Tout observateur avisé aura constaté que les dirigeants des pays limitrophes du Nigeria -- le Cameroun, le Tchad, Le Niger -- ne portent pas dans leur cœur Monsieur Jonathan ; et que s’ils se portent volontiers candidats pour lutter contre le groupe terroriste Boko haram c’est à la fois dans leur intérêt et pour des raisons politiques. D’ailleurs le Président du Tchad n’a pas fait mystère de ses critiques à l’égard de Jonathan. Et si ses deux autres collègues de la frontière orientale du Nigeria ne disent rien,, il va de soi qu’ils n’en pensent pas moins. En revanche, le dirigeant du Bénin, Monsieur Yayi Boni, est loin d’être sur la même longueur d’onde que ses pairs de la frontière orientale du Nigeria. Au contraire, tout le langage gestuel de Yayi Boni prouve si besoin en est qu’il ne voit pas d’un bon œil un éventuel échec de Jonathan. Trois raisons militent dans le sens d’une telle considération.
1. Raisons humaines. Son amitié avec Jonathan, favorisée par la ressemblance de leur parcours biographique et de leur démarche politique. - Les deux hommes appartiennent à des minorités dans leur pays. - Les deux hommes sont issus de la région productrice de la manne nationale : le pétrole pour Jonathan, le coton pour Yayi Boni. - Les deux hommes se disent « docteurs » : -l'un en zoologie, l'autre en économie. -Les deux hommes étaient inconnus au bataillon politique avant leur émergence dans la sphère présidentielle -l'un en tant que vice-président, l'autre en tant que président. -Les deux hommes sont de la même religion évangéliste ; et avec le départ de Jonathan, Yayi Boni perdra définitivement le partage de cette affinité spirituelle qu'il entretenait aussi avec son prédécesseur, Monsieur Obasanjo. 2. Raisons politiques. -Jonathan était venu en 2011 prêter un coup de main à Yayi pendant que celui-ci ourdissait son holdup électoral de triste mémoire. Jonathan avait alors menacé les Béninois, en leur enjoignant de rester à carreaux au motif qu'il ne voulait pas avoir une guerre civile aux portes de son pays. Il est vrai que si les Béninois ont respecté son injonction, la guerre civile, quant à elle, a menacé de changer de porte, puisque pas moins de 800 Nigérians ont été tués dans les émeutes qui ont suivi l'élection de Jonathan en 2011. -Yayi Boni, on l'imagine, en bon ami, a dû prodiguer maints conseils à Jonathan en matière de fraudes électorales ; et les deux hommes semblent être sur la même longueur d'onde dans l’art de manipuler les émotions religieuses et régionalistes ; la ressemblance de leur attitude sur ce point prouve bien une interaction féconde entre eux. Car tous ces penchants et toutes ces pratiques constituent l'essence même de la philosophie politique de Monsieur Yayi , ce en quoi se résume la politique pour lui. Ainsi, avec l'échec éventuel de Jonathan, Yayi Boni perdra un compère régional en coups politiques tordus, en fraudes, et en manipulation des sentiments religieux et régionalistes ; sans parler de la mauvaise gouvernance, la gestion patrimoniale des biens de l’État, et la corruption à grande échelle -- même si ce qui se passe au Bénin en matière de corruption et en termes de masse d’argent détournée n’est qu’une goutte d’eau par rapport à l’océan de la corruption au Nigeria. Cette perte indésirable fera prendre conscience à Yayi Boni que ses méthodes sombres qui constituent chez lui une seconde nature ne sont pas invincibles et ont une limite. Ce qui représentera un camouflet pour le président béninois dans les coups fourrés qu'il prépare à l'orée de 2016. Ajouté aux événements du Burkina Faso, ce camouflet ruinera un peu plus ses obscures espérances. 3. Raisons géopolitiques Enfin, le schéma d’un Nigéria à feu et à sang, déchiré par la guerre civile, d’un point de vue machiavélique qu’on ne saurait exclure, aurait été pain béni pour Yayi Boni ; puisqu'il va instaurer une géopolitique sous-régionale de crise propice à une conservation du pouvoir par des régimes autocratiques que les Occidentaux jugeront idoines. De plus, dans la confusion créée par une guerre civile éventuelle au Nigéria, Yayi Boni pourra faire passer en contrebande toutes les violations et violences à la constitution qu’il prépare, en donnant aux Occidentaux des gages sécuritaires d'un pouvoir fort, appuyé sur une armée à sa solde.
Dr Zephyrin Aklassato
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