Mon esprit, franchement, était à tout autre chose qu’à la paix lorsque je fis mon entrée dans la salle de conférence de l'ONU pour participer à un événement consacré à la culture de la paix et de la non-violence. Le même jour - 21 Septembre 2012 - une autre résolution de l'ONU -- une de plus -- venait d’être votée sur la crise du Mali. Je me suis senti submergé par la lourdeur de la machine onusienne. Que l'ONU, en collaboration avec les dirigeants politiques africains, ait reconnu le danger posé par l'agression fondamentaliste au Sahel et en Afrique de l'Ouest ne faisait aucun doute. Le sentiment d'urgence ambiant, cependant, était décalé si loin derrière le mien que c'était miracle que je n'eusse pris d’assaut la salle de conférence avec une banderole en criant: LIBEREZ LE MALI - HIER! Le Conseil de sécurité avait déjà établi une «feuille de route» pour une force ouest-africaine d'intervention dans le Sahel - au secrétaire général de lui faire un rapport sur les «progrès» de l’intervention dans les mois à venir. A mon sens, et cela m’apparut clairement, c'était une instruction adressée non pas au secrétaire général, mais aux envahisseurs fondamentalistes, invitation à faire un rapport au monde sur les progrès qu'ils auront réalisés dans la destruction des anciennes bibliothèques de Tombouctou; dans l’amputation d'un peu plus de Maliens et dans la lapidation à mort de déviationnistes de leur «code moral». C'était une invitation aux alliés d’Ansari Dine, Boko Haram, à continuer leurs activités criminelles au Nigeria; à démolir quelques établissements d’éducation, de culture et de religion; à éliminer ce qui restait de la présence de l'ONU après l'attentat à la bombe à son siège à Abuja, et à poursuivre son projet d’expansion de la mort et de la destruction dans le sud du Nigeria. Avant la conférence, chaque fois que l’occasion s’en présentait, je saisissais au collet de hauts fonctionnaires nigérians. Aucun d’eux n’avait besoin d’être persuadé outre mesure du danger pour l'Afrique de l'Ouest si la menace intégriste n’était rapidement circonvenue. Le président Jonathan lui-même, m'avait assuré, qu’il était sensible aux ramifications de la prise de contrôle du nord du Mali par les fondamentalistes. Un certain nombre de chefs d'Etat africains partageaient la même conviction. Ce qui manquait, c'était la préparation pratique à l'action. Pour tout ceux qui étudient le tempérament fondamentaliste, cet impératif de réponse urgente devrait être une seconde nature. Le leadeurship politique de l'Afrique devrait être dans un état de conscience permanente - et de réactivité. Nous ne sommes pas des novices, après tout, de la nature impitoyable de l'insurrection intégriste, son désespoir territoriale et, surtout, son mépris pour l'humanité. Logiquement, les voisins du Mali auraient dû prendre l'initiative - et ce dans les premières semaines de l’expansion de ce qui était une insurrection opportuniste dans l'arène mondiale. En l'occurrence, les preuves ont été accumulées que le nord du Mali avait été infiltré par les combattants Al-Qaeda délogés de la Libye, de la Somalie et d'autres sanctuaires anciens, comme cela a été reconnu par le gouvernement nigérian. Néanmoins, en fin de compte, il a fallu que ce soit une ancienne puissance coloniale qui prenne les choses en main. Humiliation ? Pas tout à fait. Cette invasion n'était pas seulement une affaire malienne, ou même africaine: c'était un défi mondial. Il était devenu évident que quelques semaines de plus d'inaction auraient renforcé la position des envahisseurs du Mali et, par extension, la campagne meurtrière de Boko Haram au Nigeria même. Contrairement à la plupart des commentateurs, j’avoue que je trouve impossible de considérer ces clones d'Al-Qaeda comme étant des mouvements politiques ou religieux, même de nature extrémiste. Que leur capacité à recruter des soldats soit la traduction des échecs de la société ne fait l’ombre d’aucun doute, néanmoins, il est naïf d'attribuer ce fait uniquement au chômage, à la marginalisation et à d’autres inégalités sociales. Le monde est confronté à des mutations virales de la psyché humaine. Prenez le cas de Joseph Konya, le guerrier chrétien de l'Ouganda dont l'idée de «résistance» consiste en l’enrôlement d'enfants, enlèvements et viols épicés d’amputations de lèvres, d’oreilles et de nez des non-croyants. Des gens comme lui appartiennent à une catégorie spéciale à mi-chemin entre le droit pénal et la psychopathologie - d'où mon avertissement à cette réunion des Nations Unies: «Rappelons-nous que ce n'est pas les antimusulmans qui ont récemment profané et détruit - dans un acte diabolique d’autosatisfaction - les tombeaux de saints musulmans à Tombouctou ... L'orientation, - attestée par les déclarations de ces vandales - nous laisse avec le pressentiment que les trésors inestimables des bibliothèques de Tombouctou pourraient être leur prochaine cible » La vérité est, hélas, que l'archétype de science-fiction du savant fou qui aspire à dominer le monde a été remplacé par celui du religieux fou qui ne peut concevoir le monde à son image, jouant fièrement les James Bond 007 - Tueur Professionnel. Plus tôt les dirigeants nationaux et les véritables chefs religieux comprendront cela, et admettront qu'aucun pays ne contrôle ses propres fous dangereux, qu'ils soient Ansari Dine du Mali, ou Terry Jones de Floride, plus tôt ils tourneront leur attention sur les questions qui méritent vraiment la priorité. Les trésors de Tombouctou semblent avoir été sauvés de la destruction totale. Le Mali, enfin, est en cours de restauration. Pour les dirigeants africains, cependant, il s’agit encore d’un autre réveil - et un réveil qui va au-delà d'un simple appel aux armes.
Amené et traduit par Adenifuja Bolaji
|
|
|
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.