Mais Soglo n'est pas qu’un contre modèle ou une figure repoussoir pour Yayi Boni. L'ancien président est aussi une figure de père, un modèle dont l'expérience est prise à cœur et appréciée. Comme Soglo, Yayi Boni croit en l'implication de la famille en politique. Pour quelqu'un qui est pétri de régionalisme, ce repli sur le terrain familial est à plus d'un titre éloquent. Il montre en tout cas les limites du fantasme régionaliste, un certain scepticisme de l’expérience. Il faut dire que l'invitation ou implication de la famille en politique n'est pas l'apanage du seul président Soglo. Kérékou aussi est parvenu à hisser ses rejetons en politique ; un coup de main discret qui n'a certes pas été érigé en philosophie, comme c'est le cas chez Soglo. Il ne faut pas oublier que chez Soglo, l'invitation de la famille en politique s'affirme comme l'expression de la défiance aux relations purement sociales, formelles ou amicales en politique. La famille est ici conçue comme le socle de confiance, le lieu et le milieu d'une résistance à l'adversité en politique, aux revirements et aux trahisons qui y sont légion. Chez Soglo, l'invitation de la famille en politique, en tant que choix informé par la réflexion et l’expérience, est structurée et plus complète que le geste à la sauvette de Kérékou. En effet Soglo a eu pour ministre de la défense son beau-frère ; sa femme est députée depuis plusieurs législatures. Son fils est maire-adjoint et député de Cotonou, etc. C'est ce modèle structuré qui inspire Yayi Boni. Aussi, pour le réaliser, il a, comme Soglo, amené son beau-frère au gouvernement, avec à peu près les mêmes rôle et profil de technocrate que son fidèle premier ministre Koupaki. C'est en raison de ce modèle systématique et structuré de son identification à Soglo qu’en cette dernière année de son dernier mandat, pour marquer son territoire et laisser derrière lui le cas échéant un socle de confiance au cœur de la galaxie politique de sa pérennité -- entre héritage et promesses de retour--Yayi Boni a voulu satelliser ses beau-frère, épouse et fils en les présentant aux élections législatives dans le sud--à Cotonou et à Ouidah. Mais il se cassa la figure de manière spectaculaire car son fils et son époux échouèrent et seul son beau-frère passa de justesse la rampe. Dans sa volonté de copier Soglo, Yayi Boni a été victime d'une illusion d'optique et d’un mirage éthique. En plus, il a aussi succombé à ses propres tares. L’idée qu'il suffit d'être président de la république pour que ses rejetons, les membres de sa famille et son épouse etc. soient automatiquement élus est un peu naïve. Dût-on, au mépris de la constitution, utiliser les moyens de l'État pour battre campagne pour eux. Yayi Boni avait une confiance démesurée en son aura de président de la république pour croire que les gens de la circonscription de Ouidah où il l’a positionnée, qui sont tous des Fon ou assimilés, allaient céder au charme de l'image présidentielle et voter pour l'épouse d'un homme qui, au cours de cette même campagne, n'a pas craint de tenir des propos méprisants contre leur race. Ce faisant, Yayi Boni a péché par excès de confiance aux pouvoirs magiques de l'image du président de la république. Mal lui en a pris et son épouse en a payé le prix, renvoyée qu’elle est à ses chères études par le peuple fon de Ouidah. Yayi Boni oubliait que les élections législatives sont des élections à caractère ethnique très prononcé au bon sens du terme. Puisque les députés sont des représentants de terroirs qui, en tant que tels, possèdent une identité culturelle bien définie. C'est aussi dans le mépris de cette évidence que Yayi Boni n'hésite pas à positionner son fils à Cotonou. Il espérait sans doute qu'une frange non négligeable de la population, notamment la jeunesse cosmopolite, tiendra son fils pour l'un des siens dès lors que sa mère était considérée comme tel. Yayi Boni transférait sur son fils la même conception de l'identité ethnique dont il a abusé au Nord pour se faire passer comme nordiste, alors que grosso modo il est d'extraction yoruba, c'est-à-dire fondamentalement sudiste. Le régionalisme de Yayi Boni est une honte et une déception parce que voilà quelqu'un qui avait toutes les qualités requises pour ressembler à et rassembler tous les Béninois du Nord, du centre et du sud, mais qui malheureusement gâcha ce rare privilège dans le délire tribaliste et la division régionaliste. Il a voulu jouer à l'apprenti sorcier de la manipulation des identités en politique, et à ce titre, espérait que lui qui méprise les Fon et se dit nordiste pourrait faire passer son fils comme un digne représentant de Cotonou, cette ville historique au nom de laquelle l'un des plus célèbres Fon de l'histoire, le roi Béhanzin, lutta contre les Français et fut envoyé en exil. Ce n'est pas pour rien d'ailleurs que Soglo, un descendant de la famille royale d'Abomey, devint tout naturellement maire de cette ville et le demeura aussi longtemps qu'il le voulut. Au total, le bon Soglo que Yayi voulait imiter ne lui réussit pas. L’initiative se solde par une bérézina. L'échec n'est d'ailleurs pas étranger au délire de défoulement qui s'est ensuivi avec la malheureuse tentative d'enlèvement du député Candide Azannaï. Tout à coup, face à cet échec de l’imitation du bon Soglo, il fallait un bouc-émissaire à M. Yayi et ce fut l'honorable Candide Azannaï. C'est lui qui, en le traitant de moins que rien, a contribué à ruiner son image dans le cœur des Cotonois. Il fallait qu'il en payât le prix. Mais dans cette affaire il faut raison garder et regarder la vérité en face : outre que dans le fond, le mauvais Soglo n’est pas celui que Yayi croit, qu'il soit le bon ou le mauvais, n'est pas Soglo qui veut…
Dr Aklassato Zéphyrin
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