L'héritage de Fela
Les grandes figures de la contestation politique au Nigeria sont légion. Nous connaissons des yoruba comme Wole Soyinka, dramaturge, écrivain Prix Nobel de littérature ; et surtout feu Fela Anikulapo Kuti, le maître de l’Afrobeat qui se faisait passer pour Président de Kalakuta Republic, une formation parodique, vouée à la contestation et à la musique. Kalakuta Republic avait aussi un parfum de harem, où le monarque Fela,
au torse souvent nu trônait sur un chœur de femmes-épouses frémissantes de volupté et de jeunesse. Le discours de Fela était frontal, sagittal, et sans concession ; la provocation en était l’âme et l’arme. Et il y avait de quoi. En ces années de dictature militaire, de corruption généralisée qui ont suivi la guerre, il fallait être courageux pour défier le pouvoir. Et Fela a payé de sa personne. Au-delà de la liberté d’expression qu’un formalisme bourgeois entretenait, la voix du chanteur et la langue pidgin étaient un véhicule idéal, dans une population composée massivement d’analphabètes, et où l’oralité l’emportait sur l’écrit. Maintenant, à l’ère de la démocratie balbutiante et plus ou moins arrangée, Fela Anikulapo Kuti a fait des émules. L’un de ceux-ci a nom Osayomore Joseph, chanteur edo, dont la réputation n’est plus à faire. L’état d’Edo, dont Benin City est la ville phare, est coincé au sud entre les états yoruba et les états du delta du Niger, d’où provient le pétrole. On y parle plusieurs langues comme le bini, l’esan, l’afemai, l’ora, l’ijo etc. Selon une thèse non confirmée, les Houeda du Bénin et les Edo relèveraient d’une parenté commune. Quoi qu’il en soit, cette parenté se retrouve dans le nom de la capitale, Benin-city, qui n’est pas sans rappeler le nom de notre pays. D’où la curiosité légitime que suscitent les Edo.
Osayomore Joseph suscite lui aussi la même curiosité ; de par son talent, son énergie, son engagement, il rappelle sans hésiter son aîné, Fela. Son style, son jeu musical, puise ses racines dans la terre edo ; mais la culture et la langue edo sont fortement influencées par la culture yoruba depuis des siècles. En écoutant Osayomore Joseph, on sent son originalité edo avec ses impulsions orientales mais l’héritage de Fela et de la culture yoruba saute aux yeux. Cette sensation peut s’appréhender dans l’évolution de l’artiste depuis son stade de musicien du terroir jusqu’à son apogée de chanteur national mondialement connu, ainsi que dans son jeu rythmique et ses instruments. La thématique de la contestation, la posture de polémiste public, la rhétorique guerrière ou politique, la satyre, l’ironie, la mise en scène et la parodie, tout cela campe le décor d’une kalakuta Republic version démocratique. D’où le thème de la marche, du combat, et surtout le nom de son brûlot-phare : Osayomore Joseph Liberation Army
Une armée comme on en voudrait dans toutes les sociétés africaines, une armée qui vous libère de l’inertie et donne espoir à la résistance par ces temps de démocratie d’opérette… Le chanteur qui se fait appeler Ambassadeur Osayomore Joseph n'a pas sa langue dans sa poche, rien de diplomatique; ambassdeur doit être compris ici au sens de représentant, évidemment du Peuple… Noble mission, écoutez plutôt
Amokodhion Biareme
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