Au Bénin, l’opposition est implacablement muselée, empêchée d’accès aux médias. Et ce n’est pas tout, pendant ce temps, seuls les représentants du pouvoir ont pion sur rue dans les médias. Au premier rang desquels se trouve le chef de l’État lui-même, qui utilise les média d’État comme l’ORTB, mais aussi les chaines de télé sous contrat ou sous chantage fiscal comme son agence de publicité. Agence où il y parle de lui-même, projette le monde de ses rêves, où la religion, les invocations impudiques de Dieu à tout bout de champ, la référence à la religion, toutes sortes de stupidités irrationnelles et régressives ont cours, j’allais dire en toute impunité… Et quand il n’est pas là ce sont ses sbires, Ministres, directeurs de sociétés, évangélistes de tout poil, qui y aboient ses louanges. Pendant ce temps l’opposition n’existe pas. Mais l’inexistence de l’opposition, n’est pas seulement dans les médias, elle est aussi dans l’espace politique de nos villes, dans la rue, sur les places publiques où toute manifestation lui est interdite. Moyennant quoi, chaque jour que Dieu a créé des légions de marcheurs stipendiés battent le pavé en l’honneur du Président Yayi, le bien nommé, envoyé par Dieu pour sauver le Bénin. Chaque fois que profitant de son droit constitutionnel, tel ou tel groupe de l’opposition, initie une marche, il se voit réprimé avec violence par une impressionnante armada de policiers ou de force de l’ordre de tout poil, qui ne fait pas dans la dentelle… La dernière répression en date remonte au 24 août 2013 où la marche et le rassemblement prévus par la CPFG ( Convention patriotique des Forces de Gauche) et l’UN ( l’Union fait la Nation) ont été interdits au dernier moment, puis effectivement étouffés, réprimés, et dispersés. L’un des motifs sibyllins fournis par le Ministre de l’Intérieur pour justifier son action scélérate, était que les pouvoirs publics craignaient pour la sécurité des manifestants que des groupes de hooligans projetaient d’attaquer. Il faut noter au passage que depuis des années que chaque semaine des marcheurs stipendiés marchent au compte de Yayi et de son régime, aucun groupe de hooligans n’a essayé de les attaquer. Il s’agit manifestement de cette même logique de deux poids deux mesure, cet apartheid politique qui ne dit pas son nom et qui met l’opposition hors jeu dans l’arène politique en foulant au pied ses droits les plus élémentaires. Et cette mise à l’écart se réalise au vu et au su des institutions chargées de veiller au respect des lois et des droits ou à la constitutionnalité des actes du gouvernement – la HAAC, la Cour Constitutionnelle, etc. Et c’est là que se situe précisément l’un des paradoxes de la tension qui secoue le pays actuellement autour de la question de la révision de la constitution. Le chef de l’Etat est seul contre tous dans sa volonté de réviser la constitution. Il a fait de cette volonté un acte d’importance capitale, devenu pour lui un casus belli. Ce qui pourrait laisser penser qu’il a de la constitution une très haute idée. Or, comment peut-on avoir de la Constitution une haute idée en tant que chef de l’Etat lorsqu'il n’y a pour ainsi dire pas de jour où, ès qualité, on ne viole cette même constitution ? Ça c’est vraiment un paradoxe que je voudrais qu’on m’élucide. Il y a comme une point d’achoppement quelque part, une quadrature du cercle difficile à réaliser… Et la marche des 6 députés sur l’ORTB est le révélateur de ce viol permanent de la Constitution par le chef de l’État. Car ces députés marchent pour exiger la fin de l’apartheid médiatique qui les frappe. Et comme le pouvoir interdit aussi toute manifestation qui n’est pas pour le louer, alors l’idée astucieuse de nos députés, et qui mérite qu’on les en loue est de marcher côte à côte vers un objectif qu’ils se sont fixé. Peut-on interdire à 6 députés de marcher côte à côte dans la rue vers un même objectif ? … Binason Avèkes
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