La réponse de Jonathan se faisait attendre disions-nous dans un post précédent. Et quelques jours après là voilà qui arrive, publiée notamment sur le site du Dr Reuben Abati, conseiller spécial à la communication de la présidence du Nigeria.
Il s’agit d’une réponse orchestrée, dans laquelle, Jonathan a mis à contribution plus d’une instance et de personnage socialement, politiquement et institutionnellement situés pour ne pas avoir à faire lui-même le sale boulot. D’abord bien sûr, sur le plan moral, il y eut la lettre de la fille d’Obasanjo, Yabo, qui résonnait comme un procès en indignité, et dans laquelle l’ancienne sénatrice réfugiée aux Etats-Unis, après avoir qualifié son père de tous les noms, le disqualifiait de donner des leçons de morale à son prédécesseur.
Ensuite, il y a eu la réponse polémique de l’ancien sénateur, Ebute Ameh, qui considère que Obasanjo incarne tous les travers et déviances du PDP, et l’accuse d’être celui qui a le plus posé des actes contraires aux intérêts du parti.
Sur le volet de la moralisation de la vie publique, le sieur Kashamu, un homme inculpé pour trafic de drogue et que Obasanjo accuse Jonathan de protéger, a fait des déclarations dans lesquelles il accuse M. Obasanjo d’avoir été un président corrompu dont 60% des membres de l’entourage immédiat -- Ministres et gouverneurs -- seraient des trafiquants de drogue.
Enfin, en ce qui concerne la dernière affaire de corruption portant sur un trou de 50 milliards de dollars dans la caisse des recettes pétrolières, M. Jonathan a mis en scène le Gouverneur de la Banque centrale, Lamido et la Ministre des Fiances qui ont, dans un mouvement qui se voulait d’ensemble mais qui a vite tourné à la cacophonie, affirmé devant les législateurs que le montant manquant était ramené à 12 puis à 10,8 milliards de dollars.
Le chemin étant ainsi déblayé au travers d’une série d’interventions savamment orchestrées et dont le maître d’œuvre n’est tout autre que le Dr Reuben Abati, chargé de la communication de la présidence, M Jonathan, a pu formellement donner réponse à son prédécesseur et mentor, Obasanjo
Une réponse qui emploie la méthode des adolescents qui, au lieu de répondre directement de ce dont on les accuse, bottent en touche au motif que leur accusateur ou d’autres avant eux ont fait la même chose.
Dans notre précédente analyse où nous expliquions pourquoi la réponse de Jonathan se faisait attendre, nous avons souligné l’embarras de celui-ci autour de sa volonté de briguer un nouveau mandat en 2015 ; et le fait qu’il aurait du mal à répondre à la lettre d’Obasanjo dans la mesure où la substantifique moelle de celle-ci reste quand même sa position sur la question de sa candidature à l’élection présidentielle de 2015.
Au finish, comme on peut le lire dans la réponse de Jonathan résumée ci-dessous aucune allusion n’est faite à sa volonté de briguer les élections de 2015 ! Tout se passe comme si, hormis les dénigrements, les procès en indignité et l’orchestration d’interventions ou d’attaques concertées pour réduire l’effet des accusations d’Obsanjo, distraire la galerie, et faire des allusions ou des insinuations blessantes, Jonathan n’avait pas encore répondu sur le fond à Obasanjo. Est-ce pour cette raison que l’ancien président a refusé de ne rien dire sur ce qui à ses yeux n’est pas une réponse à sa lettre ?
Résumé de la Réponse de Jonathan à Obasanjo telle que publiée par le site de R. Abati
Goodluck Jonathan met au défi Obasanjo de prouver les accusations de corruption et de constitution de ligues tueuses formulées à son encontre par l’ancien président. Le président Goodluck Jonathan, dans une lettre publiée sur le site de son conseiller spécial lundi, ne traite pas des accusations de protection d’un financier du parti au pouvoir inculpé pour trafic de drogue aux Etats-Unis, ou d’intelligence entre les barons de la drogue et les hommes politiques. Dans sa réponse, Jonathan affirme avoir demandé aux agences de sécurité et à la Commission nationale des droits de l'homme d’enquêter sur l’allégation de M. Obasanjo selon laquelle il entraînerait une équipe de tueurs dans le but d’éliminer un millier d’ennemis politiques présumés appartenant à une liste noire.
La lettre répond à des allégations criminelles et de trahison formulées par son ancien mentor et ex-président Olusegun Obasanjo. Il s'agit sans doute du compte rendu le plus exhaustif que Jonathan ait jamais fait sur sa gouvernance depuis la fin de 2009, même s’il élude plus d’une questions difficiles.
Le chef d’État du Nigeria a à peine abordé la question des accusations portées à l’encontre du sieur Buruji Kashamu, au motif que ce dernier avait déjà répondu lui-même. On s’en souvient, dans sa lettre, M. Obasanjo avait déclaré que le refus du gouvernement d'extrader le sieur Kashamu « ne fait que confirmer les rumeurs persistantes de complicité et de pardon d’un crime commis à des fins et au bénéfice politiques » Obasanjo avait averti qu’au train ou vont les choses, les barons de la drogues achèteraient bientôt les candidats, les partis et éventuellement le pouvoir, s’ils n’accédaient pas au pouvoir eux-mêmes. » Le sieur Kashamu, qui insiste sur le fait qu'il est « un homme d'affaires propre » a dit qu'il avait travaillé en étroite collaboration avec Obasanjo quand il était président et « dépensé plus de 3 milliards de nairas » pour assurer que le parti au pouvoir remporte les élections dans Ogun, l’État natal d’Obasanjo. «Quand il m’utilisait à l’époque, je n’étais pas un trafiquant de drogue » a déclaré le sieur Kashamu au journal Vanguard. «Quand Obasanjo, était aux affaires, assène l’homme d’affaires, près de 60 pour cent, y compris d'anciens gouverneurs et d’anciens sénateurs de son entourage étaient des trafiquants de drogue. » Dans sa lettre, M. Jonathan suggère que Obasanjo est coupable de certains des mêmes crimes dont il l’accuse. Jonathan dit qu'il n'a jamais été associé à la violence politique et aux assassinats qui ont eu lieu sous ses prédécesseurs, ce qui implique également sous la présidence de M. Obasanjo. Comme pour faire écho à l’aspect de régionalisme évoqué par Obasanjo dans sa lettre, et sans doute en signe de clin d’œil ethnique, Jonathan fait référence à une des actions les plus sombres de la présidence d’Obasanjo. Il s’agit du déploiement des troupes dans la ville d'Odi de la région mouvementée du delta du Niger en 1999, ville qui a été rasée et où des centaines de gens ont été massacrés en représailles au meurtre présumé des forces de sécurité. Un tribunal fédéral au mois de Février de la même année a ordonné au gouvernement de payer 37,6 milliards de naira aux survivants en guise de compensation, mais le gouvernement n'a pas tenu compte de cette ordonnance, comme il a ignoré aussi à de nombreuses reprises d’autres ordonnances de la Cour. Jonathan est resté silencieux sur l’accusation de M. Obasanjo qu'il envisagerait de briguer un nouveau mandant en 2015, en violation d’une promesse passée conformément à la règle non écrite d’alternance régionale entre le nord et le sud. (zoning) Pour ce qui est des accusations d'Obasanjo de faiblesse de gouvernance eu égard aux innombrables conflits qui affectent la société nigériane et mettent à rudes épreuves sa cohésion et sa sécurité au quotidien, Jonathan répond que ces conflits existaient déjà sous la présidence d’Obasanjo et que celui-ci n'a jamais réussi à dompter la peste des enlèvements, des vols à main armée, et du vol de pétrole, sans parler des exactions meurtrières des militants islamistes. Sur des cas spécifiques de corruption, Jonathan invite Obasanjo à préciser à la nation quelques cas spectaculaires qui se sont produits sous sa propre présidence. En ce qui concerne sa propre administration, Jonathan dit que plusieurs personnes haut placées, ainsi que des fils de certains dirigeants du parti au pouvoir accusés d’escroquerie sur la subvention de carburant d’un montant de $ 6 Milliards font maintenant face à un procès. Quant à la dernière corruption massive au Nigéria, Jonathan a qualifié d’« allégation fallacieuse » l’accusation du Gouverneur de la banque centrale, M Lamido Sanusi, faisant état de la disparition de 50 milliards de dollars de recettes pétrolières. Une série de réunions la semaine dernière a conduit M. Sanusi à réviser à la baisse devant les législateurs le montant de la somme manquante, ramenée à 12 milliards de dollars, somme que la Ministre des finances a encore ramenée à 10,8 milliards de dollars. Par conséquent, conclut Jonathan, Obasanjo devrait présenter des excuses pour « avoir porté atteinte à l'intégrité de mon administration. » Il a exigé que Obasanjo fournisse des preuves sur la « grande corruption, qui selon vous infeste mon administration. » À la critique d’Obasanjo selon laquelle les amis internationaux du Nigeria seraient préoccupés par l'état du pays et de son économie, Jonathan répond que le Nigeria a remporté 18% de tous les investissements étrangers en Afrique, attirant $ 25,7 milliards en trois ans seulement. Le Nigeria est le principal partenaire commercial des États-Unis en Afrique sub-saharienne et les Etats-Unis sont le plus grand investisseur étranger dans le pays, selon le Département d'Etat américain. « Le Nigeria saigne et l'hémorragie doit être arrêtée » avait écrit de M. Obasanjo dans sa lettre. La Banque mondiale a récemment noté que malgré une croissance économique robuste et l'investissement, plus de 100 millions de Nigérians vivent dans la misère, ce qui correspond à 8,3% des personnes démunies dans le monde !
Binason Avèkes
Télécharger l'intégralité de la Réponse de Jonathan
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