1. Emile Derlin Zinsou, un homme à la biographie lestée de zones d’ombre
Le 17 juillet 1968, Emile Derlin Zinsou a été propulsé Président de la République par l’Armée. A l’époque, l’incurie des hommes politiques civils avait peu à peu conduit l’Armée à s’investir de la « noble mission » de consolidation politique du pays. Jusque-là se déroulait un éternel pingpong politique qui voyait le pouvoir passer des mains des militaires à celles des civils et vice versa.
C’est alors que les jeunes cadres de l'Armée substituèrent d’autorité au Président élu un nouvel homme ; celui-ci, bien que hantant les allées du pouvoir depuis des années, n’avait pas cru devoir affronter les urnes. Et pour que la substitution fût parfaite et auréolée de la même aura de distinction, il fallait remplacer un Docteur, fonctionnaire international à l’image prestigieuse par un homme présenté comme « Docteur » jouissant d’un statut international respectable et capable de guérir la nation des maux économiques et sociaux dont elle souffrait. ( schème encore d’actualité aujourd’hui) Or rétrospectivement, une telle coïncidence est trop opportune, et trop belle pour cadrer avec l’exacte vérité. Et il semble qu’elle participe d’une manipulation sur fond de fiction biographique. En effet, les sources les plus autorisées – curieusement peu nombreuses pour un homme aussi historiquement important, – restent floues sur le sujet. Les plus sérieuses se bornent aujourd’hui à mentionner son passé d’ancien étudiant en médecine. Les magiciens infatigables de la politique qu’étaient devenus en l’espace d’une demi-douzaine d’années nos militaires, pour parfaire leur tour de passe-passe tenaient-il absolument à sortir un autre Docteur de leur chapeau ? Quoi qu’il en soit, la réalité du titre de Docteur revendiqué alors par Monsieur Emile Derlin Zinsou reste sujette à caution ; dans les circonstances exactes de sa mise en circulation publique qui coïncident avec ses premières nominations aux hautes fonctions institutionnelles du Dahomey, l'effectivité d'un tel titre, le lien réel entre le signifié et le signifiant, reste à prouver.
2. Emile Derlin Zinsou : Politicien chevronné
Annoncé au cours d'une réunion d'information regroupant officiers et sous-officiers, le choix du "Dr" Zinsou avait été accueilli sans enthousiasme pour la raison simple qu'il aurait pu affronter les urnes comme les autres candidats aux élections présidentielles. Dès l'annonce de ce choix, diverses réactions défavorables avaient été enregistrées. Des tracts, distribués partout, avaient dénoncé la manigance. Invité par les autorités militaires pour s'entendre notifier leur choix, le "Docteur" Zinsou, un politicien chevronné, n'avait pas manqué de demander à ses hôtes certaines clarifications du genre : « Si vous voulez avoir à la tête de notre Etat une marionnette qui sera manipulée au gré du vent, dit-il, si c'est cela, je ne suis pas votre homme. Mais si vous voulez un homme capable de restaurer l'autorité de l'Etat et de sortir le pays du marasme économique, alors, vous ne vous êtes pas trompés de choix, je suis donc votre homme ».(1)
3. La légitimation du régime du "Docteur" Zinsou
Habile politicien, le "Docteur" Emile Derlin Zinsou aussitôt installé dans les fonctions de Président de la République, décide de légitimer son pouvoir par voie de référendum. C'est ainsi que le 28 juillet 1968, le peuple dahoméen avait été invité à se prononcer sur le choix du premier Magistrat du Pays. Le "Docteur" Emile Derlin ZINSOU fut plébiscité à une très forte majorité : 607.062 voix soit 73,60% de «oui», contre 217.762 voix soit 26,40% de «non» et un taux d'abstention de 27,58%.
Emile Derlin ZINSOU, nouveau Président de la République, rend publique la liste de son gouvernement civil. Des nominations au sein des Forces armées ont été prononcées le 4 septembre 1968 par le Conseil des Ministres, sur propositions du Président de la République. Le chef de Bataillon Sinzogan Coffi Benoît est nommé Directeur de la Gendarmerie Nationale. Le chef de Bataillon Iropa Maurice Kouandété devient chef d'Etat-Major des Armées. Comme on le sait, c'est le même Maurice Kouandété qui, quelques mois plus tard, mettra fin de façon rocambolesque à la présidence de Zinsou. C'est dire que dès le début, le loup était dans la bergerie, introduit par le berger lui-même...
Professeur Cossi Bio Ossè
[1] Rôle et Implications des Forces Armées béninoises dans la vie politique nationale, Lieutenant-colonel Philippe Akpo, édition du Flamboyant, 2005
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