Je viens d'apprendre avec une profonde tristesse le décès de Jean Pliya, immense écrivain béninois, grand Médiateur de la foi chrétienne, un homme d'une humilité et d'une humanité exemplaires. Jean Pliya qui croyait beaucoup au pouvoir effectif de la littérature au service du développement a marqué plusieurs générations de Béninois et d’Africains. Ses œuvres dont la simplicité épouse le contexte historique et les conditions symboliques de l'Afrique, sont d'une profondeur emblématique qui les hisse au rang de classiques : l'Arbre fétiche ; la Secrétaire particulière ; le Singe amoureux ; etc. et bien sûr, Kondo le requin d'où est tiré l'inoubliable discours d'adieu de Béhanzin. Ce géographe de formation s'est aussi fait ethnologue en mettant sa passion au service de la transcription de notre mémoire collective. Et c'est en rapport avec cette mémoire que j'ai eu l'honneur de faire une double rencontre avec Jean Pliya. D'abord tout jeune adolescent, à 13 ans, lorsque j’eus l’occasion d'assister à la représentation théâtrale de la pièce « Kondo le requin » au musée ethnographique de Porto-Novo, ma ville natale. Cette expérience allait contribuer à nourrir ma passion pour la littérature. L'œuvre avait su rendre le climat de violence symbolique et physique inhérente à la pénétration coloniale mais surtout la résistance du roi Béhanzin, marquée par sa volonté, son courage et sa vaillance héroïques. Ma deuxième rencontre avec Jean Pliya eut lieu à Paris où, déjà écrivain ayant à mon actif plusieurs romans, je préparais ma dernière œuvre, « Gbêkon, le Journal du Prince Ouanilo », lointain écho à l'influence qu'a exercée sur moi « Kondo le requin ». À Paris, je trouvai en Jean Pliya un père bienveillant qui me conseilla, m'enrichit d'informations et de documents, me donna des renseignements précieux et me fit des suggestions d'ouverture sur l'œuvre en préparation. Ensuite lorsque l'œuvre fut accomplie, au Bénin, en 2012, je le rencontrai chez lui à la Haie vive où il me reçut pour discuter de l'organisation de son lancement auquel il avait accepté de participer malgré ses nombreuses occupations. Dans nos échanges, affleuraient à la fois le caractère exigeant de l’orfèvre littéraire, l'humanisme du chrétien pratiquant, la passion du littérateur expérimenté. Jean Pliya était un homme qui ne lésinait pas avec les exigences formelles en littérature. Sur le plan sémantique, il soupesait en apothicaire le sens des énonciations, et sur le plan formel, préférait un paragraphe bien écrit à un volume truffé d’incorrections. Son œuvre et sa conception de la littérature sont un modèle dont le temps ne fait que confirmer la clairvoyance épistémologique. Lui qui a écrit les « Tresseurs de cordes » laisse une belle corde littéraire qu'il nous appartient de continuer à tresser en toute conscience. C'est avec Kondo le requin que j'ai appris pour la première fois l'expression fon «zan kou do Dada… » qui veut dire que le roi est mort. Avec la disparition de Jean Pliya, esprit éclairé et éclairant, il serait plus juste de dire « zan kou dô mi bi cécé »
Mais, au-delà de cette nuit, son œuvre continuera d'éclairer nos jours et ceux des générations montantes.
Blaise Aplogan
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