Les Ghanéens se sont rendus aux urnes vendredi 7 et samedi 8 décembre 2012 afin d'élire un président de la République et 275 parlementaires pour un mandat de 4 ans allant de janvier 2013 à décembre 2016. Moins de 48 heures après le vote, le Président par intérim son excellence John Mamaha Dramani du congrès national démocratique (NDC) a été déclaré vainqueur par le Président de la Commission Électorale (CE), le Dr Afari Gyan avec 5.574.761 voix représentant 50,70% des suffrages exprimés (10.995.262) . Selon la commission électorale, le porte-drapeau et candidat du NPP a obtenu 5. 248.898 voix représentant 47,74 % des suffrages exprimés. Le taux de participation était de 80,15 % et les élections ont eu lieu dans 21 002 bureaux de vote à travers les 10 régions du pays. Pour certaines personnes à l'intérieur et à l'extérieur du Ghana, y compris l'auteur du présent article, le résultat a été une grosse surprise. The ECONOMIST NEWS PAPER du 15 décembre 2012, dans un court article sur les élections, a écrit que « la victoire de M. Mahama a été surprenante ». Les raisons de la surprise sont expliquées plus loin dans l'article. Le plus grand parti d'opposition, le New Patriotic Party (NPP), a refusé d'accepter les résultats déclarés par la commission électorale, et s'est mis en devoir de recueillir des preuves de « fraude électorale » pour contester les résultats devant les tribunaux. Bien que certaines manifestations intitulées « Marche pour la justice » ont été organisées par l'opposition, aucune violence n'a éclaté dans le pays et les gens vaquent à leur travail paisiblement. De nombreux observateurs locaux et internationaux ont déclaré que les élections étaient libres et équitables. Le président de l’Union Africaine, ainsi que le chef de la communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest, M. Olusegun Obasanjo (un ancien président du Nigéria) ont également déclaré que les élections étaient libres et régulières et ont déjà envoyé leur message de félicitation au président élu, M. John Mahama, qui prêtera officiellement serment le 7 Janvier 2013.. Compte tenu de l'indépendance de la Commission Électorale t son expérience passée dans l'organisation réussie d'élections au Ghana, ainsi que les déclarations de différents observateurs, plusieurs questions importantes se posent : - A) est-ce que le bureau directeur du parti d'opposition dispose des preuves convaincantes pour qualifier le résultat des élections de « verdict volé » ? L'opposition prétend que la collecte des données au niveau des centres régionaux est à l'origine de leur manipulation. Peut-on le prouver ? Il doit soumettre le cas devant le tribunal sous 21 jours. - B). Est-il possible d'avoir un procès devant la cour suprême du Ghana qui produise un verdict juste et indépendant ? - C) Qu'est-ce qui se passera si la Cour suprême du Ghana infirmait le verdict de la Commission Électorale et déclarait Nana Akufo-Addo vrai vainqueur des élections après que M. Mahama a prêté serment ? Les réponses à ces questions donneront la preuve irréfutable que le Ghana a véritablement ouvert le chemin de la démocratie que d'autres pays africains pourraient suivre… Mais avant d'en arriver là, penchons-nous sur la situation juste avant, pendant et après les élections qui fait se demander si les élections ont réellement traduit la volonté du peuple Ghanéen. Une information de base et un rappel historique sur la vie politique du Ghana sont nécessaires pour que le lecteur se fasse une idée de la situation politique du Ghana. Le Ghana a été dirigé par le Dr Kwame Nkrumah à son indépendance politique (premier pays au sud du Sahara) de la Grande-Bretagne en 1957. Le parti politique du Dr Nkrumah était le Parti de la Convention Populaire (CPP), qui a fait scission en 1949 d’avec le seul parti politique du pays à l'époque , l’United Gold Coast Convention (UGCC). L'actuel NPP a pris ses racines de l’UGCC. Après plusieurs coups d'état militaires et deux régimes démocratiques, un capitaine d'aviation nommée Jerry John Rawlings a pris les rênes du pays à la fin de 1981. Il constitua une junte militaire provisoire appelée Conseil Provisoire de Défense National ( PNDC) qui dirigea le pays jusqu'à la fin de 1992. À l'issue de pressions internes et externes, le pays a été contraint à embrasser la vie démocratique à partir de 1992. Le chef militaire JJ Rawlings a alors formé son propre parti politique qu'il a nommé National Democratic Congress (NDC) avec lequel il a remporté les élections présidentielles et parlementaires en 1992, (le NPP ayant boycotté les élections), et de nouveau en 1996. Ces deux mandats successifs ont pris fin en 2000 et un nouveau leader pour le NDC a été choisi pour participer aux élections avec les candidat du NPP et d'autres partis. Le candidat du NDC en la personne de feu John Atta-Mills a perdu l'élection présidentielle en 2000, gagnée par le candidat du NPP M. John Kufuor Agyekum. Le président Kufuor a encore gagné les élections présidentielles en 2004, et est resté au pouvoir jusqu'à la fin de 2008. Quand ces deux mandats successifs ont pris fin, le NPP a choisi un nouveau candidat à la personne de M. Nana Akufo-Addo pour se présenter aux élections de 2008 contre le candidat du NDC, M. Atta Mills qui se présentait pour la troisième fois. Comme le dit le proverbe, la troisième fois est toujours la bonne, et le candidat a remporté les élections présidentielles pour le NDC en 2008 avec une marge de 40 000 voix sur un total de 9 millions de voix. Le parti du candidat Nana Akufo-Addo avait remporté le premier tour des élections avec une marge de 100 000 voix, mais il n'avait pas atteint le taux de 50 % des voix + 1 requise pour être proclamé vainqueur. Au cours de la période allant de 2009 jusqu'à la date de l'élection du 7 décembre 2012, le gouvernement NDC était en proie à des défis sans précédent de ses propres cercles. Le plus évident était la démission au sein du parti. Le fondateur du parti, l'ancien président JJ Rawlings a critiqué le style de leadership du président Mills et a accusé les ministres d'incompétence. Il a même marqué quelques-uns des ministres comme joueurs de deuxième division, n'hésitant pas à qualifier certains de «salauds cupides». - Encore une fois, pour la première fois dans l'histoire politique du Ghana, l'épouse de l'ancien Président Rawlings, Nana Konadu Agyeman Rawlings s’est présentée face au président Mills pour la nomination d'un candidat pour un second mandat. Elle a perdu la compétition, ce qui l’a conduite à rompre avec le NDC et à former son propre parti, le Parti national démocrate (NPD).. -Et, pour le NDC, comme un malheur n'arrive jamais seul, le président Mills qui souffrait d'une grave maladie est décédé brutalement cinq mois seulement avant les élections. Cela a conduit à une situation où le vice président John Mahama à prêté serment en tant que président par intérim et est devenu le nouveau candidat du NDC pour les élections de décembre 2012. Avec tous ces défis devant le NDC, le NPP a pris l'avantage et critiquait sévèrement les pratiques de corruption du parti au pouvoir dans des conférences de presse et dans les médias. Le NPP a également lancé un manifeste électoral dans lequel il faisait état d'une promesse de rendre l'enseignement supérieur gratuit. Les enfants Ghanéens allaient profiter gratuitement de l'enseignement obligatoire à partir de l'école maternelle jusqu'au lycée. Cette promesse de campagne du NPP a pris une place importante dans la campagne électorale et a forcé le NDC à sortir du bois pour donner des contre-arguments réfutant la faisabilité d'une telle proposition dans les conditions économiques actuelles du Ghana. (…). Il est important de noter ici que le NDC passait aux yeux des ghanéens pour un parti social-démocrate tandis que le NPP s'arrogeait le label de parti démocrate libéral. Paradoxalement, le NDC en 2003 n'a pas soutenu le lancement de l'Assurance santé universelle par le gouvernement NPP. En 2012, ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour lutter contre la promesse de l'enseignement libre et gratuite de l'école maternelle au lycée en prétextant que cela relevait de l'impossibilité économique pour le Ghana. Curieusement, le président Mahama lui-même a bénéficié d'une éducation supérieure libre qui avait été initiée par le président Nkrumah dans les années 60 en faveur des trois régions du Nord (sur les 10 du pays) du Ghana en raison du niveau élevé de pauvreté de ces régions. Pourtant le NDC de ce même président Mahama est entré en guerre contre une politique qui vise aujourd'hui à étendre à tout le pays un système dont il avait lui-même bénéficié. Le NDC a présenté un nouveau manifeste qui fait suite au précédent « programme d'amélioration du Ghana » dans lequel il a mis un fort accent sur les performances sans précédent et réalisations du régime au cours des quatre dernières années. C'est dans ce contexte que l'élection est arrivée. L'un des handicaps majeurs du système électoral du Ghana est la liste électorale. De nombreux observateurs affirment que des mineurs non-inscrits votent et parfois certaines personnes font des votes multiples. Donc à l'approche des élections tous les partis ont appelé à la mise en place d'un système d'enregistrement biométrique. Au début, le gouvernement NDC et la Commission Électorale elle-même se sont opposés à l'introduction de machines afin de vérifier l’identité des personnes inscrites sur la liste électorale. C'est suite à des négociations difficiles et des provisions de fonds provenant de l'extérieur que le NDC et la Commission Électorale ont finalement accepté l'utilisation des machines de vérification. Une autre question épineuse a été la décision de la Commission électorale d'augmenter le nombre de circonscriptions électorales de 230 à 275 (un ajout de 45 nouvelles circonscriptions) trois mois avant les élections générales. Selon la CE, ils ont pris la décision sur la base des nouveaux chiffres du recensement effectué en 2010. Le NPP et toutes les autres partis opposés au NDC ont contesté cette décision devant le tribunal parce qu'ils considéraient le délai trop court. Ils ont également allégué que la délimitation des circonscriptions électorales a été faite pour favoriser la NDC au pouvoir. Pourtant, les tribunaux ont écarté les autres partis et a pris la décision d’aller de passer outre pour créer des nouvelles circonscriptions. La tension a monté d'un cran de part et d'autre au cours des derniers jours avant les élections, avec des attaques personnelles et des contre-attaques lancées sur les ondes. Cela a incité le Roi des Ashanti, Nana Osei Tutu II, à faire appel à tous les dirigeants politiques à Kumasi (la deuxième ville) pour signer une Déclaration de paix environ deux semaines avant les élections. Tous les partis politiques et leurs dirigeants ont promis de renoncer à la violence et ont signé un pacte de non-incitation de leurs partisans à la violence et à l'attaque. Les dirigeants du Conseil de Paix, un organisme composé des membres du haut clergé et les organisations de la société civile, ont appelé tous les partis à promouvoir la paix pendant et après les élections. Avec tous ces défis, il n'est pas surprenant que les élections qui ont été programmées pour n’avoir lieu que le vendredi 7 décembre 2012 ont dû être prorogées d’un jour parce que la plupart des machines de vérification était en panne. Certains des agents électoraux dans les 26.002 bureaux de vote étaient démunis face aux machines. Beaucoup de gens en particulier dans les zones rurales des régions du nord et une partie d’Accra auraient été privés de leurs droits si l’élection n’avait été prorogée d’un jour. Amené par Binason Avèkes, d’après un article de Kwaku Acheampong. |
C'est la vérité même ! Vous avez touché du doigt le défi que l'Afrique doit relever pour son émergence dans le concert des nations!
Rédigé par : Tangninon | 29 décembre 2012 à 10:54
Le processus démocratique est en marche au Ghana, et les difficultés rencontrées indiquent bien que rien, en politique, n'est jamais définitivement gagné!Ce qui est important est que à chaque carrefour, le pays fasse le meilleur choix pour l'avenir! Une condition cardinale est indispensable: aucun progrès démocratique n'est possible dans une communauté analphabète et insuffisamment instruite; or la plupart des forces politiques actives en Afrique ont du mal a accepter émancipation d'une conscience populaire éclairée par l'éducation! Notre vrai défi à long terme est donc comment assurer une éducation massive des peuples d'Afrique, seul gage d'un progrès démocratique ascendant
Rédigé par : Cyprien K. A. GNANVO | 29 décembre 2012 à 07:55