Le Nigeria est notre voisin pour le meilleur et pour le pire : il est pour nous source de bienfait, mais aussi source de nuisance en tous genres. Quant on a parlé de la coprospérité à l’ombre de notre grand voisin, on n’y a vu que du bien : le pétrole, le commerce, l’économie, le business, bref la douce fraternité des pays du golfe du Bénin. Mais cette médaille idyllique et un tantinet euphorique possède un revers : le côté maléfique du voisinage. Il y a aussi la sécurité des personnes et des biens, – sécurité nationale et sous-régionale – dont personne ne parle, parce qu’elle ne semble pas incluse dans le joli paquet de la prospérité chers aux politiques férus de démagogie.
Dantokpa I et Dantokpa II signent de façon sanglante le côté obscur de cette coprospérité que personne ne veut regarder de face. En attendant que la prospérité annoncée ne soit une réalité pour le plus grand nombre, nous sommes forcés par l’actualité de ces événements dramatiques de prendre conscience que les avantages du Nigeria pour nous se soldent aussi par de lourds inconvénients sociaux, économiques et moraux : immigration sauvage, prostitution, accidents, trafics, vols, recels d’armes, arnaque sur Internet, et assauts violents contre les banques et marchés. L’une des causes de ces méfaits est la manipulation par leurs auteurs de la différence des cultures administratives entre les deux états et le déficit de communication aggravé par l’ignorance réciproque des langues officielles. Au-delà de cette situation qui favorise le mal, dans le cas d’espèce, la violence inouïe des attaques des gangsters montre leur détermination et leur degré d’organisation ; elle montre leur capacité à opérer en position de force, leur caractère militaire, et la connaissance parfaite du terrain et de nos capacités de réaction.
De fait, dans toute l’histoire de notre pays, nous ne connaissons rien qui puisse être comparé à ce genre d'agression hormis l'agression du 16 janvier 1977.
Ce tableau guerrier n’est pourtant pas le pire de ce qui nous attend du côté de notre grand voisin ; il n’en est que l’avant-goût, la préfiguration. Certes, ce n’est pas le Nigeria qui nous attaque, mais l’Etat béninois doit prendre au sérieux la menace qui vient de ce côté-là. A l’heure actuelle, le Bénin n’a pas de menace sécuritaire plus sérieuse que celle-là. De fait, dans toute l’histoire de notre pays, nous ne connaissons rien qui puisse être comparé à ce genre d’agression hormis l’agression du 16 janvier 1977, qui avait une nature directement politique et militaire. Les groupes d’assaillants, quasi assurés de leur invulnérabilité, à l’organisation militaire parfaite, viendront de plus en plus narguer notre système de sécurité, notre Armée et notre Police, piller nos banques, et semer sans état d’âme la mort sur leur passage. Dès lors nous devons nous considérer comme en état de guerre contre eux. L’Armée, la Police, les Services secrets, les Services de sécurité doivent développer une intelligence sécuritaire plus appropriée et qui soit à la hauteur de cette réalité ; ils doivent mettre en place des stratégies de prévention, de réaction et d’appréhension de cette nouvelle race de malfaiteurs. Cela suppose une philosophie de la sécurité, des moyens, une politique. La meilleure façon de décourager ces attaques coûteuses en vie humaine, de lutter contre ce type d’agression est de montrer l’efficacité de notre pouvoir de réaction, notre capacité à déjouer les actions de ces forces du mal avant, pendant et après leurs actions.
Ce drame met en lumière le sentiment que, sous nos tropiques, l’Etat n’intéresse ceux qui en ont la direction que lorsqu’il s’agit d'en être le chef, le chef-adjoint, et toutes les autres déclinaisons de la jouissance personnelle du pouvoir.
Il va de soi que si Dantokpa I ne s’était pas borné à de pieuses rodomontades politico-militaires, et que, après que nous l’ayons subi, notre police, nos enquêteurs et notre Gouvernement s’étaient donné la peine et les moyens de faire de l’arrestation effective de leurs auteurs une préoccupation forte, il n’y aurait pas de Dantokpa II aujourd’hui ; et des vies humaines auraient été épargnées. Or, à défaut d’avoir pu mettre la main sur les auteurs du premier assaut, nous aurions pu – et c’était le moins qu’on était en droit d’attendre des pouvoirs publics – être sur le pied de guerre pour déjouer tout autre assaut et y apporter une réponse foudroyante et exemplaire. Au lieu de quoi, ces bandits féroces ont pu réaliser le gros de leur programme et leur organisation a globalement eu raison de nos forces de sécurité ! Quelle avanie pour un état de se voir défier de si ridicule façon ! Ce drame met en lumière le sentiment que, sous nos tropiques, l’Etat n’intéresse ceux qui en ont la direction que lorsqu’il s’agit d’en être le chef, le chef-adjoint, et toutes les autres déclinaisons politico-administratives de la jouissance personnelle du pouvoir. Hormis cet aspect mesquin, nous abdiquons tout le reste : exigences éthiques, rationnelles et légales. Et, entre appel à la charité des autres et gestion patrimoniale des biens de l’état, seule chose au fond qui nous intéresse dans l’Etat actuel des choses, nos laborieuses populations sont abandonnées à l’état de nature.
Notre état, nos pouvoirs doivent faire de cette nouvelle menace une préoccupation nationale de premier plan. Cela suppose une autre éthique de l’Etat et de la responsabilité de ses tenants.
Qu’on se le dise et on ne le répétera jamais assez : le Nigeria notre grand voisin n’a pas que du bon ; il est sans doute source de richesse mais il est aussi source de malheur et de méfaits. Les nuisances de toutes sortes provenant de son côté ne sont certes pas une nouveauté. Mais le style et la violence des assauts guerriers que nous subissons depuis quelque temps – et pas seulement au marché Dantokpa, n’oublions pas les attaques devant la Présidence, etc. – montrent bien que ces nuisances changent de nature. Notre état, nos pouvoirs publics doivent prendre acte de ce changement. Ils doivent faire de cette nouvelle menace une préoccupation nationale de premier plan. Cela suppose une autre éthique de l’Etat et de la responsabilité de ses tenants. Mais aussi des moyens, une autre politique de sécurité qui, à mille lieues des rodomontades et des proclamations démagogiques sans lendemain, intègre des exigences à la fois nationales et sous-régionales.
Tel est le défi d’une coprospérité réelle, conçue comme espace de prospérité partagée mais aussi de coresponsabilité.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2008, © Bienvenu sur Babilown
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