Le caractère inducteur et dangereux de la publicité ne peut pas mieux s'exprimer que dans cette présentation radieuse du Nigéria, où tout est beau, tout est excitant et fascinant. À mille lieues de la pauvreté endémique dont la banque mondiale situait récemment le seuil à 80 %. À mille lieues des crimes et des tueries démentielles du groupe Boko Haram. À mille lieues des kidnappings et autres exactions crapulasses du même genre qui font la une de la presse quotidienne. À mille lieues des accidents de la route qui tuent des dizaines de personnes par jour. À mille lieues des bidonvilles et de leur lot de misères, de famine et de maladies. À mille lieues de la corruption, du détournement de 40 milliards de dollars de l’argent du pétrole par une poignée de gens proches du pouvoir, somme qui ne constitue qu'une goutte d'eau dans l’océan des crimes économiques dont ce pays semble détenir la palme mondiale.
Loin de cette triste et dangereuse réalité du Nigéria, on nous invite dans ces images à un autre Nigéria, un Nigéria de rêve ; rêve d'une nuit et demi dans des hôtels de luxe, rêve d’évasion de quelques heureux nantis, profiteurs ou pilleurs internationaux de la manne pétrolière dont tout ce qu'elle rapporte à ses vrais propriétaires, les peuples du delta et dans une certaine mesure du Nigéria, n’est que misère, pollution, maladies, accidents etc. etc. Mais alors, me dira-t-on il n’ y a rien d'original dans ce regard publicitaire sur un pays qui somme toute est d'une certaine manière et possède ce que montrent ces images. La publicité ou la com. comme chacun sait a toujours eu partie liée avec le rêve : c’est le support de la manipulation qui est son but et son principe. Mais c'est l'invitation à ne voir qu'une face arrangée et synthétique du Nigéria, par exclusion de l'autre face plus réelle et massive qui pose problème. Cette réduction rhétorique est dangereuse. Après tout, on présente souvent et bien volontiers d'une ville comme Paris des images radieuses des beaux quartiers du 8e et du 16e arrondissement : la tour Eiffel, la Concorde, la Bastille, l'Arche de la Défense, les Champs Élysées, le Louvre etc.
Pour autant le visiteur qui, attiré par ces images de Paris fait le déplacement et par inadvertance ou curiosité se retrouve à la Goutte d'Or ou au boulevard Barbès sera moins déçu et courra sans doute moins de risques que le touriste qui, venu à Lagos après avoir été attiré par cette pub, se retrouve pris en plein jour dans un hold-up de rue comme c'est souvent le cas au Nigéria.
|
|
|
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.