées pour la fin. L’un après l’autre, les tout jeunes garçons délicats, aux belles draperies et aux yeux trop grands, exécutent des vocalises d'une rapidité folle ; leurs voix enfantines sont déjà brisées et comme mourantes ; un homme en turban d'or, qui les guide après leur avoir joué un prélude à donner le frisson, les regarde tout le temps dans les yeux, tête baissée, avec une fixité de serpent qui fascine un oiseau ; qu'il les électrise, qu'il peut s'il le veut forcer jusqu'à tout rompre le mécanisme de leur gosier frêle. Et les mots qu'ils prononcent dans leurs vocalises en mineur, forment une prière à une déesse irritée, pour essayer de l'apaiser.
En dernier lieu, c'est le tour d'un grand premier chanteur, un homme de vingt-cinq ou trente ans, à l'air vigoureux, au beau visage. II va me chanter et mimer les plaintes d'une jeune fille que son amant n'aime plus.
Toujours assis par terre, d'abord il se recueille et son regard s'assombrit. Et puis sa voix éclate ; elle a le timbre mordant des musettes orientales ; en des notes suraiguës, elle reste virile par sa force un peu rauque ; d'une façon poignante et pour moi très neuve, elle exprime l'infini de la détresse. Et le jeu douloureux de 1a figure, la contraction désolée des mains fines sont aussi du très grand art.
Cet orchestre, ces chanteurs appartiennent au Maharajah ; on les entend chaque jour dans son palais fermé, au milieu du silence intime, tandis que circulent les serviteurs au pas sourd de félin, qui s'inclinent en perpétuel salut, les mains jointes... Oh ! combien doit être loin de la nôtre la rêverie de ce prince, et sa conception des tristesses de la vie, des tristesses de l'amour, des tristesses de la mort !... Mais cette musique distinguée et rare, qui est la sienne révèle un peu de son âme, mieux sans doute que nos courts entretiens corrects, gênés de cérémonial et de mots étrangers.
Pierre Loti, L’Inde sans les Anglais, Paris, 1903

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