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Pieter Willem Botha, qui fut président de l'Afrique du Sud pendant les années 1980, les plus dures du régime ségrégationniste de l'apartheid, est décédé mardi 31 octobre, à 90 ans. Celui qui était surnommé "Groot Krokodil" s'est éteint durant son sommeil, à "Die Ankor", son domicile sis au lieu prédestiné Wilderness, dans la province du Western Cap.
Né en 1916 dans une famille d'agriculteurs afrikaners ruinés, Pieter Willem Botha avait fait des études de droit avant de se lancer dans la politique à plein temps. Ses talents d'organisateur, sa férocité dans le combat politique, furent à l'origine de son ascension rapide au sein du Parti national (NP) au pouvoir, avec une entrée au gouvernement dès l'âge de 42 ans. Peter W. Botha fut à partir de 1966, ministre de la défense. En 1978, il prit la tête du Parti national et devint premier ministre. En 1984, après une modification de la Constitution, il devint président. Son parcours incarna la mainmise progressive de l'appareil militaro-sécuritaire sur le régime sud-africain. Austère et coléreux, amateur de chasse, de pompe et de parades militaires, Botha représentait la force, la poigne du régime raciste blanc, institutionnalisé à partir de 1948.
PREMIERS CONTACTS SECRETS AVEC MANDELA
D'états d'urgence en états d'urgence, les années 1980 furent celles de l’autocratie et de la répression la plus implacable. Pressentant pourtant des changements inéluctables, Botha tenta des réformes timides du régime, comme le Parlement tricaméral (Chambres pour Blancs, Indiens et métis) ou l'abrogation de quelques lois racistes. Il ne réussit en fait qu'à s'aliéner la droite blanche la plus raciste, et à décupler l'impatience de la majorité noire. En 1987-1988, le président approuva pourtant les premiers contacts secrets avec Nelson Mandela, encore en prison. Il le reçut même en 1989, mais une congestion cérébrale la même année le contraignit à démissionner de la présidence. Son successeur pragmatique Frederik De Klerk allait alors piloter la transition démocratique.
Fier de ses racines Boers comme de son bilan politique, Botha demeura inflexible et sans remords bien après sa retraite politique, refusant de venir témoigner à la Commission vérité et réconciliation (TRC), ou de s'excuser, même en termes vagues et collectifs, pour les violations des droits de l'homme commises sous l'apartheid.
Et pourtant son bilan n'avait rien de reluisant. Sous le règne de l'affreux Dobleyou sud-africain, 20 000 Noirs ont été tués ou emprisonnés. Il y eut des milliers de détentions sans procès, de tortures, d'exécutions par des escadrons de la mort, d'opérations commandos hors des frontières contre les opposants à l'apartheid. Les forces de sécurité fomentaient des violences intra-communautaires, armant et dressant les Noirs les uns contre les autres, détruisaient les propriétés des églises venant en aide humanitaire aux résistants, et bombardaient avec acharnement les pays limitrophes accusés d'abriter des combattant du Congrès National Africain (ANC). A l’instar du climat de violence qui avait prévalu à l’assassinat du leader de la Conscience Noire, Steve Biko en 1977, et en droite ligne de celui-ci, l’intransigeance et le racisme implacable prôné par P W Botha ont contribué à l’embrasement des Townships noires dans les années 80.
Comme le montre hélas la triste actualité du monde, un Dobleyou au pouvoir est, à n'en pas douter, une calamité pour l'humanité. En dépit des propos de courtoisie convenue de certains de ses victimes et opposants d'hier et non des moindres -- Mandela, Holomisa, Mbeki, etc --, il reste que pour l'Afrique du Sud, l'Afrique tout entière et le monde, tourner biologiquement la page du Dobleyou sud-africain n'a rien d'anxiogène, bien au contraire. The man died a dit Wole Soyinka. Not the man, répondrait-on, just a Doubleyou !
Le W est mort, Vive le V de la victoire.
Binason Avèkes
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2006
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