Mais il y eut aussi la fraude active sur le terrain. L'achat de conscience et de vote, les contrats et promesses de prébendes, de nominations et de faveurs en tous genres, l'utilisation massive et sans gêne de l'argent public à cet effet. Avec toute cette panoplie offensive Yayi Boni s'en est sorti avec 33 députés sur 83. Il a donc concédé dans un premier temps 50 députés à ceux qui ne sont pas originairement de son bord. Yayi Boni a donc pu sortir en tête des élections avec 33 députés alors que si les choses s'étaient déroulées sans violation de la loi ni fraude mais dans l’honnêteté et la légalité, les résultats auraient reflété le sentiment et la volonté réels du peuple à son endroit. Dans les circonstances normales, il aurait écopé de la sanction électorale logique d'un homme en fin de parcours dont la majorité des concitoyens pense qu'il a failli à sa mission, aggravé leur situation et entaché son règne d'une kyrielle de scandales dont aucun dirigeant d’aucun pays démocratique normal ne serait sorti politiquement indemne. Sous ce rapport et à ne s'en référer qu'aux critères vicieux de sa philosophie politique, le racisme régionaliste auquel il a conféré ses lettres d’infamie, la popularité de Yayi Boni, cantonnée pratiquement à sa région natale, ne dépasse pas 10 %. Or avec 33 députés sur 83 au sortir des élections, Yayi Boni s'arroge un poids politique quatre fois supérieur à sa popularité réelle. Ce qui traduit une mainmise autocratique, au travers duquel l'apparence des actes officiels, des événements établis, des consensus frauduleux et des faits accomplis ne correspond pas à la réalité politique du pays. Décalage entre ce qui s'établit dans l’apparence et la réalité c'est-à-dire la volonté du peuple. En effet ne valoir en réalité que 10 % au maximum mais parvenir à émerger avec un score apparent officiel de 40 % est inquiétant pour toute démocratie. C'est une inquiétude qui mesure la violence de l'autocratie, de la gabegie, de l'impunité et donc en définitive de la nature factice des formes démocratiques d’autant plus fallacieuses qu’elles sont affichées. Mais l'autre source d'inquiétude est sans doute encore plus préoccupante. C'est celle qui souligne le processus de tractations par lequel, en exaspérant la violence de ses malversations préélectorales ; en faisant régner la loi de l'argent, en puisant sans états d'âme dans les caisses de l'État pour appâter et acheter ceux que le peuple avait envoyés au parlement sur d'autres listes que la sienne, Yayi Boni est parvenu à faire jeu égal avec l'opposition. Par cette remontée spectaculaire de 40 à 50 % qui correspond dans un jeu d'ascenseur à une baisse équivalente de 60 à 50 % de ceux que le peuple n’avait pas compris dans son assiette électorale, Yayi Boni a démontré que le peuple n'a rien à voir avec la démocratie, que la démocratie est un marchandage à l'écart de la volonté du peuple, un jeu d'argent, de corruption : et pas même l'argent honnête mais l'argent public détourné sans états d’âme ni contrôle pour mettre le peuple hors jeu et devant le fait accompli de la volonté d’un seul homme. Et cette inquiétude-là, plus que la première, est une source de désespérance pour le rêve démocratique et le progrès national.
Dr Zéphyrin Aklassato
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