De la Mort, et la Vieillesse, des Princes
Par George Weigel
La mort du Cardinal Bernardin Gantin le 13 mai dernier marque la disparition d’une des figures de noblesse du catholicisme.
Né en 1922 dans ce qui était alors la Colonie française du Dahomey, 40 ans à peine après l’arrivée des missionnaires dans cette terre ouest-africaine, Bernardin Gantin était ordonné prêtre en 1951, consacré Evêque auxiliaire de Cotonou en 1956 et nommé Archevêque de Cotonou en 1960. Après avoir participé à toutes les quatre sessions du Second Concile de Vatican, Gantin était amené à Rome par le Pape Paul VI pour travailler à la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples (Connue des ecclésiastes romains sous le nom de " Propaganda Fidei " ou " Prop" plus simplement.) Il devint alors le Président du Conseil pontifical pour la Justice et la Paix et fut fait Cardinal en juin 1977.
Durant le conclave de 1978, certains imaginèrent Gantin en le premier pape noir africain ; lui-même n’avait jamais pensé la chose en ces termes, et joua un rôle non-négligeable dans l’élection de Karol Wojtyla comme Jean Paul II. Certains Grands Electeurs de 1978 virent en Wojtyla un pont vers le monde communiste, une sorte de « Pape politique. » Le Cardinal Gantin et ses compagnons africains étaient d’un autre avis : ils admiraient la lucidité de la foi de Wojtyla, la clarté de sa défense de la doctrine Catholique, et son humilité. Les Cardinaux africains – tous nouveaux chrétiens – avaient le saint qu’ils attendaient ; quant à nous autres, nous eûmes un genre bien différend de « Pape politique » qui remodela dramatiquement l’histoire de notre temps en se faisant à la fois son pasteur et son témoin moral.
Jean Paul, quant à lui, fit énormément confiance en Bernardin Gantin, en le faisant Préfet de la cruciale Congrégation des Evêques et, en 1933, Doyen du Collège des Cardinaux. C’est dans ces derniers rôles que j’ai fait pour la première fois connaissance avec Gantin, et j’étais profondément impressionné par sa foi, son sens de l’humour, et la transparence de son intégrité. Voici, se dit-on, un vrai prince, et ce bien avant qu’il en eût le titre ; prince parce que Chrétien, un homme qui n’a pas peur du futur parce que le futur était assuré par le Christ. On pouvait ressentir aussi un lien spirituel entre le Pape polonais, héritier d’un millénaire d’histoire chrétienne, et cet enfant de la première évangélisation moderne de l’Afrique. Le fils d’un soldat à la retraite, et le fils d’un cheminot, tous deux issus de ce que certains considèrent comme la périphérie de la foi, arrivèrent au centre de l’Eglise et trouvèrent en chacun d’eux une dévotion dans le christ qui transcende la race, la culture, et la langue.
Le Cardinal Gantin était aussi, d’une façon oblique, l’un de ceux qui ont contribué à élire le Cardinal Ratzinger comme Benoît XVI. En allant sur ses 80 ans, Gantin perdit son droit de vote au conclave. Ni le droit canon, ni la constitution apostolique régissant les élections papales n’exige qu’un cardinal à 80 ans doit renoncer à son poste de doyen du Collège des Cardinaux. Mais le Cardinal Bernardin Gantin, un homme de grande humilité aussi bien que d’intégrité, estima que ses frères Cardinaux, et toute l’Eglise bénéficieraient de son effacement au profit du vice-doyen, Cardinal Ratzinger. Aussi, le Cardinal Gantin démissionna-t-il de son poste de Doyen, et retourna au Bénin pour s’engager dans le travail pastoral.
L’humilité du renoncement volontaire exercée par le Cardinal Gantin permit au Cardinal Ratzinger, comme doyen, de présider la congrégation générale des Cardinaux qui suivit la mort du Pape Jean-Paul II, et d’être le concélébrant et l’homéliste de la messe des funérailles de Jean-Paul II. Nul doute que la performance de Ratzinger dans ces rôles doit beaucoup à la prompte résolution du conclave de 2005 en sa faveur. Ainsi, Gantin, un homme qui ne manque pas du sens de soi, mais dont le sens de soi n’est pas gouverné par l’ego, rendit-il un dernier grand service à l’Eglise universelle.
Puisse son exemple inspirer d’autres princes de l’Eglise qui, dans l’avenir, se trouveront dans les mêmes situations ?
Traduit par Binason Avèkes,
est un Éminent Disciple du Centre pour la Politique et l’Ethique de Washington D.C.
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