En dehors de quelques voix discordantes qui s'étaient élevées contre la primauté de l'écriture sur la tradition orale dans notre pays il y a de cela une vingtaine d'années environ, la question de la transcription de nos langues ne suscite plus de difficultés majeures. Mais l'écriture en elle-même constituera une source de recherches tant qu'existera l'utilisation des langues à des fins académiques puisque la standardisation des alphabets sera toujours d'actualité, du moins en ce qui concerne la modernisation des langues nationales béninoises. Vouloir mettre un accent particulier sur l'écriture et la placer au centre des préoccupations du ministère en charge de ces questions nous semble quelque peu secondaire en ce moment au regard de l'immensité des tâches qui s'imposent au pays face à l'inexorable avancée de l'analphabétisme et à son éradication. Nous voudrions simplement rappeler à ce propos que suite à un séminaire tenu à Cotonou du 21 au 23 Août 1975 qui avait réuni six pays de la sous-région, à savoir : le Togo, le Niger, la Haute-Volta (aujourd'hui Burkina Faso), le Nigeria et la République Populaire du Bénin (République du Bénin aujourd'hui) à travers la Commission nationale de Linguistique (CNL), le gouvernement d'alors adopta, par Décret numéro 75-272 en date du 24 Octobre 1975, un alphabet national devant servir à la transcription des langues nationales. Point n'est donc besoin dès lors de brandir de nouveaux alphabets comme si le terrain était encore vierge. Alphabets que l'on tente d'ailleurs d'utiliser déjà et de chercher à imposer sous un prétexte pseudo-nationaliste ou prétendument patriotique parce qu'ils seraient africains. Certes, les inventeurs de ces outils ont été de véritables savants. Mais le civisme, le respect des lois voudraient que ce Décret continue d'être appliqué jusqu'à nouvel ordre. Ce fut d'ailleurs la plus importante recommandation adoptée lors de cette mémorable réunion de Cotonou. L'écriture d'une langue relève de la science ; donc de recherches très sérieuses et ne peut en conséquence être manipulée sans aucune étude préalable et une caution scientifique certaine. Mais puisque le travail devient urgent et massif en ce qui concerne l'éducation des adultes et les langues à l'école, contentons-nous simplement de l'existant. Le Ministre doit alors prendre toutes les mesures qui s'imposent pour arrêter toutes les agitations qui ont cours depuis quelques semaines à travers les medias et qui risquent de constituer un handicap sérieux au développement harmonieux de son travail. Nous voudrions précisément affirmer à ce propos qu'au-delà de l'écriture, il y a l'alphabétisation. Elle doit constituer le cœur des actions à entreprendre dans notre pays dans ce domaine. Face à la léthargie qui s'est installée dans le sous-secteur ces dernières années, il y a lieu d'en évaluer les résultats et de redonner également à la formation des formateurs sa place de choix. La seconde question que nous voudrions évoquer et qui fut une revendication de tous les participants au Forum sur l'éducation est l'introduction des langues nationales dans le système formel. Mais une chose est de le vouloir et une autre est d'en tracer les objectifs avec pertinence. Le danger ici est de faire de cette donnée une question idéologique uniquement. Tout le monde, nous osons le croire, en est aujourd'hui conscient. Mais la tâche à laquelle nous devons nous atteler dès lors sera de faire en sorte que la première langue, l'africaine notamment, constitue réellement, à l'apprentissage, une source de réussite pour l'enfant à l'école. Ne nous laissons donc pas divertir et entraîner dans des options lourdes, inextricables et sans issue telles qu'elles se profilent à l'horizon. Car les approbateurs d'aujourd'hui seront les fossoyeurs de demain parce qu'il s'agit précisément des langues nationales africaines ou béninoises. Evitons aussi de tomber dans le piège de tous ces scientifiques qui voudraient faire du ministère le terrain d'expérimentation de leurs théories linguistiques soit disant récentes qui ne feront que retarder le travail. L'on devra donc étudier les modalités d'utilisation des langues dans le formel avec sérieux car chacun sait qu'il s'agit là d'une entreprise difficile et de longue haleine mais non irréalisable. D'autres pays africains l'expérimentent déjà, non sans difficultés, mais avec une certaine réussite et nous souhaiterions que, toute fierté mise à part, l'on aille s'enquérir de ces exemples-là. Nous pensons qu'il faudrait faire la part des choses en donnant à chaque sous-secteur, formel et non formel, la direction qui est la sienne et cela dans une grande transparence sans oublier néanmoins la passerelle qui doit malgré tout les relier. La Décennie des Nations-Unies pour l'Alphabétisation dans laquelle nous sommes en ce moment et qui s'étend jusqu'en 2013 doit constituer pour nous un véritable catalyseur qui permettra au Bénin de faire le bond qualitatif en matière d'éducation des adultes et d'être parmi les pays qui auront mis en œuvre le point quatre (4) des objectifs de Dakar ( Cadre d'action de Dakar, Avril 2000 ) qui appelle à: « améliorer de 50% les taux d'alphabétisation des adultes, et notamment des femmes, d'ici à 2015, et assurer à tous les adultes un accès équitable aux programmes d'éducation de base et d'éducation permanente ». Ce qui permettra alors à chacun d'eux d'exercer, comme l'on dit, une citoyenneté active. Marc-Laurent Hazoumè Professeur de Linguistique, Ancien Chercheur à l'Institut de l'UNESCO pour l'Education à Hambourg. Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown |
Marc-Laurent Hazoumè Professeur de Linguistique, Ancien Chercheur à l'Institut de l'UNESCO pour l'Education à Hambourg. |
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