Boko Haram, Ces Drôles de Revenants

Pourquoi les combattants de certains groupes terroristes-en l'occurrence Boko haram -- se présentent toujours cagoulés, voilés ou masqués comme s'ils étaient des cambrioleurs urbains ordinaires ? Est-ce que le fait d'être cagoulés fait partie de leur esthétique militaire ? Voilà des gens qui combattent ouvertement des pouvoirs ou des pays bien identifiés et qui, aussi extravagant que cela puisse paraître, donnent des motifs à leur lutte ; des gens qui n'hésitent pas à se proclamer comme État ou Khalifat, et mènent même des activités diplomatiques et médiatiques à l'échelle internationale ; allant jusqu'à proclamer leur allégeance à un autre groupe terroriste plus en vue. Alors pourquoi n'avancent-ils pas à visage découvert ? Pourquoi en tant que combattants préfèrent-ils être masqués comme des commandos alors que leur activité guerrière est pour ainsi dire chronique ? Après tout, durant la guerre de sécession du Biafra les soldats de l'armée d’Ojukwu n'opéraient pas à visage masqué. Alors pourquoi la plupart du temps, lorsqu'ils s'exposent aux média -- que ce soit sur le champ de bataille ou lors d’une communication, les combattants de Boko haram préfèrent-ils se voiler la face ? De quoi ont-ils peur ? Pourquoi se comportent-ils comme des membres d'une société secrète ? La question peut paraître simple voire simpliste puisqu'on dira que ce sont des terroristes et que se cacher fait partie de l’attitude instinctive des terroristes. Mais Bin Laden ne se voilait par la face, et la plupart des terroristes qui sévissent au Moyen-Orient vivent à visage découvert. Du reste la dénomination de terroriste n'est pas une dénomination autonome mais elle leur est conférée de l'extérieur par leurs ennemis. Alors pourquoi se laissent-ils enfermer dans l’image de hors-la-loi alors qu’ils se disent des combattants ? Bien que simple, la raison du secret est moins simpliste et plus nuancée qu'on ne le croit. En fait, ces combattants terroristes qui se cachent font partie de l'encadrement du groupe et de ceux qui jouent un rôle décisif dans sa subsistance, son ravitaillement, son approvisionnement et sa logistique. Ce sont des hommes qui sont normalement établis dans la société où ils possèdent des affaires, des familles, des relations, et se livrent comme tout citoyen normal à des transactions sociales et commerciales de toute nature. Certains sont connus et appréciés pour leurs implications dans la société. Ce sont donc des hommes qui mènent une double vie. D'un côté ils passent pour des hommes vertueux, honnêtes et bien sous tout rapport ; et de l'autre, ils sont les affreux criminels qui terrorisent la population et mettent une partie du pays à feu et à sang. C'est par ce double jeu que les combattants de Boko haram parviennent à ravitailler et équiper le groupe terroriste dont ils sont des membre actifs. Se voiler, ne pas se faire voir ouvertement devient donc pour eux et pour le groupe une nécessité vitale et non pas une esthétique militaire islamiste. En clair, Boko haram est fondé sur les mêmes principes et méthodes d’immersion sociale que les sociétés secrètes. A ceci près que ceux-ci nous apportent l’harmonie et ceux-là l’anomie. Prof. Akindele  Badmos