Reporter sans Frontière a publié son classement mondial de la liberté de la presse 2007. Et cela suscite déjà moult commentaires. Certains pays où l’atteinte à la liberté de la Presse n’est pas flagrante semblent cloués au pilori de préjugés qui ont la vie dure. Par exemple le Venezuela. Ce pays n’a pas vraiment cassé du journaliste ces derniers temps, enfin pas de façon forcenée depuis que son Président, lui aussi grand manieur de médias est au pouvoir. L'amitié fidèle de Hugo Chavez pour Cuba et son Président explique-t-elle ce préjugé ? Bien d’autres incongruités affleurent de-ci de-là dans le classement, selon les points de vue considérés. Mais ce n’est pas le lieu de regimber, ni de casser le thermomètre : l’essentiel est de savoir interpréter son verdict ; et lire entre les lignes.
Bien que la plupart des cas graves de violation de la liberté de la presse ne se concentrent pas sur notre continent, force est de constater que l’Afrique tient le pompon avec l’Erythrée qui se place dans les abymes du classement. En 169ème position, ce jeune Etat de l’Afrique de l’Est, qui a remué ciel et terre pour s'arracher au flanc oppressif de l'Ethiopie, découvre les joies de la répression et fait pire que la Corée du Nord, le Turkménistan, l’Iran, Cuba, etc.… et autres ténors bien connus dans le harcèlement, les menaces et le mauvais traitement infligés aux journalistes et hommes de média.
L’autre incongruité c’est que le Bénin qui en 2006 avec sa 23ème place faisait la fierté de tous et apparaissait comme un pays africain moralement émergent fait une inquiétante plongée. Comme si elle avait décidé de substituer l’Erythrée à L’Islande comme modèle, le Bénin perd 30 points et se retrouve en 53ème place derrière le Mali. Lequel Mali régresse aussi de la 35ème à la 52ème place. Le Togo notre voisin est mieux loti que nous puisqu'il passe de la 66ème place à la 49ème . Le Nigeria, quant à lui, régresse de la 120ème place à la 131ème. Le Ghana est le seul pays de la sous-région dont le palmarès est encourageant puisqu'il passe de la 34ème place à la 29ème !
Que retenir de cette régression du Bénin sinon qu’elle jure avec l’esprit de démocratie qui y a encore triomphé lors des dernières élections présidentielles de 2006. Paradoxalement, c’est au tournant de ces élections que les choses au lieu d’aller dans le bon sens, se sont dégradées. Pour la première fois depuis plusieurs années, des journalistes ont été emprisonnés dans notre pays après avoir été reconnus coupables de "diffamation" ou "d’offense au chef de l’Etat". Un Chef de l’Etat d’autant plus soucieux de son image qu’il est très porté sur le bain médiatique. Cette conception nombrilique de la liberté de presse qui n’accorde de la place qu’à l’encensoir est la cause de la trop grande nervosité vis à vis de l’indépendance des journalistes jusque et y compris dans les réactions sourcilleuses à leurs écarts déontologiques.
La Réflexion qu’on peut tirer de cette régression c’est que sur le plan de la liberté de la Presse le Bénin n’émerge pas. Or l’émergence du Bénin dont le Chef de l’Etat se fait le Chantre, si elle n’est pas de la poudre aux yeux, doit être totale ou ne sera pas. Elle doit toucher tous les compartiments de la vie sociale.
En l’occurrence dans le domaine des média, si l’attention est portée sur la violation de la liberté de la presse, qui est la partie visible de l’iceberg des médias, elle doit être aussi portée sur les logiques rampantes de monopolisation de l’information. Une presse véritablement libre est une presse indépendante, où le grand nombre de titres ne sert pas de faire-valoir ou de caution à un monopole de fait du pouvoir. De ce point de vue, espérons que le Bénin qui sait innover en matière de démocratie saura faire sienne cette double exigence sans laquelle aucune émergence n’est possible.
Binason Avèkes
Copyright, Blaise APLOGAN, 2007, © Bienvenu sur Babilown
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