Stephen Sackur, le présentateur de l'émission Hardtalk de BBC s'alarme de l'intervention de la Chine dans l'économie de l'Afrique et plus particulièrement du Ghana, et souhaite faire accepter à son interlocuteur son angoisse idéologique sur le péril jaune. Mais Nana Akuffo-Addo n'entre pas dans son jeu. «L'investissement massif chinois ? very welcome, dit-il, nous ne demandons pas mieux. Je n'ai aucun problème avec l'intervention de la Chine dans l'économie de notre pays, ajoute le dirigeant ghanéen de l'opposition et aspirant au poste de président lors des prochaines élections. C'est la preuve que les Chinois se sentent bien au Ghana. Ce qui importe c'est que nous ayons de la valeur pour de l'argent, en termes de ces investissements. » Mais non satisfait, le journaliste anglais revient à la charge et insinue que les constructions chinoises ne tiennent pas longtemps ; l'Angola se plaint, dit-il, que les routes construites par les Chinois se dégradent à la vitesse grand V. « Ceci illustre, répond Nana Akuffo-Addo, notre problématique de l'échange de valeurs contre l'argent. Le principe est d'accueillir les investissements d'où qu'ils viennent, la question est de savoir comment nous gérons ces offres et comment elles impactent le bien-être de la majorité du peuple »--. Si vous étiez président prochainement, dit le journaliste anglais, accepterez-vous que les Chinois prennent pied dans l'économie du pétrole de votre pays ?-- S'ils doivent le faire de manière mutuellement bénéfique pourquoi pas ? dit Nana Akuffo-Ado. Alors, jouant les comptables démocrates, le journaliste dit que les électeurs ghanéens veulent savoir si les Chinois vont contrôler l’économie du pétrole (on se demande quel Ghanéen se fait souci de l’obsession occidentale du péril jaune) et Nana Akuffo Addo de répondre : « Nous ne voulons être la marionnette de personne, que ce soit de l'Est, de l'Ouest, des Chinois ou des Occidentaux. Nous voulons contrôler notre économie. ».
Alors n'en pouvant plus de réponses qui n'apportent pas de l'eau au moulin de ses angoisses idéologiques sur le péril jaune, le journaliste abat ses cartes :--. Pensez-vous que certains pays sont en danger en accordant trop de facilités aux Chinois dans leur économie, dit-il sans tourner autour du pot ?--. « La vraie question dont nous devons nous préoccuper, dit Nana Akuffo Addo, est celle-ci : tant que nous continuerons de baser notre économie sur la fourniture de matières premières aux autres, changer la destination de ces matières premières ne change pas nécessairement la nature de notre économie. Et c'est le changement de cette nature qui est le grand défi et la question cruciale que nous devons affronter. Que les ressources africaines aillent en Chine ne change pas la nature de l'économie africaine ; c'est la nature de cette économie que nous devons changer si nous voulons changer la vie de nos populations. Ce qui suppose de quitter le statut de pays exportateurs de matières premières pour aller vers une économie de production de valeur ajoutée… » Cet échange avait lieu en 2011 avant le décès du président Mills et les élections qui s'ensuivront en 2012. La réponse claire et nette de Nana Akuffo-Addo a rabattu son caquet au journaliste blanc qui préfère, de guerre lasse, changer de sujet. Rétrospectivement on peut se demander si Nana Akuffo-Addo n’aurait pas dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Cette position fondamentaliste qu’il tenait sur les origines du malheur africain et qui a envoyé par le fonds des navires politiques aussi costauds que ceux de Gbagbo ou de Khadafi, n’était-elle pas politiquement risquée ? Le meilleur dirigeant africain pour les occidentaux étant le dirigeant benêt sans vision et facilement tenable en laisse par eux. Or de par ses réponses et ses idées Nana Akuffo-Addo a laissé voir comment il était indomptable. Il est sûr qu’un candidat à la présidence d'un pays africain stratégique comme le Ghana qui a des vues claires, limpides et salutaires sur ce qu'il faut pour que l'Afrique sorte de l'ornière du sous-développement dans laquelle elle a été enfoncée ne bénéficiera certainement pas du soutien de l'Occident aux élections présidentielles. Ce qui a été le cas de Nana Akuffo Addo lors des élections qui l'ont mis aux prises avec John Mahama, et qu'il a perdues comme de bien entendu.
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