Le 2 décembre 2013, l'ancien chef d'État du Nigeria, Obasanjo alias OBJ, a écrit une lettre au vitriol à son successeur en exercice, Goodluck Ebele Jonathan, alias GEJ. Lettre pleine d'accusations et dénonçant la volonté déloyale de Jonathan de briguer un nouveau mandat en 2015. La gravité des accusations et leur virulence avaient de quoi déstabiliser un président en exercice. Et l'opinion ainsi que les observateurs s'attendaient à une réponse immédiate du président Jonathan. Réponse au travers de laquelle, d'une manière responsable, le président apporterait des démentis aux accusations de son prédécesseur et mentor, et du même coup, un énorme soulagement à l'inquiétude soulevée par la lettre de celui-ci. Au lieu de quoi, on a eu droit à une réaction enragée du porte-parole de la présidence, Ruben Abati, réaction de rejet catégorique qui s'est cantonnée dans la forme, et dans laquelle on peut lire que : « Nous avons pris note de la publication sur plusieurs sites Web d'aujourd'hui d'une lettre récemment écrite par le chef Olusegun Obasanjo au président Goodluck Ebele Jonathan . La présidence reconnaît qu'il a bien reçu cette lettre du chef Obasanjo. Nous constatons cependant qu'il est très inconvenant, espiègle et provocateur qu’une lettre écrite par un ancien chef de l'Etat et respecté vétéran au président Jonathan ait été délibérément divulguée aux médias de masse dans un effort déplorable de mettre en doute l'intégrité du président et dénigrer son engagement à diriger le Nigeria de la meilleure façon possible. Alors que de nombreux Nigérians patriotes, objectifs et bien intentionnés ont déjà condamné la fuite de la lettre comme égoïste, hypocrite, mesquine , indécente , et très irrespectueuse de la plus haute fonction du pays, le président Jonathan a ordonné qu’aucun de ses collaborateurs ou membre du gouvernement n’entre dans la polémique ouverte par la lettre de Monsieur Obasanjo. Le président lui-même, le moment venu, apportera une réponse entièrement personnalisée, aux accusations les plus téméraires, sans fondement, injustifiables et inconvenantes portées contre lui et son administration par l'ancien chef de l'Etat. » Comme on le voit, cantonnée dans la forme et le jugement de valeur, la réaction se reconnaît en tant que telle et se distingue bien d'une réponse « personnalisée aux accusations les plus téméraires sans fondement, injustifiables et inconvenantes » qu'elle promet. Mais quand est-ce que cette fichue réponse interviendra-t-elle ? Pourquoi, malgré l'urgence et la gravité des questions soulevées par Obasanjo dans sa lettre, la réponse de Jonathan se fait l'attendre, alors que manifestement les Nigérians sont inquiets ? Est-ce que, par sa temporisation le chef de l'État tente d'apaiser les esprits et de dégonfler la polémique au sommet de l'État ? Ou alors, face au caractère frontal de certaines accusations d’Obasanjo, les communicateurs et rhétoriqueurs de la présidence nigériane s’enliseraient-ils dans des élucubrations sans fin qu'ils usent leur temps à peser au trébuchet des lois de la communication moderne ? Toujours est-il qu'entre-temps, comme un artiste secondaire qui chauffe la scène en attendant l'arrivée de la vedette, la lettre de Yabo, ex-sénatrice, et fille d’Obasanjo réfugiée aux États-Unis, tombe comme un coup de théâtre. Diffusée dans les médias en ligne et dans certains journaux populaires, la lettre toute en récriminations et en accusations, apparaît comme une manière opportuniste de laver le linge sale sur la place publique, et au plus mauvais moment. Elle se donne délibérément comme un procès en indignité. Après avoir détaillé toute une ribambelle d'attendus puisés dans les faits et méfaits familiaux dont, avec une piteuse rancœur filiale, l’ex-sénatrice accable son père, la lettre débouche sur une inférence politique opportuniste dans laquelle Yabo, sans vergogne ni scrupule, disqualifie son père de toute capacité à donner des leçons morales à son successeur. Comme on le voit, du point de vue du timing, la lettre de Yabo, qui est visiblement une commande politique, vise la gestion du temps de la réponse de Jonathan. En attendant qu'arrive cette réponse, qui a ses raisons d'ajourner son occurrence, il sied que l'opinion et le public nigérians aient un os à ronger ; il sied que la distraction soit assurée. En dehors de sa fonction chronologique, la lettre de Yabo est aussi une sorte de prolégomènes moraux à la réponse à venir de Jonathan ; c'est une façon de donner une raclée morale et intime à Obasanjo, de le discréditer de façon à ce que, rétrospectivement, ce discrédit qui vient de son intimité tout en renvoyant à d'autres susurrés par understatement ou sous-entendu--on pense par exemple aux coucheries incestueuses et autres frasques salaces d’Obasanjo--enlève toute valeur et tout sérieux à la posture de donneur de leçons que ce dernier adopte dans sa lettre. En faisant apparaître Obasanjo comme un père intimement indigne dans sa vie privée, l'extension à la sphère sociale et politique de cette indignité sera suffisante pour disqualifier l'ex-président de toute prétention à la vérité et à la moralité. En tant qu'elle est commanditée et manipulée, la lettre de Yabo apparaît à la fois comme une basse manœuvre préparatoire de la réponse de Jonathan à Obasanjo mais en même temps comme une fuite en avant. La lettre de Yabo a certainement réussi à chauffer la scène du spectacle politique nigérian, mais considérée aussi bien du point de vue des événements observables qui agitent cette scène et augure d'un drame potentiel à venir, que de celui des accusations directes de la lettre d’Obasanjo qui prophétise et documente ce drame, la lettre de l’ex-sénatrice est une distraction ambiguë et opportuniste. Et, malgré sa fonction chronologique, elle ne laisse pas de laisser l'opinion sur sa faim d'une réponse en bonne et due forme de Jonathan à la lettre d'Obasanjo. Nul n'ose penser que cette réponse promise sera renvoyée aux calendes grecques. Alors pourquoi tarde-t-elle à venir ? Pourquoi se fait-elle attendre ? Est-ce seulement parce qu'en tant que président de la république, Jonathan se doit d'agir de manière apaisée et dépassionnée ? Si tel était le cas, les aboiements de rejet prononcés par son conseiller auraient adopté un ton plus diplomatique et empreint de sagesse. En fait, il se pourrait que les rhétoriqueurs du palais aient quelque mal à trouver les mots justes et les phrases convenables pour répondre aux accusations de la lettre d'Obasanjo, et qui soient crédibles à la fois aux initiés politiques et à l'opinion publique nigériane. Et cette difficulté est la preuve d'un réel embarras du président à se tirer d'affaire sur chacun des chefs d'accusation lancés par un Obasanjo dont on ne peut pas penser qu'il ait porté ces accusations à l’emporte-pièce, sans preuve, ou juste pour amuser la galerie. Et puis, quelle que soit la manière dont les rhétoriqueurs du palais serreront les fesses pour pondre des réponses apparemment plausibles et crédibles aux accusations portées par Obasanjo dans sa lettre, ces réponses ne manqueront pas de faire la lumière sur le désir supposé de Jonathan de briguer un nouveau mandat en 2015. Or, comme Jonathan lui-même l'aurait dit selon la lettre d'Obasanjo, jusqu'à présent, le président GEJ n'a dit devant personne qu'il avait l'intention de briguer un nouveau mandat en 2015 ; comme il serait malencontreux voire suicidaire qu'un tel dévoilement se fasse avant une certaine date, et surtout avant l'année même des élections, on comprend pourquoi la réponse de Jonathan à Obasanjo se fait attendre. On comprend pourquoi elle n'interviendrait pas avant 2015, et pourquoi, entre-temps, le service de communication de la présidence multipliera les initiatives de diversion comme la lettre de Yabo à son père, pour chauffer la scène, en attendant une réponse qui, pour l'instant, pèse ses mots et attend son heure…
Adenifuja Bolaji
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La temporisation continue avec, comme dit, une série de réponses de la part de personnages, qui ne sont pas les destinataires de la lettre de OBJ, et qui sont autant de manière de "chauffer la scène, avant 2015... Car, dans la mesure où il brigue un deuxième mandat, tout porte à croire que GEJ n'est pas en mesure de répondre avant 2015...Et qu'il commencera d'abord par répondre par des actes avant de répondre par la parole [http://sunnewsonline.com/new/cover/open-letter-expel-obasanjo-now-ex-senate-president-tells-pdp/ ]
Rédigé par : B.A. | 22 décembre 2013 à 20:25