Abuja le 29/12/2014 Au Nigeria alors que le combat médiatique fait rage autour de l'élection présidentielle prochaine ; et que l'opposition ne laisse passer aucune information susceptible d'embarrasser le pouvoir, très étonnant en apparence que le récent rapport sur la prospérité des nations ait, pour une fois, mis d'accord les deux camps de la joute électorale. Rappelons que ce rapport situe le Nigeria parmi les pays les moins prospères du monde, loin derrière ses voisins ouest-africains comme le Ghana, le Burkina Faso, le Sénégal, le Niger ou le Bénin. Toutes tendances confondues, aucun média nigérian ne s'est appesanti sur le sujet ; et même l'un des rares qui l’a évoqué n'a pas insisté. L'histoire pour ainsi dire est tombée dans l'oreille de deux sourds : la majorité et l’opposition. Que le pouvoir ne s'en glorifie pas on comprend, car la nouvelle est la preuve de l'échec sociopolitique de M Goodluck Jonathan qui a été au pouvoir constamment depuis six ans. Mais que l'opposition y fasse motus et bouche cousue, voilà qui est encore plus révélateur. En effet, à défaut de nourritures terrestres, les Nigérians se nourrissaient jusque-là de la fierté d'être la première économie africaine. Ajouté à ce record, il sont aussi fiers que l'homme et la femme les plus riches du continent émanent de leur nation. Dans ce contexte d'autosatisfaction lénifiant allergique à tout éclairage rationnel qui montrerait que ces records, loin d'être une source de satisfaction, sont au contraire l'expression inquiétante de l'échec d'une politique de classe, qui génère une minorité super-opulente et une très grande majorité de pauvres et de super-pauvres ; difficile, disons-nous, dans un tel contexte onirique de prendre le contrepied du rêve général. Pas beaucoup de Nigérians en effet sont prêts à accepter qu'ils sont moins prospères que leurs voisins du Ghana, du Niger, du Burkina Faso, du Sénégal ou du Bénin. Et aucun des protagonistes du drame politique nigérian n'a intérêt à déciller leurs yeux et les faire sortir de la bulle opiacée dans laquelle ils ont été enfermés. L'illusion de fierté nationale est l'autre opium des peuples. Ceci explique pourquoi l'opposition, toujours aux aguets des moindres erreurs et points faibles du gouvernement, ait zappé une information pourtant d'importance capitale dans la mesure où elle résume de façon brutale ce qui est au cœur de la problématique sociopolitique du Nigeria depuis au moins 40 ans : la violence criante de l'injustice sociologique. Ce silence, à cette veille tendue des élections, en dit long sur l'originalité du soi-disant changement dont l'opposition se dit porteuse.
De notre correspondant à Abuja,
Ayodele Bolariwa
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