[…] le fonctionnement de ma langue maternelle dans mon tréfonds participe parfois d’un mystère : nombre de nos langues maternelles africaines sont flexibles ; en choisir une ou deux dans chacune des anciennes colonies d’AEF et AOF pour les enseigner dès l’école primaire, le colonialisme, sans porter la moindre atteinte à la langue française, nous aurait initiés à écrire en langues africaines aussi ; en l’occurrence, les futurs écrivains pourraient écrire en leurs langues maternelles ou en français, ou bien, traduire en français des livres dont la version originale serait en langue africaine. Ancien professeur de lettres classiques profondément écrivain, je suis convaincu que l’enseignement des langues africaines judicieusement choisies aurait été pour nos livres en langues africaines un tremplin efficace de leur succès auquel ajouterait leur traduction en français ; mais l’assimilation dont les séquelles perdurent, hélas ! avait radicalement ostracisé cet enseignement en générant la déréliction des langues africaines. On parle de la littérature africaine sans qu’elle existe en langue africaine dans les ex- d’AEF et AOF. Voyons : les mères- porteuses reçoivent d’abord le sperme d’un homme et l’enfant qui naît a un père connu ou anonyme ; la langue maternelle d’un enfant est la matrice de son ipséité ; nos langues maternelles africaines n’étant pas les génitrices de la création littéraire africaine, les grands Blancs qui analysent et exploitent cette création afin d’en être les spécialistes dans les universités pérorent que sans eux les écrivains africains n’existeront pas. La cerise sur le gâteau, c’est que des nègres compradores emboîtent servilement le pas à la déloyauté et à l’arrogance en copiant les appréciations, au lieu de lire autrement les créations jugées par des étrangers qui ne comprennent aucune langue africaine. Je le dis sincèrement : le surgissement en moi d’un bref syntagme, d’une litote, d’un simple mot africain (fon, yoruba ou mina) quand j’écris un roman ou une nouvelles m’éloigne soudain de la langue française, principal outil de la création en imposant parfois une orientation au travail en cours. * Aux Antilles le créole est une langue populaire permettant à tout le monde de s’entendre ; il y a quelques années proliféraient les éloges du français de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Congo et même du Bénin, jargons d’initiés truffés de savoureuses inventions langagières ; si chaque pays d’Afrique francophone devait avoir son français, se comprendre d’un pays à l’autre ferait tomber de Charybde en Scylla ; plus tard, l’esprit voltairien des « spécialistes de la littérature africaine francophone » n’hésitera guère à décortiquer le jargon des écrivains africains dans la langue de Molière ; d’entrée de jeu, je déclare sans ambages : je ne suis pas partisan de cette littérature.
Olympe BHELY-QUENUM, extrait d’une conférence tenue à Sciences Po le 19/031/15
Re- François Hollande Prononcera un Discours à l’ONU en Wolof !!
|
|
|
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.