Le gouvernement nigérian et l'armée se sont donné six semaines pour maîtriser la folie meurtrière de Boko haram. Et, de fait, depuis le report des élections, jour après jour, la présentation médiatique de leurs faits d'armes contre le groupe terroriste plaide en ce sens. Et c'est justement ce qui est inquiétant. Car, il tombe sous le sens que, quel que soit le succès que Jonathan et l'armée engrangeront dans leur lutte contre Boko haram, si le peuple ne crache pas dessus, cela ne lui fera pas non plus changer son avis sur la révocation du régime qu’il a déjà prononcée dans son for intérieur. Au contraire tout succès héroïque ou fulgurant ne ferait que confirmer cette révocation. Car, que Jonathan soit soudainement en mesure de faire en six mois ce qu'il n'a pas pu ou voulu faire en six ans devrait être un motif suffisant pour donner à réfléchir au peuple sur le sacrifice que les caprices de son président lui ont fait consentir--15 000 morts en six ans--et dont un éventuel succès à la veille des élections ne ferait que souligner la navrante inutilité. Dans ces conditions, si le bon sens est la chose la mieux partagée par tous les hommes, le peuple nigérian n'hésiterait pas à renvoyer le docteur en zoologie à ses chères études. Mais là où pointe l’inquiétude c’est que Jonathan feint d'ignorer cette évidence logique et éthique d'un peuple qui ne manquera pas de le tenir responsable des sacrifices que ses erreurs ou caprices lui ont fait consentir.
Pour Jonathan et les siens, le blitzkrieg sur Boko haram en six semaines est pain béni. Car l’idée est de faire constater à l’opinion que son gouvernement a réussi à créer les conditions d'un revirement de la tendance initiale qui lui était défavorable. Ce qui justifierait que, en guise de reconnaissance, le peuple votât massivement pour Jonathan afin qu'il continue de le protéger des menaces terroristes comme il l'a prouvé si brillamment les six semaines précédant les élections. Cette façon de penser trahit l'idée que le Dr en zoologie pense que les peuples africains, à l’instar des bêtes, sont incapables de faire des jugements fondés sur une pensée autonome et ne jugent que sous le coup de l’émotion ou en face d’une réalité immédiate. Mais ce présupposé qui défie toute logique n'est pas innocent : il fait partie des prémices d'une stratégie de fraude. En effet, selon des pratiques consacrées par l'habitude un peu partout sur le continent africain, -- et le cas béninois en 2011 a été un cas d’école -- la stratégie de fraude électorale, au mépris de la réalité, cherche toujours à s'appuyer sur des motivations factices censées la justifier a posteriori. En l'occurrence, il s'agit de faire croire que telle situation nouvelle a pu justifier le revirement massif du vote des Nigérians en faveur du président fraudeur. Pour cela, il convient de créer et de faire étalage d'un ensemble de fausses évidences qui seraient les preuves tangibles des résultats qu'on aura truqués. Et, peu importe que ce consensus frauduleux fasse violence à la raison ou à la logique. Or c'est cet aveuglement même qui est inquiétant. Car comment comprendre que Jonathan se mette en tête d'éradiquer Boko haram en six semaines alors qu'il n'a pas voulu le faire en six ans ? Qu’escompte-t-il d'une victoire éventuelle ? Que son nom aille à la postérité comme le président qui a corrigé les erreurs de sa gouvernance dans les dernières semaines de son mandat ? Quel cas fait-il alors de sa responsabilité au regard des graves manquements qui auront marqué la plus grande partie de ce même mandat ? Suffit-il de terrasser la bête sauvage au soir après l'avoir laissé dévaster champs et familles toute la journée pour espérer que, ivres de reconnaissance, les Nigérians le lui en sauront gré dans les urnes ? Aussi longtemps que le peuple du Nigeria n’aura pas abdiqué son bon sens, rien n’est moins sûr…
Adenifuja Bolaji
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