Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur...
Choses Honorables
Il paraît qu’au Bénin le marché des députés et élus du peuple bat son plein ; il n’a jamais été aussi florissant que sous le régime dit du changement dirigé par Monsieur Yayi Boni, un homme féru d’économie. Selon l’indice des prix pratiqués, la marchandise politique nommé député se vend autour des 15 millions de F CFA, avec en prime des avantages sous forme de nomination, de passe-droit et même de portefeuille de Ministre.
En prenant l’exemple des partis du premier cercle du régime de changement, on peut estimer à un tiers le nombre de députés tangibles dont ils peuvent se réclamer. Ce qui porte à 28 (83/3) le nombre des députés du premier cercle du pouvoir. Or pour gouverner sans à-coup, il faut avoir la majorité des députés, soit 42. Pour atteindre ce chiffre fatidique, voire le dépasser afin de disposer d’un matelas de sécurité politique, il restait à Yayi Boni et ses hommes d’aller à la recherche des députés manquants dont le nombre tourne autour d’une vingtaine. Pour ce faire, la première possibilité logique qui s’est offerte est classique : signer des accords d’alliance. Ces accords sont souvent à géométrie variable et leur force est fonction de la distance qui sépare les contractants du centre du pouvoir et de la plus ou moins grande volonté de ceux-ci de garder une certaine indépendance. Telle est donc la loi de gravité politique qui régit les forces concourant à ce qu’on appelle la Mouvance. Mais ce mouvement n’est pas toujours régulier, et contrairement à celui des planètes, il peut soudain se gripper, voir être aux prises à un blocage. Celui-ci se manifeste souvent à travers des velléités de libération des forces concourantes de l’emprise du centre. Alors, des prises de langues ou les négociations plus ou moins secrètes servent à remettre la Mouvance en marche. En principe, ces négociations et des promesses de respect des engagements permettent de repartir d’un bon pied. Mais ce n’est hélas pas toujours le cas et alors il s’agit d’une crise. C’est justement le cas dans lequel s’est retrouvé le Président Yayi Boni qui, à force de s’illustrer dans l’art subtil de ne pas respecter ses engagements, a fini par perdre toute crédibilité auprès de ses mouvanciers amis. Se trouvant seul au milieu du gué, n’ayant pas le nombre requis de députés pour avoir une majorité claire, il est obligé de recourir à une seconde solution : l’achat de députés ou d’élus. Il introduit le marché en démocratie, débauche à tour de bras des élus et des députés. Ceux-ci, assumant sans vergogne ni scrupule leur vocation marchande, se prêtent au jeu et inventent toutes sortes de prétextes pour faire faux bond à leur famille d’origine. Plus que des prétextes, ils inventent clé en main le discours de leur propre cession-vente, et ne sont pas avares d’imagination. On se positionne suivant des créneaux ethniques et régionalistes, on ressuscite des leaders du passé qu’on affuble de toutes les lumières alors que de 1960 à 1972 ces leaders ont brillé surtout par leur incompétence notoire, leur irresponsabilité, leur infantilisme, leur discours creux, et leur fanatisme tribal. Alchimie politique surréaliste, rien que de la pub en somme ; il est vrai que le grand rêve de Yayi Boni est de parvenir à créer son époque, à changer les choses par le seul effet de la manipulation, une véritable gageure !
Mais en dehors de l’atmosphère de confusion créée par ces élucubrations et entreprises loufoques qui fusent de toute part, loin de la magie propagandiste et de ses effets soporifiques, revenons à l’arithmétique du marché de la démocratie, façon Yayi. Et comptons un peu ce que le marché de la Démocratie coûtera au contribuable à travers ces achats de conscience et d’élus devenus la seule stratégie du pouvoir actuel. Le calcul est simple. Rien que pour avoir la majorité au parlement, il faudrait 20 x 15 Millions ; ce qui donne 300 millions de francs ! Et il en faudrait sans doute autant pour faire basculer de-ci de-là des communes virtuellement perdues dans le giron du pouvoir. Au fait pourquoi le pouvoir s’échine-il à mettre ces communes sous son pavillon en dépit du bon sens et au mépris de la volonté de leurs citoyens ? Mystère et boule de gomme. Sans doute pour créer les conditions psychologiques mais aussi pratiques d’un consensus électoral frauduleux en 2011. Car comme partout en Afrique, au Bénin c’est la fraude qui fait la différence aux élections. Et, dans une théâtocratie à vocation marchande comme la nôtre, le succès doit être crédibilisé par l’exhibition des conditions apparentes de sa possibilité. On ne peut pas avoir la majorité des communes et la majorité des députés, ces choses honorables, dans son camp et perdre les élections présidentielles : même si on les a achetés au Marché de la Démocratie.
Eloi Goutchili
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