On a certes pu avoir le sentiment qu’au Bénin, les gens du sud, qui sont très divisés par culture, valorisent la haine de soi à un tel point qu'ils ont tendance à « vendre facilement la maison pour habiter au champ. » Mais ce n'est qu'une impression. Oui, les sudistes au Bénin sont les seuls à se retrouver dans une attitude qui tend à ne pas donner de l'importance à la prépondérance de leurs intérêts régionaux ou régionalistes. Pour le dire en clair, alors que les nordistes ne voteraient jamais en masse pour le président qui n'est pas de leur région, le sudiste n'hésite pas à le faire. Cette attitude des sudistes ressortit de plusieurs raisons dont certaines sont évidemment historiques et sociologiques. Mais l'idée que les sudistes ne sont pas régionalistes, dans le sens qu’ils n'aimeraient pas leur région est une fausse idée. L'explication de leur attitude insolite face au fait politico-régionaliste s'explique par ce qui a été avancé précédemment : à savoir que le régionalisme est plus le fait du pouvoir en place que des aspirants politique locaux. En fait, les individus isolés ou les partis minoritaires n'ont qu'une motivation : survivre ou vivre politiquement. Pour cela, ils sont prêts comme n'importe quel animal qui a soif, à aller boire à n'importe quelle rivière. Donc pour leur succès politique personnel, familial ou tribal, les entrepreneurs politiques, qu'ils soient du Sud ou du Nord, vont se mettre spontanément sous l'obédience de l'homme politique fort du moment. Il est vrai aussi que, en raison du déficit sociologique et économique du Nord, les hommes politiques du sud s'entendent implicitement à faire preuve d'un certain fairplay ou d'une certaine galanterie politique, en concédant volontiers le fauteuil présidentiel à un homme du Nord, dans l’espoir d’en tirer tous les bénéfices. Et, il est tout aussi vrai qu'en raison de ce même déficit, les Nordiques ne font pas que saisir la main tendue : ils y ont pris goût et exigent qu'on la leur tende. Donc, c'est par la conjugaison de cette logique égoïste qui n'est pas l'apanage de l'homme politique du sud, et par le déficit socioéconomique du Nord qui l'a rendu fou de présidence et d'une manière générale de politique, que les sudistes, en se mettant plus souvent qu’il ne le faut au service d'un homme politique du Nord, donnent le sentiment de ne pas trop se soucier du sort de leur région, en tout cas beaucoup moins que ne le fait spontanément l'homme politique du Nord. En clair, le régionalisme n'est pas une attitude individuelle ni même une attitude partisane, mais il est et n'est que le fait du pouvoir suprême. C’est le président de la république, et le système qu'il met en place, c'est son économie et son intérêt politiques qui se veulent et qui sont régionalistes. En cela, nous pouvons caractériser le régionalisme comme un phénomène politique suprême, comme Marcel Mauss qualifiait certains phénomènes de phénomènes sociaux totaux. Dr Zephyrin Aklassato |
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