Journaliste -- Mais les lois sont là, elles sont censées veiller à cette conséquence dont vous parlez… Monsieur Osinbajo.--Permettez-moi de vous donner un exemple. Quand je suis devenu procureur général de l'État de Lagos, un des problèmes auxquels nous avons été confrontés était la corruption au niveau de la justice de l'État de Lagos. Et en fait nous avons fait une enquête au niveau de 200 juges travaillant dans des affaires de litiges et sur ces 200 juges 89 % ont déclaré que le système judiciaire était notoirement corrompu. Aussi, nous est-il apparu clair qu'il y avait besoin d'étudier toute la problématique de la corruption. Tout d'abord, nous avons étudié la question des rémunérations, qui touche aussi aux salaires de la fonction publique, puisqu'il s'agit de fonctionnaires. Nous avons donc regardé les rémunérations. Des juges qui touchaient 67 000 nairas ! Je suis allé chez un juge retraité, qui était à la retraite depuis 10 ans, pour découvrir qu’il vivait dans la garçonnière d'un tiers… Donc, quand des gens font face à des situations de cette nature, quand il m'apparaît clair que même si je travaille dur pendant 30 ans, je ne peux pas construire une maison pour moi-même que j'habiterai après ma retraite, alors les gens sont découragés. Ils sont conduits à essayer des voies de travers pour atteindre leur rêve légitime. Donc c'était l'un des problèmes clés. Aussi, nous avons essayé de résoudre la question des rémunérations, de la rémunération des juges. Ainsi que la question du logement des juges, la première chose à laquelle les juges ont droit dans l'État de Lagos aujourd'hui est une maison, un logement personnel pour la vie, pas seulement un logement de fonction. Nous avons donc répondu à la question de leurs revenus, et cela a fait tache d’huile dans le système judiciaire d'autres états fédéraux. Après avoir réglé l'aspect rémunération, nous sommes passés à la question des nominations et de la discipline. Malgré ce qui a été dit durant des années à propos de la discipline, à propos de l'intégrité parmi les juges, pas une seule personne n'a été inquiétée pour raison de corruption jusqu'en 2000, aucun juge, aucun magistrat n'était inquiété. Aussi avions-nous dû introduire l'idée de conséquence. Nous avons été amenés à dire : « eh bien si une plainte est soulevée à l'endroit de juges, cette plainte doit être entendue et traitée dans les règles jusqu'au niveau du conseil supérieur de la magistrature, sans aucune interférence des autorités locales. » Et c'est ce que nous avons fait. Nous avons veillé à ce que cela soit ainsi fait. En 2007, quand une autre enquête a été menée, une enquête impliquant 200 juges à nouveau, 100 % d'entre eux ont déclaré qu'il n'y avait pas de corruption dans la Haute cour. On est passé de 89 % à 0 % ! Journalistes--. C'est donc la méthode que vous pensez que le pays doit adopter… Monsieur Osinbajo --. Absolument, et ma question est : « qu'est-ce qui est arrivé aux gens qui naguère étaient des corrompus ? Ont-ils connu une deuxième naissance ? Sont-ils soudainement devenus des saints ou des anges ?--Non bien sûr que non. Premièrement, nous nous sommes attaqués à la question majeure de la rémunération, puis ensuite nous avons posé la question de la conséquence. Quand vous vous rendez compte qu'il y aura une conséquence pour ce que vous voulez faire, alors vous vous en abstenez. Partout dans le monde, c'est comme cela que ça fonctionne : c'est l'idée de la conséquence qui décourage les gens de faire des actes qui ne devraient pas commettre. Et cela vaut pour la corruption. Ce n'est pas qu'ailleurs les gens soient meilleurs que nous mais nos concitoyens doivent savoir qu'ils ne peuvent pas prendre des libertés avec le bien public en espérant s'en tirer à bon compte
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