Et, comme les consciences habitent des corps affamés chez nous, avec l'argent mis à disposition par les milieux extérieurs néocoloniaux, les adoubeurs plus ou moins putatifs, les acteurs plus ou moins autoproclamés, en ce qu'ils sont ethniquement ou sociologiquement situés, entrent dans la danse de l’embobinage de l'opinion publique en procédant avec force manipulation à la naturalisation du choix exogène. Ce choix, bien qu'étant l'expression d'une volonté extérieure et d'intérêts néocoloniaux, est frauduleusement présenté comme le choix du peuple, le choix de la nation, le choix des régions, le choix d'une collectivité, le choix d’un terroir. Le consensus frauduleux parvient donc à présenter comme un choix national un individu amené et imposé par la main autoritaire, obscène et invisible de ceux dont la passion essentielle est de nous harasser d'aliénation politique et de domination économique. Pour accompagner ce déni d'expression de la volonté du peuple, pour maquiller le caractère exogène du choix de l'homme présenté comme celui de la situation, les médias et les acteurs sociaux sont mis à contribution avec un cynisme virulent à la mesure de leur famine, et un mépris criant de l'intelligence. Ce qui est noir est présenté comme blanc, une vessie est présentée sous les fausses lueurs d'une lanterne, le débat nécessaire à l'expression de la volonté populaire est escamoté ; les problématiques incontournables découlant de notre expérience politique et des nécessaires leçons à tirer du passé immédiat, tout cela est escamoté avec un cynisme dont la violence n'a d'égale que le caractère téléologique de tout le cirque politique qui tient lieu d'élections. Si toutefois un débat surgissait, il se donne à vivre comme une atmosphère en trompe-l’œil de l'irruption d'une thématique naturalisée dans le champ du discours politique et la conscience spontanée du peuple. Du coup, il est moins un débat qu’une ambiance euphorique inductrice dont les termes sont naturalisés. Tel est le cas de la thématique du changement amené en 2006 qui a pu abuser de la crédulité des Béninois en faisant rimer le changement avec le parachutage d'un inconnu dans le champ politique. La manipulation cousue de fil blanc a joué à fond sur la transitivité frauduleuse des équations : changement = homme nouveau = homme inconnu. Ainsi, au nom du changement, on a accepté la nouveauté, et au nom de la nouveauté on a accepté l'inconnu. Comme le dit le proverbe fon : «Ajanu gbè kanɖé bo yi gban » : le remède s’est révélé pire que le mal. Et le plus grave dans la logique autoritaire et aliénante de cooptation/imposition du candidat à la présidence au Bénin, tel que Yayi Boni en a été le paradigme aussi bien en 2006 qu'en 2011, c’est que tout sera fait pour renvoyer dans le mépris et la dénégation les leçons essentielles que le peuple était en droit de tirer de son expérience politique récente. La passion des joutes personnelles, la fabrication de toutes pièce de problématiques adventices, et l'euphorie de l'alternance vont faire le lit de l'amnésie collective et du refus délibéré d'assumer ses responsabilités. Au moment même où on récuse Yayi Boni parce qu'il est l'incarnation même de ce que le parachutage ou le syndrome de l'oiseau rare pouvait produire de pire, on abdiquera au devoir de logique, d'inventaire et de continuité rationnelle consistant à récuser ses acolytes fidèles. Un exemple affligeant de cette amnésie fonctionnelle délibérée est incarnée par la personne de M. Pascal Irénée Koupaki. Voilà un Monsieur dont la seule idée que le nom soit évoqué comme candidat possible à l'élection présidentielle est une insulte à l'éthique de responsabilité et à la mémoire collective du peuple Béninois dans sa volonté salutaire de tenir compte du passé pour construire l'avenir. Voilà un homme dont les seules supputations sur l'éventualité d’un retour au sommet dans le jeu politique signe le refus cynique de mettre en examen notre passé immédiat pour en tirer les meilleures leçons pour notre bonne gouverne. À travers des gestes d'autant plus insultants pour l'intelligence collective qu'ils ont la prétention de se rapporter à l’esprit, ce Monsieur se targue de nous parler d'une hypothétique nouvelle conscience. Et ce, sans jamais vouloir situer sa place et son rôle dans l'ancienne conscience. Ainsi, pense-t-il, le prix à payer pour sa responsabilité pleine et entière dans la calamité politique, sociale et morale dont Yayi Boni est le nom est aujourd'hui de vouloir jouer les gourous malicieux, prêcheur d'une conscience et d'une morale dont la prétention à la nouveauté n’est au mieux qu’un bluff pour oligophrènes. M. Pascal Irené Koupaki est l'exemple même de la logique d'aliénation et d'imposition autoritaire du candidat à la présidence en ceci même qu'au-delà du bluff que constitue sa posture de gourous malicieux, son attitude générale face à la vie politique elle-même, caractérisée par une passivité hautaine censée être la marque distinctive de sa supériorité de technocrate averti est d'un vide consternant. Sa façon ataraxique de croiser les bras, de se poser en sphinx, de rester à l'écart de la vie politique, de ne rien trouver à redire à ce qui fait ses passions et ses mouvements de tous les jours, au-delà de l'appel du pied à l'adoubement par son maître Yayi, est l'affirmation éloquente de sa certitude que l'essentiel est ailleurs. Ce silence replet de celui qui estime savoir les fins dernières et les tenants et aboutissants de l'émergence du candidat présidentiel prouve si besoin en est que c'est du dehors même que, comme jadis, nous viendra l'ordre d'entrée en scène de notre président ; et que pour ce faire, nous sont déjà rejetées en pleine figure toutes nos aspirations légitimes à la souveraineté, à l'autonomie, à la conscience de notre histoire et la volonté éthique de tenir compte de notre passé immédiat pour éclairer notre chemin vers l'avenir.
Adenifuja Bolaji
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