Comme nous l’annoncions depuis plusieurs jours, le PDP au pouvoir au Nigeria et Jonathan ont atteint leur premier objectif : ajourner les élections présidentielles prévues pour le 14 février. Elles sont maintenant reculées de 6 semaines et devraient avoir lieu en principe les 28 mars pour la présidentielle et le 11 avril pour les élections de gouverneurs et les élections locales. Ce dernier développement est l’issue d’une forte pression que le pouvoir a exercé sur l’instance d’organisation des élections, l’INEC et sur la personne de son président M Atahiru Jega. Menaces d’éviction, de mort et d’inculpation de haute trahison, la panoplie de la pression a été assez fournie. La raison finale à laquelle l’INEC a dû se plier fut l’apathie collective des agences de sécurité, qui ont affirmé ne pas être en mesure d’assurer la sécurité des opérations électorales, non seulement dans les localités du nord-est sous influence de Boko haram mais sur tout le territoire ; ce refus de coopérer, il va de soi, a été dicté par le gouvernement dont dépend directement l’armée et les autres agences de sécurité du pays.
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Cet objectif du report étant atteint, à quoi va-t-il servir à Jonathan et au PDP ? Le parti au pouvoir et son président donnés largement vaincus dans les sondages, espèrent redresser la barre d’ici 6 semaines. Redresser la barre ne signifie pas forcément changer la donne réelle des sondages, mais en produire une fournée de factices à grands frais et à grande publicité qui aillent dans le sens d’une victoire hypothétique de Jonathan. Cette subversion publicitaire basée sur la fraude mathématique vise surtout à créer les conditions de vraisemblance pour la mise en place de vastes opérations de fraude électorale dans lesquelles les mêmes agences de sécurité si apathiques aujourd’hui à collaborer à la tenue des élections, seront massivement impliquées. La méthode d’implication de l’armée dans les fraudes électorales au Nigeria n’est pas nouvelle. Elle a toujours été mise en jeu à plus ou moins grande échelle, de façon plus ou moins massive. L’un de ses hauts-lieux d’application a été la dernière élection de gouverneur dans l’Etat d’EKITI, en juin 2014, gagnée par M. Fayose, un repris de justice notoire, candidat du parti au pouvoir, dans des conditions crapuleuses de fraudes massives qui font aujourd’hui un véritable scandale dans le pays sous le nom de d’EKITIGATE. Face à ces manœuvres, l’Opposition et la société civile resteront-elles inertes ? Rien n’est moins sûr. Le principal parti d’opposition a déjà, par la voix de son candidat, le Général Buhari, dénoncé « un recul majeur pour la démocratie nigériane », affirmant qu'elle annoncerait « dans les prochains jours » s'il se rangera ou non au choix des autorités. La société civile qui a pendant ces derniers jour lutté pour assurer le déroulement à bonne date des élections continuera à n’en pas douter d’exercer sa vigilance après cet ajournement décidé par l’INEC avec le couteau du pouvoir sous la gorge. Ces vicissitudes ont beau avoir été prévues, elles n’augurent rien de rassurant pour les jours et les semaines à venir. En dépit des mesures de contention prise par le pouvoir qui a massé de la troupe à Lagos, nul ne peut prévoir la réaction du peuple, face à cet ajournement. L’aveuglement du pouvoir qui saisit nos dirigeants en Afrique les pousse toujours dans une égale cécité philosophique à ne pas comprendre que le temps est une donnée provisoire sinon éphémère. Que ce soit une semaine, deux ou six, comme volées ici au Nigeria, ou que ce soit une année, deux ou 5 ans comme volés au Bénin en 2011 par Yayi Boni dans le holdup électoral de triste mémoire, tout arrive à sa fin, et ce qui reste est la triste mémoire du forfait, et la condamnation à vie de ses auteurs par l’Histoire. Alan Basilegpo |
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