C’est quand même stupéfiant que, aussitôt qu’un régime nouveau a pris le pouvoir des mains de Kérékou, ses serviteurs et peut-être aussi son chef aient foncé tête baissée dans l’arène de la corruption sans demander leur reste. Alors que la mission qui leur était assignée par le peuple c’est justement de faire tout le contraire de Kérékou en matière de moralisation de la vie publique et de gestion des deniers. Curieusement, ils se sont employés à faire tout le contraire de Kérékou uniquement dans les domaines où il fallait consolider ses acquis – liberté d’expression, unité nationale, équité régionale, cohésion sociale, respect des contre-pouvoirs. Au contraire, n’ayant d’yeux que pour leurs sombres desseins, les nouveaux venus s’en sont donné à cœur joie de faire la même chose sinon pire (de la cuiller à la louche) que ce qui était bruyamment, peut-être même trop bruyamment reproché à Kérékou. Quel déboire, pour un peuple qui, las d’être abusé, en 2006, a cru faire le geste intelligent par excellence en amenant au pouvoir un gestionnaire qui avait offert les apparences de l’humilité et de la nouveauté dans le sérail politique diabolisé peut-être trop diabolisé ! Cette alacrité à reprendre le flambeau du pillage des ressources publiques, alors que depuis des décennies le peuple est sur la paille, n’est-elle pas la preuve des conséquences inéluctables de l’impunité ? La nature a horreur du vide dit-on. Et toute cause produit les mêmes effets. Pourquoi le Président n’a-t-il mis en place un panel de sociologues, de scientifiques, de techniciens, d’homme de sécurité et de loi pour analyser et mettre en lumière les mécanismes de la corruption aussi bien ordinaire que celle qui prospère au sommet de l’État ? C’était en effet sur la base d’une telle objectivation du mal, qu’il fallait partir en 2006, créer des institutions de régulation, de veille, de reddition de compte, de renouvellement des cadres, de leur promotion ou sanction. Or rien de tout cela n’a été fait, du moins pas ouvertement. On a repris les mêmes en gros et on a recommencé les mêmes errements dans la même nuit de l’impunité et du laisser faire. Voudrait-on arriver aux résultats que nous déplorons aujourd’hui et dont hélas, comme le dit le Président Houngbédji, les scandales ébruités ne sont que le petit bout de l’iceberg, qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Outre l’action basée sur l’analyse des rouages sociaux, moraux et politiques de la corruption, il faut une réponse symbolique et concrète qui met un coup d’arrêt à l’impunité. Il faut tuer ce qui tue le peuple ! Les corrompus de tout poil et de tout acabit, surtout ceux qui prospèrent au sommet de l’État tuent le peuple. Cette irrépressible avidité qui s’empare des hommes au pouvoir est la raison pour laquelle nombre d’entre eux s’engagent en politique. Il faut tuer l’idée que la politique c’est du business, du business juteux. Pour cela, il ne faut pas agir fermement, continument, froidement, et rationnellement contre la corruption. Cela suppose trois ou quatre choses : 1. Analyser, connaître le mal, divulguer ses mécanismes pour y remédier – ce que le pouvoir actuel n’a pas fait. 2. Faire un effort d’éducation effective à la base mais aussi sur le tard ( campagnes régulières de sensibilisation, affiches publicitaires, etc..– ce que le pouvoir n’a pas fait. 3. L’obligation de faire rendre gorge, aux fossoyeurs de l’économie, où qu’ils aient planqué le fruit de leur rapine, il faut qu’ils remboursent avec intérêt ce qu’ils ont volé. 4. En toute reconnaissance de la nature criminelle de la corruption, surtout celle qui se fomente au niveau gouvernemental, dans les hautes sphères du Parti-État, et de l’Administration. Il faut donner à la répression du contenu et des moyens de sévir. Malheureusement, lorsque l’on voit les tensions inutiles, les tricheries et la politisation qui prennent le pas sur la concorde nationale dans la nomination des membres de la Haute Cour, on est navré de constater que le gouvernement et les hommes politiques en général n’ont pas compris l’importance capitale de cette institution dans le dispositif de la lutte contre l’impunité. On s’étonne de voir ramener l’initiative à un simple exercice de domination partisane, au énième combat pour l’instrumentalisation des institutions clés de la République. Comme si d’entrée, on acceptait de laisser se gangrener l’une des institutions capitales censées lutter contre la gangrène de la corruption. Tout cela prouve le vice du cancer de la corruption, son côté vicieux et circulaire. Marquer un coup fort contre la corruption et faire trembler ses assises jusqu’à ses racines mentales et sociales suppose d’établir contre elle la peine de mort pour tuer les corrompus, eux qui pour construire châteaux, rouler carrosse, et posséder maîtresses aux quatre coins du pays sinon du monde, tuent le peuple. Aux grands maux les grands remèdes. Etablir la peine de mort contre les corrompus de haut niveau, Ministres, Hauts cadres de l’État, Présidents, mettre en place un symbole fort de dissuasion, telle est la solution. A l’instar de l’Assemblée nationale, une Place des Corrompus a toute sa place dans notre société. Une telle Place aurait en son centre une belle guillotine. Chaque année, à la même période, suivant les mêmes rituels et devant le peuple, la tourbe infecte des corrompus, assassins du peuple, sera passée au fer de la sentence capitale, guillotinée. Comme les Romains, il faut vouer les corrompues aux gémonies. Geste symbolique qui participe de la nécessaire dramatisation de la lutte contre l’impunité. Geste dissuasif et à forte charge pédagogique. La lutte contre la corruption a trop souffert de complaisance et de l’échange de bons procédés. Il faut instituer de nouveaux symboles et des nouvelles règles pour une arithmétique des peines plus vigoureuse, et pour affermir la symbolique de la dissuasion. La récurrence du crime de corruption, qui sévit de génération en génération est la preuve du vide de l’impunité. Or la nature a horreur du vide. A la place de ce vide, il faut ériger une Place des Corrompus Binason Avèkes. |
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