« En effet, comme on peut le constater dans les développements précédents, Michel Aïkpé comptait parmi les principaux acteurs du mouvement du 26 octobre, ce qui avait engendré tout de suite une interprétation politique de son décès prématuré, par balles. La version officielle avait fait état d'un incident qui avait fini par des tirs d'armes alors que Michel Aïkpé venait d'être surpris en situation pas tout à fait convenue avec l'épouse du chef de l'Etat.
» Sans avoir été mêlé, de quelque manière que ce soit à cette affaire, je voudrais me permettre d'exposer ici mon appréciation des faits.
» (…)Les croyants de toutes confessions me permettront d'évoquer ici, certains aspects de cet événement douloureux qui reposent sur notre superstructure ou, si l'on veut, notre environnement social caractérisé, entre autres, par la sorcellerie.
»En effet, les événements des 21,22 et 23 janvier 1975, au camp de Ouidah n'avaient pu se produire qu'à la faveur de l'absence du commandant de la compagnie des commandos-parachutistes, le capitaine Michel Aïkpé, parti dans le Borgou en tant que Commissaire Politique Titulaire. Il avait rejoint à Parakou, le Préfet Ignace Adjo Boco, Commissaire Politique suppléant, dans le cadre de la lutte anti-féodale. L'objectif était de se rapprocher du Roi Issa Kpé Gounou de Nikki, un ancien gendarme, pour le sensibiliser à la nécessité de revoir certaines pratiques ancestrales, contraires à l'affirmation de la dignité et de la personnalité de l'Homme, comme l'aplatissement et la reptation, pour marquer l'obéissance et la soumission au Roi. Les discussions auraient tourné en un dialogue de sourd.
»Face à l'intransigeance du souverain, le capitaine Aïkpé aurait exprimé son étonnement d'autant que l'intéressé était un ancien gendarme avec qui le pouvoir révolutionnaire souhaitait une cohabitation pacifique afin de donner l'exemple pour accélérer l'épanouissement social. Au comble de l'énervement face à l'imperméabilité du Roi à tout progrès, le capitaine Aikpé aurait étendu le bras pour se saisir du bonnet servant de couvre-chef au Roi et l'aurait jeté rageusement par terre en demandant ce que pouvait faire le souverain sans la volonté des instances de la
Révolution. Ceux de la suite royale prièrent le souverain de ne rien dire. L'un d'eux se serait baissé pour se saisir du bonnet qu'il aurait épousseté soigneusement avant de le replacer avec déférence sur la tête du roi. Ce dernier, de manière sentencieuse aurait dit au capitaine téméraire : « Va dire à ton chef qui t'a envoyé, que tu as bien accompli la mission qu'il t'a commandée ». Puis, à l'adresse du Préfet Adjo Boco : « Toi, tu ne m'as rien fait bien sûr, mais c'est toi qui l'as conduit ici. Alors va avec lui ». La suite, nous la connaissons, même si ce qui est ici rapporté semble relever de l'empirisme.
»Le capitaine Aïkpé Michel devait décéder de mort violente, cinq mois après l'incident de Nikki (…). Adjo Boco Ignace, qui se portait jusque là comme un charme devait, lui, peu après l'incident, commencer une longue période d'insuffisance rénale pour décéder finalement à Cuba, après de coûteux et multiples soins à Paris et à la Havane. »
¹Source : Lieutenant-colonel Philippe Akpo ; Rôle et implication des Forces Armées Béninoise dans la vie politique nationale ; Editions du Flamboyant, 2005, Pages 154-156
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