Marcousis le 20/07/06
Cher Edmond,
Toute la presse dans une euphorie de philistins hulule que c'est la première fois qu'un président de la Banque mondiale foule le sol du Bénin ; or dans les années 70, Robert McNamara était venu au Bénin, si mes souvenirs sont bons...
Si le fait peut être confirmé – et c’est la raison de mon présent courrier –, il montrerait le peu de cas qui est fait des références précises, et le caractère arbitraire du maniement de l'information surtout lorsqu'elle a trait au passé. Ce serait très grave, avouez !
Cela voudrait dire que nous n’avons pas un système de gestion de la mémoire ; que nous nous fichons de rien retenir des choses du passé, et que dans cette nuit arrangée, nous nous en donnons à cœur joie de hurler toutes sortes d'affirmations fantaisistes. C'est une façon de prendre distance avec la rationalité du fonctionnement de l'information, de la valeur des faits de connaissance. Or, entre autres choses, c'est ce genre de travers qui doit commencer par changer, si nous ne voulons pas qu'à l'instar de la Révolution de 1972, le Changement qu’on nous anone sur tous les tons, ne soit au mieux guère qu'un coup d'épée dans l'eau précédé d'une infantile euphorie...
Cordialement,
Binason Avekès, Marcousis le 20/07/06
Cher Binason,
Genève le 21/07/06
Ne suffit-il pas de démentir l'information quand elle est fausse? Ceci est tellement simple quand il s'agit d'une information "factuelle" et pas d'une interprétation. De mon point de vue, la visite au Bénin du Président du Groupe de la Banque mondiale n'est pas, en soi, aussi important que cela. En revanche, trouver les capitaux nécessaires pour construire une économie durable, c'est essentiel! Alors si cette visite peut y contribuer (si elle y contribue) alors très bien; sinon c'est dérisoire. Pour cette raison, j'ignore si Robert McNamara avait visité le Bénin; je sais qu'il était en 1974 à la conférence de la Banque Mondiale à Nairobi où il avait prononcé un discours considéré comme une amorce d'ouverture vers les ONGs. Dans tous les cas, l'effet de sa visite éventuelle au Bénin, si visite il y avait eu n'a peut-être pas persisté suffisamment longtemps pour que nous la gardions (cette visite) dans notre mémoire comme un fait marquant! Finalement, si nos mémoires devaient tout garder, elles seraient peu actives (mémoires mortes)! L'intelligence de nos mémoires consiste, par un procédé d'hygiène mentale, à faire de la place pour ce qui compte! (HUMOUR).
Cordialement,
Edmond, Genève le 21/07/06
Cher Edmond,
Marcousis le 21/07/06
Merci de votre contribution, mais l’information vient d’être confirmée par Benoît Atinkpahoun, grand journaliste qui a la suite dans la mémoire. Je respecte votre opinion, mais je ne crois pas qu'il suffise de démentir. La chose est plus importante qu’il n’y paraît. Et je la prends très au sérieux, même s'il faut en rire, et je vous rejoins là-dessus, car il y a tant de choses qui sont biaisées que seul un rire retentissant peut nous délivrer de l'angoisse des dérives insidieuses.
En fait ce genre d'affirmation, reprise en boucle dans les journaux, n'est pas anodin du tout ; ce n’est point la conséquence d'une intelligence préservatrice de mémoire, comme le rêve serait le gardien du sommeil chez Freud, mais l'indice d'une volonté d'imposer la croyance en une réalité rétive, de manière arbitraire. Il s’agit d’un consensus frauduleux créé et savamment entretenu.
Avouez, cher ami, qu’en la matière, les gens n’étaient pas tenus de pondre des superlatifs ou d’établir des records :
« quand on ne sait pas on ferme sa gueule ! »
Il faut sortir du mode infantile de l'enthousiasme enchanté et se mettre au travail si nous voulons que ça change ! En effet, l'idée, comme on peut le voir dans la manière dont la presse est mise au pas, c'est d'induire le mythe d'une spécificité enchantée et lénifiante du "nouvel ordre", des nouveaux maîtres, illustrer une nouveauté dont les effets probants ne sont pas vraiment spectaculaires, tresser des lauriers hâtifs en excipant de records imaginaires et fantaisistes.
Si vous laissez passer l'arbitraire dans le domaine des rapports avec la mémoire, si vous pactisez avec cela, si vous le sous-estimez alors, inutile de vouloir le chasser sur d'autres terrains. Il n'y pas de lieu privilégié pour combattre l'arbitraire, et ça je le dis pince sans rire !
Cordialement,
Binason Avèkes, Marcousis le 21/07/06
Copyright, Aliou Kodjovi, 2006
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