Héroïsme Machiavélien : Ne laissez pas Yayi Imiter Jonathan
Car ça Risque de Mal Tourner !
Avec la miraculeuse issue des élections nigérianes qui n'a donné lieu ni à émeutes, ni à conflits interethniques, encore moins à une guerre civile pour ne pas dire à l'explosion tant redoutée du Nigeria, grande a été la surprise en Afrique et dans le monde. Si cette surprise est en général heureuse et bonne, plus près du Nigeria, au Bénin, on ne peut pas dire que Yayi Boni soit sur la même longueur d'ondes. Car pour ses plans obscurs de conservation du pouvoir un désordre politique au Nigeria sinon une guerre civile aurait été idéal comme écran à ses intrigues machiavéliques qu'il rumine depuis belle lurette. Le besoin de période sinon de pouvoir exceptionnel qu’appellent les guerres aurait été pain béni pour son rêve de pérennité présidentielle ou à tout le moins de confiscation politique.
Ajouté à cela, l'élimination d'office de Jonathan qu’a consacré cette élection n'est pas du tout arrangé les plans de M. Yayi Boni, lui qui a fait de la victoire inéluctable du président sortant un dogme que tous les moyens sont bons --2011 et son cortège de K.-O. électoral en sont une illustration violente--pour en assurer la traduction dans les faits. De plus, Jonathan dont il avait utilisé en 2011 les services comme caution sous-régionale à son K.-O. électoral ne sera plus de la partie. Dans ces conditions, pour Yayi Boni, la bonne surprise des élections nigérianes, même s'il n'ose le dire, n'est pas des plus heureuses. Comme on le voit nous baignons en plein machiavélisme. Mais de ce jeu de théâtre sombre et crapuleux Yayi Boni n'a pas le monopole. Son compère Jonathan n'est pas en reste. À son égard, on est tenté de se laisser aller à une lapalissade facile. Quelques heures en effet avant son geste héroïque, consistant à concéder sa défaite, Jonathan remuait encore ciel et terre pour la dénier, la subvertir et s'imposer par la fraude voire le coup de force électoral. Il était tout le contraire d'un héros. Le point d'orgue de ces manigances machiavéliques a été atteint avec le coup de force perpétré par un ancien ministre originaire de sa région du Delta du Niger et envoyé par Jonathan pour semer la zizanie au centre de collation des votes. L'homme s'appelle Orubebe ; il est devenu célèbre pour son geste au Nigeria, tristement célèbre bien sûr, même si le monde entier n'a pas entendu parler de lui. Si M. Orubebe avait réussi sa mission, le Nigeria aurait été mis à feu et à sang, s’il n’a pas tout simplement déjà tiré sa révérence en tant qu'entité nationale. (vidéo infra) Mais avant d'en arriver à cette solution finale, Jonathan avait fait tout un ensemble de tentatives en vue de s'arroger coûte que coûte la victoire. Il y a eu d'abord le report des élections qui devaient avoir lieu initialement le 14 février et qui furent reportées aux 28 mars. Ce report, bien que justifiée officiellement par des raisons sécuritaires, visait surtout à gagner du temps et à faire perdre de l'argent à l'opposition. Le prétexte de la sécurité a permis au pouvoir à la veille des élections du 28 mars de procéder à un déploiement massif de l'armée dans divers États du Sud-ouest yoruba plutôt acquis à la cause de l'opposition menée par le candidat Muhammadu Buhari. Le but de ce déploiement, loin de sécuriser, était d'intimider les électeurs et sympathisants APC. Il y eut aussi de nombreuses affectations parmi les responsables des agences de sécurité et la hiérarchie policière ; affectations qui visaient à positionner les hommes de main du pouvoir dans les états réputés « durs à cuir ». Enfin, d'importants mouvements de fonds et de liquidités ont été mis en jeu, pour corrompre à tour de bras, appâter et débaucher à la fois les électeurs et les agents du parti d'opposition. Quand toutes ces actions firent long feu, ou ne réussirent pas à remplir toutes leurs promesses, M. Jonathan et son cercle rapproché entrèrent en panique dès le démarrage des opérations de comptage des votes. À la fin du premier jour de collation, comme il apparaissait de plus en plus évident qu'il allait droit vers la défaite, M Jonathan envoya le colonel à la retraite Bello Fadile (Un Yoruba : dans les coups d'état au Nigeria, le rôle et l'origine ethnique ne sont pas anodins) à la recherche d'un juge fédéral susceptible d'émettre un mandat de suspension des opérations de collation des votes. Cette initiative fut infructueuse essentiellement parce que le procureur de la haute cour avait auparavant mis en garde les juges de tremper dans quelque tentative d'instrumentalisation de la justice que ce soit, en raison du caractère potentiellement explosif d'une telle collusion. C'est après l'échec de ce plan d'instrumentalisation de la justice pour enrayer le décompte des voix que Jonathan décida la solution finale de l’assaut pathétique et spectaculaire effectué par l'ancien ministre Orubebe. Dès qu'il fut investi de sa mission par Jonathan, Orubebe se dirigea en voiture vers le centre de collation, flanqué par deux hommes lourdement armés qui, selon toute vraisemblance, étaient des militants du Delta du Niger. À son arrivée au centre de collation où l’INEC délivrait les résultats de façon publique, le service de sécurité du centre baissa sa garde et laissa Orubebe et sa bande de voyous ameutés exprès investir les lieux, prêts à faire chambouler le bon déroulement du comptage des voix et par là même tout le processus électoral. Le processus électoral ne dut le salut qu'à l'intelligente fermeté de la police qui surveillait le centre et qui refusa d'obtempérer à l'ordre de s'en retirer. Le commandant de la police du centre de collation exigea avant toute chose une lettre officielle de sa hiérarchie. Quand M. Orubebe commença son manège de perturbation des opérations de comptage, M. Usman Abdullahi, un adjoint à M. Attahiru Jega, le président de l’INEC, envoya un SMS à un certain nombre de Nigérians en vue et à quelques diplomates occidentaux, les alertant sur la possibilité de l'enlèvement imminent de M.Jega par des hommes en armes. Par-dessus tout, le calme et la sérénité dont a fait preuve M. Jega dans sa réponse à l'interpellation hystérique de M. Orubebe contribua à désamorcer les velléités de son enlèvement. Pendant ce temps, M. Jonathan n'était pas de tout repos. Le président s'activait de son côté pour mettre les opérations du comptage et l'opinion publique devant le fait accompli de sa victoire. À cet effet, profitant de ce que le transport des correspondants régionaux de l’INEC vers Abuja était assuré par la flotte présidentielle, l'avion qui transportait les correspondants des États du Sud-est et du Sud-sud, à plusieurs reprises disparut du radar, et mit un long délai à venir à bon port. De plus, de source bien informée, il est apparu que M. Jonathan a ordonné un délai d'au moins 4: heures dans l'acheminement du correspondant en provenance de l'État de Borno au nord-est du Nigéria. M. Jonathan redoutait que les résultats de l'État de Borno, largement acquis à M. Buhari, n’achève de creuser irréversiblement l'écart entre lui et son adversaire, et ce au vu et aussi du monde entier. Pendant que le correspondant de Borno était gardé à vue à la base militaire de Maiduguri, le correspondant de l'État du Delta, largement favorable au président Jonathan, quant à lui, était dépêché vers le centre de collation où ses résultats contribuèrent temporairement à entretenir l'illusion d'une dynamique retrouvée du camp présidentiel. Dans le même temps, il est apparu que Jonathan avait téléphoné frénétiquement à plusieurs correspondants du Sud-sud et du Sud-est leur enjoignant de gonfler ses résultats de façon à ce qu'il ait une avance d'au moins 500 000 voix sur M. Buhari. Mais pendant que M. Jonathan se livrait à ses tractations diaboliques, l'avance de M. Buhari avait déjà dépassé le chiffre de 3 millions, le jour où M. Orubebe faisait son petit cinéma putschiste au centre de collation.
En fin de compte, le président Jonathan et son équipe en sont venus à accepter la réalité qu'aucune somme de manigances ne pouvait leur assurer la victoire. Selon des sources proches de la Présidence nigériane, l’acceptation tant vantée de sa défaite par M. Jonathan ne faisait pas partie de son plan initial. Les dirigeants occidentaux auraient pesé de tous leurs poids dans cette décision en inondant M. Jonathan d’appels exigeant qu'il accepte le résultat des urnes. Les appels ont été intensifiés dès que M. Orubebe a commencé son numéro de putsch électoral visant à perturber le comptage des voix. Des sources diplomatiques à Abuja ont confirmé que le Royaume-Uni et les États-Unis ont mis une pression énorme sur le président Jonathan afin qu’il ne compromette pas le processus électoral. L’offensive de pression a finalement fonctionné. M. Jonathan a donné des instructions pour que l’avion présidentiel décolle de Maiduguri avec à son bord le correspondant de l’INEC de l’État de Borno jusque-là retenu en otage. Une fois le fonctionnaire arrivé à Abuja, la collation finale des résultats a été faite et M. Buhari a été confirmé vainqueur.
Ainsi, comme on le voit, Monsieur Jonathan est sans doute entré dans l’histoire comme l’un des rares chefs d’Etat africains à concéder sa défaite, mais ce miracle, qui s'est produit presque à son corps défendant, ne dépendait pas uniquement de lui : il était arrivé comme un cheveu sur la soupe de ses micmacs et plans machiavéliques personnels. Un machiavélisme qu’il partage avec son collègue, et ami coreligionnaire du Bénin voisin, Yayi Boni, qui lui aussi continue de pousser à la roue, de remuer ciel et terre pour imposer une configuration politique biaisée, frauduleuse ou anticonstitutionnelle à sa succession. Fort du sentiment qu’il suffirait au dernier moment qu’il habillât son échec d’un revirement spectaculaire pour être applaudi comme un héros de la démocratie. Mais le risque est grand pour le Bénin, pays francophone. On sait le rôle bienveillant et positif que les États-Unis et l’ancienne puissance coloniale ont joué dans le cas de du Nigeria pour amener Jonathan à résipiscence. Et on sait que la France férue de néocolonialisme et de manipulation crapuleuse de ses anciennes colonies ( doit-on même les qualifier d’anciennes en ce qui concerne la France ?) ne laisse pas les peuples choisir librement leurs dirigeants. Donc, il n’est pas sûr que ce qui a marché au Nigeria marchera au Bénin, et nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers ou sur l’idée que peu importe que Yayi Boni finisse en héros de la Démocratie l’important étant qu’il évacue les lieux. Car le risque est qu’il ne les évacue pas, ou qu’il confisque notre démocratie d’une façon ou d’une autre. Sachant qu’il est plus grave encore que Yayi Boni parvienne à confisquer notre démocratie que s’il réussissait à faire un troisième mandat. Quoi qu’il en soit, dans le cas du Bénin, le cachet historique ne lui sera décerné qu’en mal car en bien, Yayi Boni ne pourra se prévaloir d’aucune originalité.
Adenifuja Bolaji & Bénédicte Asiwaju
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