Sociologie sommaire des récentes nominations
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I. Indicateurs et catégories
H = homme ; F = femme ; CT = conseiller technique ; DC = directeur de cabinet ; DD = directeur départementale ; DG = directeur général ; D = directeur : SG = secrétaire général ; CTP = Compétence techno-politique : elle oscille entre deux pôles : le technique pour le CT et le politique pour le DC ; elle est territoriale pour le DD, hiérarchique pour le DG ; pratique pour le SG et professionnelle pour le D ; LGP = Latitude géopolitique présumée : fameuse opposition grossière Nord/sud qui structure les choix politiques ; ORP = Origine religieuse présumée : les prénoms chrétiens réfèrent grossièrement l’origine chrétienne, sans préjudice d’une pratique réelle ou effective ; OCP = Origine chrétienne présumée
II. Résultats
123 nominations :
96 H et 27 F
82 OCP ; LGP sud 88 ; LGP nord 35 ;24 CT ; 11 DG ; 8 DC ; 7 SG ; 17 DD ; 56 D
III. Analyse
1. Aspects sociaux et géopolitiques .
· 22 % des nominations concernent des femmes.
Parmi elles :
* 21 sont de LGP orientée sud, soit 78% des nominations parmi les femmes et 24% des nominations à l’échelle régionale sud.
* 6 sont de LGP orientée nord, soit 22% des femmes à l’échelle nationale et 17% des nominations à l’échelle régionale nord. Comparée à la distribution nord/sud, les hommes de LGP orientée nord semblent rafler proportionnellement plus de postes que les femmes de même orientation.
18 femmes portent des prénoms qui indiquent une ORP chrétienne, ce qui à l’échelle nationale représente 67% des femmes nommées. Parmi elles, aucune ne possède une LGP orientée nord, alors que l’OCP est représentée parmi les hommes de LGP orientée nord.
78 % des nominations concernent les hommes
Parmi eux :
* 29 sont de LGP orientée nord, soit 30 % des nominations parmi les hommes et 83% des nominations à l’échelle régionale nord
* 67 sont de LGP orientée sud soit 70% des nominations parmi les hommes et 76% des nominations à l’échelle régionale sud.
2. Aspects techniques et politiques
11 DG ; 8 DC ; 7 SG ; 17 DD
La compétence techno-politique varie entre deux pôles extrêmes que sont le pôle technique à valeur politique directe négligeable, et le pôle politique affirmé. De ce point de vue, les postes à valeur technique sont dans l’ordre, ceux de conseiller technique – CT–, du directeur – D –, du directeur départemental – DD– du directeur général – DG –, du secrétaire général – SG – du directeur de cabinet – DC – Tandis que les postes à valeur politique s’échelonnent dans l’ordre inverse, avec quelque chevauchement pour certains postes comme ceux de DD, ou de SG. D’une manière générale, la problématique du pouvoir ne saurait échapper à la sociologie des organisations (ici, territoriales, administratives et politiques) avec une importance non-négligeable à accorder à l’acteur et au système spécifique où il agit. Dès lors, les significations dégagées ici sont sommaires et correspondent surtout à une représentation spontanée du pouvoir.
Ces remarques étant faites, force est de constater que l’analyse en terme de compétence reste pertinente, bien que l’impact politique des nominations ne soit pas négligeable. En effet le pôle technique représenté par les CT et les D est majoritaire avec un total de 80 postes soit 65% des nominations ; tandis que le pôle politique ou présumé tel correspond à 43 postes soit 35% des nominations. Compte tenu de la relativité des qualifications et de leur caractère non-univoque, la domination du pôle technique si elle est réelle doit être prise avec l’ambiguïté inhérente à sa définition.
IV Tableau récapitulatif des nominations . (voir document joint)Download iv_tableau_rcapitulatif_des_nominations.doc
V. Conclusion.
La domination du pôle technique dans les nominations apparaît comme l’affirmation d’un choix politique clair conforme aux orientations du nouveau gouvernement. Elle est à la mesure de l’importance accordée par le gouvernement à l’efficacité de l’action concertée des acteurs de la décision politique et organisationnelle. De ce point de vue, la période de gestation qui était perçue par nombre d’observateurs comme le signe d’une hésitation du gouvernement à choisir les hommes et les femmes qu’il faut au poste qu’il faut dans l’organigramme des acteurs du changement a su rendre raison de sa longue durée. Mieux vaut tard et bien fait que précipité et mal ficelé. Le critère que chacun a en esprit par rapport à ce bien faire est celui de la compétence rationnelle et universelle des cadres. Même si c’est au pied du mur que les vrais maçons du changement seront reconnus comme tels, force est de constater que sous ce rapport, le gouvernement a pris un soin particulier à en assurer les fondations sérieuses.
L’autre aspect de cet art des nominations concerne son caractère géopolitique et politique. Exercice subtil dans lequel l’ancien chef du Gouvernement, le Général M. Kérékou était passé maître et qui lui assurait un équilibre politique à l’origine de la contemplation nationale dont il a été le pilier. De ce point de vue, à voir le dosage géopolitique et les pondérations techno-politiques des présentes nominations, à l’instar de la formation du gouvernement, le Président Yayi Boni fait preuve d’une continuité maîtrisée, qui mérite d’être soulignée.
En ce qui concerne le caractère politique proprement dit, la question qui reste en suspens est celle qui touche aux engagements pris par le gouvernement en matière de lutte contre la corruption et de responsabilisation des acteurs publics. Cette question n’est d’ailleurs pas seulement politique mais renvoie aussi à l'aspect pratique de la bonne gouvernance, qui est au cœur du discours sur le changement. La durée de latence des nominations semblait conditionnée aux divers audits commandités par le gouvernement et à la discrimination méthodique qu’aurait permis l’usage logique de leurs résultats. De ce point de vue, l’opacité entretenue par le gouvernement sur les résultats des audits semble substituer à la logique de la bonne gouvernance une logique cryptée dictée par la Realpolitik. Dans la mesure où, au mépris des proclamations morales sans cesse affirmées, la nasse politique des audits peut laisser passer des acteurs hautement corrompus que les nominations ont soit reconduits dans leurs fonctions ou soit affectés à de nouveaux postes de responsabilité, il va de soi que le gouvernement fait son choix en même temps que la dure réalité des limites de la volonté de changement.
Mais depuis le Renouveau démocratique, faut-il le rappeler, cette expérience n’a hélas plus rien d’original.
Par Aliou Kodjovi
© Copyright, Blaise APLOGAN, 2006
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