- Paris, le 30 septembre 2010
AFP/PATRICK KOVARIK ; Le PDG de TF1, Nonce Paolini.
Monsieur le Président Directeur Général,
J'accuse volontiers réception de votre lettre reçue au Conseil général de Saône-et-Loire, le 20 septembre dernier, dans laquelle vous qualifiez "d'inadmissibles" les propos que j'ai pu tenir devant la caméra de Monsieur Pierre Caries, dans son film intitulé "Fin de concession".
Comme vous le savez, la chaîne que vous dirigez utilise à des fins commerciales le domaine public hertzien, propriété publique appartenant à la Nation toute entière, et dont la chaîne TF1 et ses actionnaires ne sont, aux termes de la loi, que les utilisateurs à titre précaire et les dépositaires fragiles et éphémères. Le regard libre et sans concession d'un représentant de la Nation sur le comportement d'une chaîne qui fait un usage contestable de ce bien public national, relève de ses devoirs politiques et moraux élémentaires.
La chaîne TF1 n'a donc pas d'autre choix que d'accepter, quoi qu'il lui en coûte, toute critique publique de ses agissements, puisque la télévision reste un bien collectif appartenant à tous les Français même si celle-ci s'exerce dans la forme de l'entreprise privée que vous présidez.
Est-il nécessaire de rappeler que l'actionnaire majoritaire et opérateur de la chaîne TF1, la Société Anonyme Bouygues, exploite une activité quasi-exclusive de construction de bâtiments et de travaux publics, à travers des marchés publics, dans lesquels le pouvoir d'Etat et la diplomatie nationale disposent d'une influence avérée.
Les rapports de proximité politique entre les orientations éditoriales de TF1 et le pouvoir actuel pose le problème dans une démocratie comme la nôtre, du respect du pluralisme et de la séparation des intérêts publics et privés, et les échanges de services et de bons procédés entre eux.
TFl dispose à ce sujet, en quelque sorte d'un long casier judiciaire, constitué de rappels à l'ordre et d'amendes pour violation des règles du pluralisme politique. Dernièrement, vous avez cru devoir donner la parole pendant plus de 2 heures au Président de la République, chef du parti majoritaire, à une heure de grande écoute, tout en ne permettant à la principale dirigeante de l'opposition de ne répliquer que pendant 4 minutes. Dernièrement encore, selon le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, au premier trimestre 2010, en cumulant TFl et LCl, votre chaîne d'information, vous avez offert 32 heures de temps de parole au Président de la République, au Gouvernement et à l'UMP, contre 8 heures à des membres de l'opposition. Il y a quelques temps déjà, Monsieur François Bayrou, lui-même, avait dénoncé au mois de janvier 2007, votre arrogance et votre mépris du pluralisme en ces termes : "Vous n'êtes pas les patrons de la France. Nous ne céderons pas à votre matraquage."
La grossièreté des violations, la lourdeur des sanctions et la répétition des infractions depuis 15 ans, m'amènent à considérer que le comportement de la chaîne TFl que vous présidez relève du piétinement systématique de nos lois et règlements. A mes yeux, j'ajouterai que les journalistes de TFl, dont le professionnalisme est connu et louable, n'ont pas la responsabilité qui est la vôtre dans cet état de fait condamnable.
Malgré ces comportements blâmables, TFl a néanmoins obtenu des gouvernements et des majorités parlementaires qui se sont succédées, de nombreux privilèges et avantages indus : assouplissement du dispositif anticoncentration, renouvellement automatique de la concession sans mise en concurrence, droit à une deuxième coupure publicitaire dans les oeuvres de fiction, introduction forcée sur la Télévision Numérique Terrestre qui a provoqué des réactions extrêmement vives de vos concurrents, et allégement substantiel et régulier des obligations contenues dans votre cahier des charges. Au point qu'il me paraît possible de faire observer que sur un bien pourtant public, TFl exerce désormais un monopole privé, profitable et incontrôlable avec la complicité de l'Etat.
Puisque vous employez dans votre lettre le vocable "inadmissible" au sujet d'une phrase de ma part qui, semble-t-il, vous aurait froissé, ne pensez-vous pas que ce mot devrait plutôt s'adresser au comportement de l'entreprise que vous dirigez ?
Mais le plus grave n'est pas là. Sur le plan culturel, il faut rappeler les dégâts considérables que votre chaîne a provoqués sur la vision que les Français ont d'eux-mêmes et de notre société contemporaine. Je m'autoriserai à dire, comme il est légitime qu'un représentant de la Nation puisse le faire, que vous avez participé avec méthode et constance à l'appauvrissement de l'imaginaire collectif des Français.
Dans la semaine du 29 septembre au 5 octobre 2010, vous avez choisi de consacrer 4l heures 30 à des émissions liées à l'argent, soit des émissions de vente (télé shopping) ou à des jeux dont l'appât du gain est le moteur ("Une famille en or", "Les douze coups de minuit", "Koh Lanta'\ "Secret Slory"). Les relations entre les hommes ne relèvent pas que de l'argent et une société ne pourra jamais se résumer à celui-ci. Pourtant, sur TF1, l'argent est malheureusement partout.
Les émissions où vous mettez en scène de façon artificielle la compétition acharnée et destructrice de la dignité, entre des êtres humains -jusqu'à leur faire manger des vers de terre-, occupent cette semaine plus de 23 heures d'antenne ("Master Chief, "Koh Lantd"), Pourtant, les relations entre les humains peuvent être coopératives et non pas forcément conflictuelles, comme vous en conviendrez.
Enfin, je suis surpris par la contribution malheureusement décisive que TFI a apportée à l'élévation du niveau de violence dans les oeuvres de fiction diffusées. Le nombre meurtres, de viols, et de violences physiques a acquis en 15 ans une importance démesurée dans les programmes de votre chaîne.
En somme, les valeurs dominantes que vous diffusez et transmettez dans la société française ne seraient-elles pas celles de l'argent et de la cupidité, de la compétition acharnée et du conflit, de la violence et du règlement de comptes ?
En 1987, la société Bouygues avait obtenu le droit de racheter TFI en faisant valoir un prétendu "mieux disant culturel. Votre illustre prédécesseur, Monsieur Patrick Le Lay, déclara presque 20 ans plus tard, "ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible". Je me souviens que quelques jours après cette déclaration en forme d'aveu, la Société des Compositeurs et Auteurs déclarait : "Les propos tenus par le président de TFI témoignent du niveau de dégradation que peut atteindre la télévision, le signe du cynisme, du mépris et de l'arrogance".
Je brise là une énumération éprouvante, pour tous ceux qui ont une meilleure idée de ce que mérite la France. Mais vous conviendrez qu'il n'est pas illégitime de penser que votre chaîne porte une responsabilité considérable dans la dégradation à la fois du niveau du débat démocratique français, mais également de la représentation que les Français peuvent avoir d'eux-mêmes.
Puisque vous vous hasardiez dans votre lettre à évoquer la question des excuses, je me permets de vous dire avec une sincérité dont je ne voudrais pas abuser, que s'il est des excuses à présenter, je crois que c'est plutôt TFI qui devrait les présenter à la France.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président Directeur Général, en l'assurance de ma considération distinguée.
Arnaud MONTEBOURG
député de saône et loire
président du conseil général de saône-et-loire
Sources : Le Monde & ArnaudMontebourg.fr
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Le stalinien Montebourg se croit tout permis. Il tonne, il tranche il critique plus bas que terre. Mais qui est-il pour agir ainsi? Qu'a-t-il fait de ses dix doigts pour montrer ses connaissances? Rien. C'est un psychorigide, une sorte de fasciste de gauche, qui enverrait bien ses opposants dans des camps de rééducation. C'est un communiste qui ne veut pas le dire, c'est TARTUFFE au PS.
Rédigé par : florence | 03 octobre 2010 à 22:21
Une lettre à charge, ironique, précise, incisive, qui rappelle l'histoire et le droit. Elle remet les pendules à l'heure et met un holà au cinéma de la fausse vertu offensée...dans laquelle se drape le Nonce politique de TF1 ! Vivement qu'un de nos honorables écrivent une telle clarification au Président de l'ORTB, devenue depuis 2006 l'Office de Radio Télé Boni...
Rédigé par : B.A | 02 octobre 2010 à 23:33