Jadis, pour en avoir été intoxiqué à la limite de l'écœurement, je me suis promis de ne plus jamais regarder l’ORTB -- du moins jusqu’à nouvel ordre politique ; et si avant cet ordre, les circonstances devaient m'imposer l'exposition à ses émissions, notamment son JT, de me pincer le nez, de fermer les yeux, de boucher les oreilles et de prendre mes jambes à mon cou afin d'échapper à ses effluves nauséeux. Il faut dire que j'ai tenu bon pendant plusieurs années. J’ai réussi avec constance et fermeté à préserver mon esprit sensible de l'exposition à cette source de nuisance intellectuelle et morale dont l’eau vive est le récit ennuyeux et soporifique des faits et gestes quotidiens d'un seul homme : Monsieur Yayi Boni. Président, qui se croit au-dessus de tous, tout simplement parce qu'il a volé des élections et tient en laisse une venimeuse engeance de complices et l'armée corrompus par l'argent public.
Mais comme toute règle normalement constituée appelle toujours exception, je ne sais comment, sur un site que la nostalgie m'avait fait visiter, à la faveur d'un hasard que seule explique une certaine curiosité, je ne sais comment dis-je, j’en étais venu à instinctivement cliquer sur un lien du JT de l’ORTB. Et, manque de bol, je suis tombé sur le héros du grand roman national dont l’ORTB débite les pages au jour le jour. Et M. Yayi Boni, au soir de sa campagne électorale parfaitement anticonstitutionnelle où, de manière tout aussi anticonstitutionnelle, il a usé et abusé des moyens de l'État pour, par leur supériorité, écraser la ribambelle des opposants à son parti, un Yayi Boni, inénarrable comme toujours qui, prenant une pose de père de la nation, incitait ses concitoyens à exercer leur devoir civique. Il y avait bien sûr une certaine gaucherie langagière due à l’effet de violence symbolique d'une langue qui n'est pas son idiome maternel, contrariété que l'on peut comprendre aisément avec ses approximations syntaxiques, sémantiques et lexicales, ses redites et répétitions. Mais ce qui était frappant et agaçant à la fois, c'est le goût immodéré que Yayi Boni avait des lieux communs, des phrases et notions convenues. Phraséologie hydraulique au moyen de laquelle il débitait des sermons à forte charge moralisante, frappés au coin du rayonnement moral, du sens élevé de l'intérêt national, de la sagesse, de l’humanité voire. Alors qu'il venait à peine de faire la preuve sur le terrain de tout le contraire de ce qu’il prêchait dans une campagne électorale violente et agressive dans l'arène de laquelle il s’était introduit par effraction pour en occuper le centre de façon obscène et léonine alors qu'il n'avait rien à y faire. Et ce, d'une part selon l'esprit et la lettre de la constitution mais aussi en raison du fait que le bon sens commandait au soir de sa décennale mésaventure présidentielle de faire profil bas. Mais non, Yayi Boni parlait, s'écoutait parler, débitait des lieux communs mielleux, de somptueuses banalités, des paroles à dormir debout ; il campait le bon père de famille, le sage, le prêcheur national, l'homme intègre, de conviction, l'homme de valeur. On aurait dit un lauréat du prix Nobel de la paix ou quelque chose du même tonneau. Et m’assaillit l'idée que l'homme qui s'affublait ainsi de ces apparences perfides et qui pourra répondre un jour ou l'autre de crimes aussi inhumains que la disparition mystérieuse d'un de ses concitoyens, du racisme régionaliste le plus crasseux, de crimes économiques en tous genres, qu'un tel homme avait quelque chose de royal ; une royauté hélas à chercher plus du côté de la mythomanie que de l'humanité.
Dr Aboki Cosme
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