À l'instar de ce qui s'est passé dans le cas des élections présidentielles, les élections législatives montrent que personne ne vote pour l’UN dans le nord du Bénin, tandis que le parti pour lequel les nordiques votent massivement sinon collectivement fait aussi recette et succès dans le sud.
Les gens du sud, notamment ceux qui se prétendent intelligents ou rusés, ne semblent pas apprécier les qualités de discipline, de conscience de soi, et d'organicité que mettent en jeu leurs concitoyens du Nord, lorsqu'ils se rassemblent spontanément et unanimement autour de l’un des leurs. Et pourtant, pour que la nation soit unie, ce sont ces qualités que les gens du Sud doivent enfin commencer à valoriser, développer. L'union du Bénin se fera rationnellement ; et c'est ainsi et ainsi seulement qu'on éviterait les frustrations, les dialogues de sourds, la fraternité à sens unique où les divisions.
A priori, on pourrait croire que le tort de la logique d'aller se vendre aux autres au lieu de rester soi-même, au lieu de se consolider entre soi, on peut croire que ce tort découle d'un travers de la mentalité des sudistes. Pour une part cela est vrai. Pour des raisons historiques liées aux conditions de la colonisation de notre pays, les sudistes qui sont souvent des chrétiens revendiquent volontiers un mimétisme des valeurs occidentales. Mais ce mimétisme outre son caractère superficiel est l'expression malheureuse d'une aliénation. Ces gens adoptent des attitudes polémistes en vigueur en Occident et les exaspèrent là où le Blanc sait raison garder, et comme il n'y a pas deux capitaines dans un bateau, ils ont du mal à s'entendre entre eux. Ces difficultés finissent par réveiller les divisions d'antan, les méfiances et les blessures de la période historique de l'esclavage, où au sud l'homme était un loup pour l'homme.
Et quand on ne peut pas s'entendre avec son frère, on prend son baluchon et on va voir ailleurs s'il n’y a pas quelqu'un au-dehors qui veut bien s'associer à vous pour vaincre votre frère et vous donner quelques miettes en retour. Et on collabore à assujettir politiquement les siens, en contribuant à leur frustration politique dans la mesure où la réalité politique reste quand même ethniquement déterminée et où le besoin d'être incarné par quelqu'un qui vous ressemble est d'autant plus légitime que l’on est majoritaire.
Ainsi vu, on peut penser que le tort revient à ceux qu'on appelle les chacals au sud – les Tévoédjrè, les Dossou, les Gnonlonfoun et autre Nago qui soit dit en passant n’ont pas leurs équivalents au nord – qui s'associent avec le Nord pour frustrer le Sud démographiquement majoritaire du droit d'avoir ce qui lui revient.
Mais on peut aussi voir la chose d'un autre œil. Par exemple si des gens comme Robert Dossou, Albert Tévoédjrè, Gnonlonfoun, et autres Nago, avaient jamais pu avoir leurs équivalents nordiques, qu'est-ce qui se serait passé ? Eh bien, les choses se seraient un peu plus 'équilibrées ! Ce qui est perdu au sud en raison de l'indiscipline, de la culture de prostitution de certains, de la trahison rationalisée, ou de la haine de soi, se rattraperait en raison de la main tendue, d'une moindre fermeture sur soi des nordistes, une ouverture nationale citoyenne, une volonté de considérer les gens du sud non pas seulement comme un appoint électoral mais des concitoyens dans une unité d'objectifs et d'aspirations partagées. Si les nordistes dans une certaine mesure faisaient un peu moins systématiquement bande à part, si une partie non-négligeable des nordistes considérait les gens du Sud et allaient vers eux dans une fraternité nationale politiquement agissante, alors la culture de prostitution des chacals du Sud perdrait toute valeur et toute utilité. Puisqu'il suffit qu'une partie du Nord vote effectivement pour le grand parti du Sud pour que le candidat de ce parti soit élu. Si ce parti peine aujourd'hui à être national – chose dont on l'accuse de façon cynique – c'est en raison de la fermeture anti-fraternelle des gens du Nord qui préfèrent le face-à-face régionaliste avec l'espoir que l'imbécilité sudiste, qui se donne les airs de subtilité intellectuelle, viendrait au secours de leur attente mesquine.
Au total, si les sudistes sont en partie responsables de la frustration politique de plus en plus intenable et paradoxale du Sud, cela est dû en partie à la culture de chacal qui y est florissante ; mais cette culture aurait fait long feu si le Nord, au lieu d'être politiquement un peu plus fraternel ne se contentait d'engranger l'ouverture des sudistes sans jamais songer à s'ouvrir lui-même aux sudistes. Comme si cette fraternité à sens unique était la seule attitude politique à laquelle le Nord entend s'immoler.
Prof. Cossi Bio Ossè
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